Ce très beau livre nous transporte en Guyane, territoire français d'Amérique du Sud, entre le Suriname et le Brésil, territoire plutôt mal connu par nombre d'entre nous.
Deux personnages à la croisée des chemins: Marie, la quarantaine, veuve de gendarme abattu dans une mission dangereuse et qui a voulu revenir sur place pour mieux surmonter son deuil et Alex, la quarantaine aussi, fonctionnaire en poste en Guyane mais dont l'épouse a voulu regagner la métropole.
Alex, qui veut prolonger son séjour guyanais, voit ainsi un moyen d'échapper, provisoirement du moins, à sa famille étouffante, sa femme exigeante et peu affectueuse et sa fille plutôt distante. Marie voit dans ce séjour, l'occasion de s'affirmer en tant que femme, ayant vécu une vie "protégée" (trop protégée?) du temps de son mari.
Pour Marie, cela va être un douloureux apprentissage: trouver un job, un logement, affronter seule les tracas de la vie quotidienne, affronter l'incompréhension de son fils qui voudrait la voir revenir en métropole.
Marie et Alex vont se rencontrer et se rendre compte que bien des liens "invisibles" les réunissent.
Ce livre nous donne envie de découvrir cette terre française si lointaine, très différente des Antilles proches.
Livre bien documenté: on apprend tout sur les fêtes de Carnaval en Guyane, bien plus importantes qu'en métropole, la faune (les oiseaux, l'oiseau-tyran, les singes hurleurs, l'oiseau-sentinelle ou paypayo, l'oiseau hoatzin..)
Les différentes régions de la Guyane sont évoquées, la base spatiale de Kourou, la capitale, Cayenne, son village brésilien, les fleuves qui ont un rôle crucial: le Mana, l'Oyapock qui marque la limite avec le Brésil, le Maroni où se sont installés les descendants des esclaves Marrons, les îles du Salut comprenant la tristement célèbre "île du Diable" celle-là où a été détenu le capitaine Dreyfus.
Bref on voyage et on découvre un territoire fascinant mais difficile à vivre: à plusieurs reprises nos héros sont confrontés à l'insécurité et la violence de certains quartiers, des clandestins et des "garimperos", orpailleurs clandestins.
Une lecture très agréable et qui vous transporte.
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Je suis un peu partagée : le livre se lit bien, facilement et permet de découvrir de nombreuses choses sur ce territoire lointain et différent qu'est la Guyane. Je trouve que l'on ressent bien la moiteur, l'insécurité, la diversité...Je me suis aussi attachée aux personnages.
Sauf que le bémol est là : il y a beaucoup de répétitions. Je crois qu'au bout de quelques chapitres le concernant, on a bien compris le dilemme d'Alex face à sa femme acariâtre.
A l'inverse, les changements - notamment dans leur personnalité, leur caractère, leur manière de vivre - auxquels Alex et Marie font face, sont à peine expliqués, tout juste évoqués en quelques lignes alors qu'ils auraient mérité beaucoup plus.
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Ce roman est très dépaysant. La Guyane comme si on y était. La touffeur de la saison des pluies, la chaleur accablante de décembre, sa luxuriante et oppressante végétation, la magnificence des paysages, l'incroyable diversité de sa faune et sa flore mais aussi l'insécurité et la drogue omniprésente.
Nous suivons deux métropolitains, tous deux dont la vie de famille a explosé dans ce département du bout du monde. Marie y est devenue veuve, son mari gendarme a été abattu par un orpailleur. Alex n'a pas suivi sa femme retournée en métropole, et n'a pas envie de rejoindre cette femme hystérique et despotique.
Ils vont se croiser et se recroiser et leurs destins vont se lier.
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Toutes les communes de Guyane étaient endettées. Sylvain, son jeune collègue, lui avait sommairement décrit la situation. Une immigration incontrôlable, une population avec peu de ressources, une appropriation illégale des sols et, au bout de la chaîne, des impôts qui ne rentraient pas alors que les secteurs de la santé, de l'éducation et les infrastructures réclamaient des fonds considérables pour couvrir une démocratie galopante.
Marie regarda sur une carte et localisa l'endroit. En secteur interdit, là où personne n'était habilité à se rendre sans une autorisation préfectorale. Cette zone incluait tout le sud de la Guyane, d'une ligne allant de Maripasoula à Camopi, et avait été instaurée, à l'origine, pour préserver les Amérindiens d'un afflux de curieux. A présent qu'ils se déplaçaient sur l'ensemble du territoire, l'arrêté préfectoral n'avait plus de sens véritable. Pour autant, pas un préfet ne l'avait encore abrogé. Elle ne devait pas s'illusionner. Sans un laissez-passer en bonne et due forme, aucun piroguier n'accepterait de franchir cette barrière symbolique.
Leur dernière soirée fut le prétexte à des festivités. Au petit matin, les piroguiers avaient pêché un aïmara, poisson carnivore de dimensions spectaculaires, qu'ils cuisinèrent à l'étouffée dans des feuilles de bananiers. Pendant que se préparait le repas, les adultes usèrent et abusèrent du ti-punch, et entonnèrent des chants traditionnels en taki-taki (langue parlée dans l'Ouest guyanais par les Bushinengués, descendants des Noirs Marrons. Le vocabulaire est un mélange de néerlandais, de portugais et d'africain).
Au décès de son mari, elle s'était sentie orpheline, alors qu'elle n'avait rien éprouvé de tel à la mort de ses parents, emportés par un cancer foudroyant à six mois d'intervalle, dix ans auparavant. Elle avait alors un refuge: Michel. Il était le centre de son univers, son présent, son avenir, celui à qui elle s'en était remise pour toutes les décisions les concernant, eux et leur fils, les bras tendres dans lesquels se blottir.
A l'inverse du Maroni, dont les berges étaient ponctuées de communes, la Mana était un fleuve pratiquement vierge à partir de Saut Sabbat, qui marquait la frontière entre la partie peuplée et la forêt profonde. L'orpaillage clandestin y était moins intrusif qu'ailleurs et la faune, de ce fait, plus abondante.
La chronique de Gérard Collard - Pour l'amour d'un île