AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Henri-l-oiseleur


La montée en puissance du christianisme suscita parmi les intellectuels gréco-romains des réactions, et parfois des ouvrages de réfutation hostiles à la nouvelle foi aux II° et III°s. Aucun de ces ouvrages ne nous est parvenu entier, mais l'on doit au patriarche d'Alexandrie Cyrille les ruines et fragments du texte que Julien, l'empereur Julien, écrivit contre la nouvelle religion. Julien, qui vécut et régna peu, fascina les deux mille ans qui suivirent son court passage sur terre : il suffit de consulter la bibliographie à lui consacrée pour s'en convaincre. Sauvé du naufrage de la culture antique par les chrétiens byzantins qui admiraient son style et recopièrent presque toutes ses oeuvres, étudié et réédité De La Renaissance au XVIII°s par tous ceux qui tentaient de promouvoir une critique du christianisme, il est encore aujourd'hui le sujet d'innombrables biographies, romans historiques et autres essais.

Sa critique de la religion chrétienne, il faut le dire, tombe à plat. Il y voit une superstition locale de Galiléens incultes, à l'époque où les plus grands esprits et auteurs de langue grecque illustrent de leurs oeuvres la nouvelle foi. Cette religion a conquis l'universalité de l'empire, la paideia grecque, la civilisation, et rappeler ses origines modestes n'est plus un argument efficace. Julien cherche à dévaloriser la nouvelle foi en la présentant comme une hérésie juive, en faisant l'apologie du judaïsme au détriment du Christ et des apôtres. Mais il connaît si mal le judaïsme que sa comparaison tombe elle aussi à plat. Tout ce qu'il trouve à dire de bon sur les Juifs est qu'ils sont fidèles aux traditions de leurs pères, même s'il les trouve lui-même absurdes ou barbares. C'est peu... Et le lecteur moderne ne partagera pas son horreur des créations spirituelles innovantes (d'ailleurs Julien ne se priva pas de réformer le paganisme). Beaucoup de reproches qu'il fait à la nouvelle religion retombent sur l'ancienne, celle des Juifs qu'il prétend louer aux dépens de celle des chrétiens. Enfin, une autre série d'arguments anti-chrétiens ne font que révéler l'étroitesse ethnocentriste, le complexe de supériorité du Gréco-romain sur les "barbares". Si l'ethnocentrisme est difficile à éviter à l'époque de Julien, il ne saurait servir d'argument pour prétendre à l'universalité, aux yeux du lecteur d'aujourd'hui.

Telles sont les faiblesses de ce traité de Julien. Significativement, ceux de Celse, de Porphyre, autrement plus percutants et efficaces, ne nous sont pas parvenus. Cette chance est échue au plus maladroit d'entre eux, qui fut pris au sérieux car c'était l'oeuvre d'un empereur. Mais Julien est un bon tremplin pour le rêve : sa personnalité est attachante, et il nous conduit naturellement vers les fantasmes de l'uchronie. Ceux qui cherchent des critiques pertinentes du christianisme liront Nietzsche.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}