Je n'en finis pas de découvrir des dessinateurs et des scénaristes de bd grâce à la bibliothèque de ma ville qui, Ô bonheur, est dirigée par un spécialiste passionné d'arts graphiques. Sur ses conseils, je me suis précipitée sur cet album du duo
Arnaud le Gouëfflec -
Olivier Balez au titre direct, concis, "J'aurai ta peau
Dominique A", faisant tout de suite penser, soit au titre du film délirant, métaphysique Qui veut la peau de John Malkovitch, soit à celui, drôle et cartoonesque, Qui veut la peau de Roger Rabbit.
J'aurai ta peau
Dominique A. navigue entre ces deux univers, entre humour absurde et policier introspectif.
Mais qui peut bien vouloir la peau de
Dominique A, artiste discret et peu habitué aux titres racoleurs de la presse people ? C'est bien ce que se demande le principal intéressé quand il reçoit, à la sortie d'un concert, une enveloppe comprenant ce message de mort.
Nous lecteurs, on le voit, dès les premières pages, l'auteur de cette missive, un gros balèze en marcel à l'allure très menaçante, qui découpe consciencieusement aux ciseaux les lettres de ce message au son mal à propos de la chanson de
Dominique A "Il ne faut pas souhaiter la mort des gens" .
Même à celle qui trahit
Même à celui qui ment
Il ne faut pas souhaiter la mort des gens
Il y a bien des cas où
Mais même dans ces cas où
Il ne faut pas souhaiter la mort des gens....
" Dominique, c'est génial, ta première menace de mort en vingt ans de carrière, ça n'arrive qu'aux stars ! " lui lance son producteur pour tenter de le faire rire.
"Le syndrome
John Lennon ? N'essayez pas de défrayer la chronique et contentez-vous de la première page du dictionnaire de la chanson française", lui balance la commissaire après que notre chanteur ait porté plainte pour tentative d'assassinat.
"Les dingues, ils s'attaquent aux stars,,. pas à des chanteurs plus... c'est juste que t'es pas super connu....", s'interroge son pote Philippe Katherine qui en rajoute une couche :" Tu cultiverais un look à la
Lady Gaga, ça m'étonnerait pas que tu sois la cible d'un taré.. mais tu es tout le contraire, sobre, presque austère". "Normalement, c'est à moi que ce genre de dingue devrait s'attaquer. Je me suis un peu plus fait remarquer", ajoute-t-il un brin jaloux.
S'ensuit dans la tête de notre pauvre chanteur, un tas de questions sur son apparence, son identité, son image. Se peut-il que quelqu'un l'ait pris en grippe à cause de son look de moine-soldat, comme lui glisse son pote Philippe. Chanteur sobre, aux vingt ans de textes d'auteurs, ça a dû forcement énerver quelqu'un ? Parce que ce problème ne suffisait pas,
Dominique A est poursuivi par un fan qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et, de plus, lui reproche de lui avoir volé sa destinée.
Drôlissime et plus noire qu'elle ne paraît, cette farce policière est servie par d'excellents dialogues et des dessins qui collent parfaitement à l'ambiance et qui font penser aux bd américaines des années 50. Les couleurs en aplats, bistres, vertes, rouges et noires, découpent les scènes telles les lettres du message anonyme. Énigme loufoque, elle a cependant une explication et un dénouement.
La préface signée par
Dominique A himself révèle un artiste quelque peu troublé de se voir dessiné sur du papier imprimé, qui plus est, quand il est le héros d'une histoire ou il est question d'avoir sa peau. "Dans quel guêpier m'ont-ils fourré ? Comme si la vie n'était pas assez compliquée..." Et surtout percé à jour par Gouëfflec et Balez, pas simplement physiquement ("C'est toi ! C'est dingue ! C'est trop toi ! " dixit sa compagne) mais aussi mentalement ("Ils m'imaginent différentes vies, autres que celle de saltimbanque et en concluent que je ne me suis pas donné d'autres choix que d'être chanteur... c'est on ne peut plus vrai, ça m'a sauté à la gueule !).
Réjouissant, à découvrir avec en bande-son la belle voix de
Dominique A.