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4,02

sur 173 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je dois avouer que je n'étais pas très emballée par la couverture de ce roman, mais par contre, le résumé me tentait énormément, et j'adore découvrir de nouvelles plumes francophones. Heureusement que je n'ai pas jugé ce livre sur sa couverture, car je serais passée à côté d'une histoire incroyable, un coup de coeur inattendu ! Je remercie les éditions ActuSF, déjà pour l'envoi de ce livre, mais aussi pour leurs publications de jeunes talents francophones, nouvelles plumes pleines de promesses, qui prouvent encore une fois la richesse des genres de l'imaginaire.

On va suivre Yuri, princesse japonaise, promise contre son gré au premier dauphin de France. L'héritier du trône semble un parti parfait, mais elle ne l'aime pas. Elle va saisir la première occasion pour s'échapper, n'hésitant qu'un instant avant de suivre son guide dans les profondeurs de Paris. Elle va alors se retrouver au coeur d'un nouveau monde, dans lequel les humains côtoient les êtres magiques. Une société dans laquelle tout le monde est égal et travaille pour contribuer au bien commun, bien loin de ce que la princesse a connu. Va-t-elle réussir à s'adapter ou les mènera-t-elle à leur perte ?

J'ai trouvé la présentation du monde par l'autrice particulièrement fascinante. Elle nous décrit mille détails, règles, coutumes sans pour autant que cela paraisse long. Il y a la vie dans Paris, mais aussi sous la capitale et sur le Rail : trois façons de voir le monde totalement différentes qui pourtant nous semble presque intuitives tellement on est plongé dans le récit et on découvre les choses en même temps que Yuri. Bien qu'au départ, on ne voit pas très bien pourquoi on nous expose autant certains personnages du Rail, tout est lié, les pièces du puzzle se mettent en place et forment un tout complexe, mais très fluide et dynamique.

L'autrice oppose dans ce récit différentes visions du monde : celle de la ville de Paris est la plus sombre, totalitaire, répressive, avec famine, pauvreté et surtout fossé social important entre les aristocrates, les gens et les fées, rebuts de la pire espèce. le Rail est l'entre-deux : un petit monde plus juste, dirigé par une personne qui veille au bien de tous. Une gestion de famille, où la violence envers les fées n'est pas encore tout à fait réprimée. Sous Paris existe un endroit parfait, utopie cachée dans laquelle tout le monde est égal, tous participent à la communauté grâce à leurs compétences propres, chacun a un toit, de la nourriture, de quoi se vêtir, et bien que des actes répréhensibles y soient encore perpétrés, les peines encourues sont décidées par tous. Une vision qui fait rêver à un monde meilleur.

La richesse de ce livre, c'est aussi ces personnages. Ils ont une telle profondeur, on a l'impression de connaître chacun personnellement tellement on se sent proche et on s'attache à eux. Il y en a pourtant beaucoup, mais chacun ressort à sa façon. J'ai d'ailleurs plusieurs fois eu la larme à l'oeil tellement certaines scènes étaient prenantes et pleines d'émotions ! Yuri va explorer un nouveau monde et surtout découvrir la force de la confiance et de l'amitié. Elle va devoir désapprendre son éducation pour devenir un membre de cette communauté particulière.

Quand les fées, le barde ou encore Sir Edward parlent un dialecte compris d'eux uniquement, l'autrice a fait le choix d'écrire les phrases en anglais. Aucune traduction n'est cependant proposée en note de bas de page. Cela ne m'a pas posé problème personnellement, mais je me suis quand même demandé si ça n'allait pas être un souci pour certains lecteurs qui ne parlent pas anglais. 😮

Sur la quatrième de couverture, il est mis que l'autrice est barde. Je trouve que cela se ressent dans sa manière d'écrire à la fois légèrement poétique, musicale, très dynamique et rythmée. Il n'y a pas un moment où on s'ennuie, on est happé dans ce récit et on ne peut que continuer notre lecture pour connaître enfin le dénouement de cette histoire. Et quel dénouement ! Je n'en dirai pas plus, mais ce fut un passage très intense et bouleversant ! J'ai maintenant hâte de savoir ce qui va se dérouler dans la suite, car oui, il y aura un tome 2 : « L'héritage du Rail ».

Un coup de coeur pour ce roman de Morgan of Glencoe : elle y défend des valeurs essentielles comme la liberté de choix, la tolérance, l'égalité pour tous, avec une multitude de personnages profonds, vrais, auxquels on s'attache énormément, et une dynamique de narration prenante, entre découverte de l'univers du roman et action rythmée. Un premier chant sombre, mais plein d'espoir pour l'avenir !
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En conclusion, j'ai adoré ma lecture! Bien qu'elle soit émaillée de quelques petits défauts sans gravité (anglais non traduit ou manichéisme un peu trop présent), les qualités du roman font que j'ai complètement adhéré à l'écriture fluide et l'univers uchronique de Morgan of Glencoe. Surtout, j'ai beaucoup apprécié le double niveau de lecture du récit qui met en exergue des valeurs que je partage (lutte pour le droit des femmes, contre l'homophobie ou le vivre ensemble). Bref, ce premier tome Dans l'ombre de Paris est une véritable réussite et je compte bien poursuivre avec le tome suivant.

Pour une chronique plus développée, rendez-vous sur mon blog :
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Paris, 1995. Dans ce Paris uchronique, le temps semble s'être arrêté au Siècle des Lumières : la France (ainsi qu'une grande partie de l'Europe) est dirigée par le roi Louis XX, les moyens technologiques sont limités, les avancées sociales inexistantes, dans ce monde où l'aristocratie règne et où le peuple lutte pour sa survie. Dans ce monde d'inégalités, les fées et autres créatures sont tout en bas de l'échelle sociale : craintes, donc méprisées, elles sont considérées comme des animaux.
La condition féminine n'est pas non plus très enviable. Aussi, quand la princesse Yuri, fille de l'ambassadeur japonais à Paris, arrive dans la capitale et découvre qu'on va la marier au fils du roi, elle prend vite conscience qu'en tant que femme, elle n'est rien de plus qu'un ravissant objet docile et décoratif. Révoltée, se sentant trahie, elle n'hésite pas longtemps quand on lui offre une échappatoire à ce destin déjà scellé.

Morgan of Glencoe nous offre ici un excellent roman de fantasy, dans lequel on plonge avec plaisir et qui nous emporte sans qu'on s'en rende compte : les pages se tournent toutes seules ! Je l'ai lu en une après-midi et je n'ai absolument pas vu le temps passer. L'histoire est prenante, mais sans nous étourdir de rebondissements, de retournements de situation. On savoure aussi la douceur de vivre du peuple des Égouts, la simplicité, les petits moments de bonheur. C'est aussi une des forces du roman : une opposition très forte mais subtilement décrite entre le monde des Égouts, sa bienveillance, son humanité, sa douceur et sa tolérance, et la dureté du monde de la surface, fait de violence, de faux-semblants, de manipulation, de mensonges. Les plus humains ne sont finalement pas ceux que l'on croit...

J'ai beaucoup aimé aussi les personnages, très bien construits, complexes, tout en nuances. Les personnages féminins, en particulier, sont une réussite : que ce soit Yuri, Bran, la capitaine Trente-Chênes ou même Levana, elles montrent des portraits de femmes intelligentes, fortes, qui ne sont pas dupes de leur place dans la société mais ne s'en laissent pas conter pour autant.

En bref, un vrai coup de coeur pour ce roman prenant, subtil, élégant, à la fois sombre et lumineux. Un roman envoûtant, où la violence et la noirceur ne sont jamais gratuites, mais servent habilement un propos empreint d'humanité et de bienveillance.

Vivement le tome 2 !!
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Merci à Babelio et à ActuSF pour l'envoi de ce livre dans le cadre de masse critique. J'avais sélectionné ce livre parce que, encore une fois, j'avais été séduite par la couverture mais aussi par le résumé : une princesse japonaise qui se retrouve piégée à Paris, dans un monde peuplé de fées de surcroît, je ne pouvais que craquer ! le livre a été à la hauteur de mes attentes, j'ai ADORÉ ma lecture ! L'auteure aborde pas mal de thèmes sensibles dans son univers, comme la condition de la femme - du coup on a des héroïnes fortes qui veulent prendre leur destin en main, et ça c'est cool ! - , les différences entre les peuples et comment ils sont perçus (les fées sont traitées comme du bétail...), le harcèlement sexuel, l'orientation sexuelle, ... en mettant en scène des personnages hauts en couleur que j'ai aimé découvrir. Surtout Yuri, qui a une belle évolution depuis qu'elle cavale dans l'obscurité de Paris. Elle va en traverser des épreuves... l'auteure n'épargne pas ses personnages !
Bien que l'action se centralise surtout sur Paris, l'univers de la Dernière Geste est très riche, la plume de l'auteure le rend agréable à découvrir. C'est bien écrit et on a envie de savoir la suite. J'aime bien lorsqu'on a des petits bouts de phrases en anglais et en japonais (mais pour le jap, je m'étonne parfois que certains personnages mineures connaissent l'usage des suffixes comme « hume » - qui signifie princesse - ou« sama », mais peut-être est-ce l'usage dans cet univers fantastique ?

Une très bonne lecture, j'ai vraiment hâte de lire la suite (surtout après une fin pareille !!).
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Alors là, on arrête tout…. Gros gros coup de coeur !! Si je pouvais, je donnerais bien plus de 5 étoiles ! Et je ne remercierais jamais assez la personne qui me l'a offert car honnêtement je ne suis pas certaine du tout que sans cela, je m'y serais intéressée. Je ne connais pas l'auteure et le titre ne m'interpelle pas spécialement (pardon Morgan of Glencoe !). Mais franchement j'ai été très rapidement sous le charme de cette histoire et complètement happée par l'intrigue, le suspense et je me suis attachée fortement aux personnages. Si vous n'avez pas peur d'entrer dans un monde où les humains côtoient les fées, alors n'hésitez pas, je vous le conseille vivement… Mais quand je dis fées, ici on ne parle pas de la fée clochette… mais de créatures apparemment assimilées par certains humains à des animaux tandis que d'autres les considèrent d'égal à égal. Parmi ces fées, vous avez des Selkies, des Spectraux (je ne suis pas certaine du pluriel pour Spectral dans ce contexte !), des Aelings, des Feux-follets, des Sylphes etc. On croise aussi des Bardes… Bref un univers assez incroyable, fantastique et poétique (j'ai beaucoup aimé). L'histoire se déroule en 1995 mais la France vit sous le règne de Louis le vingtième, un véritable tyran ! Il réside au Louvre où il bénéficie de toutes les nouvelles technologies quand une grande partie de Paris et sans doute de la France, vit dans la plus grande pauvreté, sans électricité etc. le monde est sous la domination de la Triade : l'empire français (très puissant) – les Sultanats et l'empire du Japon. L'héroïne que l'on suit dans ce premier tome de « Dans l'ombre de Paris » est la princesse Yuri-Him, 3e femme du Japon, fille du seigneur Nekohaima, l'ambassadeur blanc du Japon à Paris. Elle est éduquée et programmée pour être une jeune femme soumise et bien élevée, destinée à devenir la prochaine Reine de France et donc pour cela d'épouser le Dauphin. Cette destinée décidée par son père sans l'avoir consultée, Yuri la découvre pour ses 20 ans en arrivant du Japon par le train à Paris. Elle n'avait pas revu son père depuis 7 ans. le train est géré par les « Fourmis » dirigées par la Capitaine Trente-Chênes. Son équipe est formée d'humains et de Fées et donne un univers étrange. Ils joueront un rôle important dans l'histoire. Yuri-Him n'aime pas son fiancé mais elle a été éduquée pour obéir. Elle se plie donc aux différentes cérémonies jusqu'au moment où sa future belle-mère, la reine de France, Gabrielle l'invite pour parler avec elle… et contre toute attente, lui propose de choisir : rester ici et épouser son fils et suivre ainsi cette destinée choisie pour elle ou bien de partir à l'instant et de vivre sa vie comme elle l'entend… tout en lui assurant qu'on l'aidera… Yuri choisie de partir vers l'inconnu qui la mènera dans une drôle de communauté : les « Rats », qui vivent dans les égouts, dans les sous-sols de Paris. Cette communauté de vie rassemble des humains et des Fées qui vivent tous sur un pied d'égalité avec Sir Edouard comme « chef » spirituel. Cette vie de liberté est toute nouvelle pour Yuri qui aura besoin de s'acclimater. Elle va aussi devoir apprendre à faire confiance et découvrir pour la première fois l'amitié. J'ai vraiment beaucoup apprécié la métamorphose de Yuri chez les Rats où les femmes et les hommes, ainsi que les Fées de toutes races sont tous égaux. Je vais arrêter de vous raconter car ce serait trop dévoiler les ressorts de l'intrigue et ce serait dommage. Perso, j'ai été tenue en haleine tout du long et par moments j'ai été très émue et les larmes ont coulé. Oui vraiment très poignant, surtout vers la fin, mais je ne peux pas vous en dire plus…. Récit intense, étonnant, palpitant et touchant, précipitez-vous, vous ne serez pas déçus. J'attends la suite avec impatience !
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J'ai très longtemps (trop, sans aucun doute) été une lectrice très solitaire : durant toute mon enfance, puis mon adolescence, la lecture était mon seul et unique refuge, mon petit jardin secret que je ne souhaitais partager avec personne d'autre, fuyant la solitude en m'y enfonçant plus encore. Tout au plus je concédais un petit « j'ai bien aimé » à la professeure documentaliste quand je venais rendre le roman emprunté la veille et dévoré d'une traite (officiellement durant la nuit, en réalité durant le cours d'histoire), ainsi qu'un plus petit encore « t'as qu'à lire ça, c'est bien et court » lorsqu'un autre élève me demandait quel livre il devrait choisir pour la « lecture libre » du cours de français. Ce n'est qu'en arrivant sur Livraddict, et plus encore en m'inscrivant sur de très (trop) nombreux challenges que j'ai commencé, par la force des choses, à rédiger un petit avis à destination des autres participants … ainsi qu'à lire les leurs, d'abord par simple curiosité, puis ensuite (lorsqu'il est avéré que nos gouts étaient identiques, ou tout du moins drôlement similaires) pour nourrir mon insatiable wish-list et ma monstrueuse pile à lire. Et, chemin faisant, les échanges sont devenus de plus en plus, fournis, et j'ai commencé à prendre un grand plaisir à confronter nos points de vue, à recommander certains livres, et aussi à me laisser recommander des livres par les autres. Et ce qui est merveilleux, quand on a des amis qui ont des gouts à la fois très similaires et un tantinet différents des nôtres … c'est qu'on est parfois amené à oser découvrir des livres qu'on n'aurait assurément même pas daigné regardé autrement !

Depuis son plus jeune âge, Yuri a toujours été celle que son père, le noble, puissant et respecté Ambassadeur de l'Empire japonais, voulait qu'elle soit : la plus irréprochable de toutes les petites princesses, stoïque, majestueuse et docile en toutes circonstances. Désormais âgée d'une vingtaine d'années, la jeune fille excelle dans l'art de peser ses mots, ses gestes, ses regards, ses silences, et évolue dans les plus hautes sphères de la Cour impériale avec une aisance savamment travaillée qu'elle s'efforce de rendre la plus naturelle possible. Appelée à Paris par son père, qu'elle n'a pas vu depuis de très nombreuses années, la troisième dame du Japon ne tarde pas à comprendre la raison de ce voyage imprévu : la voici promise au jeune et arrogant Louis-Philippe, héritier du Trône de France … Sans la consulter, son père a fait d'elle la future femme la plus puissante du Monde, du moins en apparence : dans son monde, les femmes n'ont pas d'autre puissance que de donner un héritier à leur respectable époux. le coeur brisé par la trahison de la seule personne à qui elle avait accordé sa pleine et absolue confiance, Yuri ne laisse toutefois rien paraitre de la tristesse, de la colère, du dégout que lui inspire cette union à venir : comme la parfaite petite princesse qu'elle est, elle se doit de se marier avec celui que son père a choisi pour elle, elle se doit d'honorer le nom de son illustre famille, elle se doit d'être l'épouse irréprochable et soumise qu'on attend qu'elle soit. Mais voilà qu'on lui propose une autre voie, celle du choix et de la liberté … mais aussi de l'inconnu et peut-être même du danger ….

S'il me fallait résumer en un seul mot ce roman, le plus juste serait sans aucun doute « fascinant » … et tous ses synonymes : captivant, passionnant, charmant, envoutant, séduisant, ravissant. Cela commence dès le prologue, mené d'une main de maitre : d'un côté, la jeune princesse à qui l'on déroule le tapis rouge, de l'autre, la fée, l'animal sauvage qu'on n'hésite pas à maltraiter sans le moindre état d'âme. Séparées par des milliards de mondes … mais profondément liées par leur servitude. Car Yuri a beau être l'une des jeunes femmes les plus puissantes du monde, elle est loin, très loin d'être libre : comme toutes les jeunes femmes de sa condition, de son milieu, de son rang, elle n'a d'autre avenir que d'être mariée au meilleur parti possible pour nouer des alliances diplomatiques avantageuses et de donner à son puissant époux un héritier et une ribambelle de petites filles à marier à leur tour … Je dois bien l'avouer, s'il avait été dressé un peu plus longuement, le portrait de cette société patriarcale aurait fini par m'agacer : ceux qui me connaissent le savent, je ne supporte pas les romans dans lesquels les revendications militantes prennent le dessus sur l'intrigue, dans lesquels l'histoire n'est finalement plus qu'un prétexte pour assener des messages pas discrets du tout. L'espace d'un instant, je dois bien le reconnaitre, j'ai eu terriblement peur que ce roman sombre dans cet odieux travers … fort heureusement, malgré quelques passages un peu trop orientés, mes inquiétudes ont rapidement été balayées : l'autrice ne camouflait pas un manifeste féministe derrière un simulacre de récit, elle nous offrait bel et bien une histoire, une véritable histoire.

Et quelle histoire ! Quelle épopée ! Rares sont les romans à toucher aussi profondément le lecteur dans tout son coeur, toute son âme, tout son être : ouvrir ce roman, c'est un peu comme se laisser envahir par la puissance d'une symphonie déchainée, par la fureur d'un ouragan mélodieux. Cela commence comme une valse, lente et régulière : on sait à quoi s'attendre, ou du moins le pense-t-on jusqu'à ce que notre partenaire s'autorise une petite folie aussi audacieuse qu'inacceptable, qu'on ne s'autorise pas à apprécier pleinement car on ne songe qu'aux « qu'en dira-t-on ? ». Une jeune noble, très noble, marche vers son destin comme un condamné vers l'échafaud : persuadée qu'elle n'a aucun moyen d'échapper à ce mariage, à son devoir. S'interdisant obstinément de rêver à une autre existence, mais ne pouvant s'empêcher d'admirer très secrètement la Capitaine Trente-Chênes. Et puis, la mélodie s'emballe soudainement : revirement. Sans réfléchir, la princesse accepte une scandaleuse mais si séduisante proposition, et fuit ses responsabilités, fuit sa prison dorée. Elle attrape au vol la main de la liberté, sans savoir ce qui l'attend au terme de cette folle échappée. Commence alors la plus virevoltante des balades des temps anciens : aux côtés de la princesse volontairement déchue, le lecteur découvre littéralement un autre monde. Celui des rebuts, des reclus, des exclus : bien planqués dans les sous-sols de la ville, survivent tous ceux à qui on ne veut reconnaitre le droit de vivre. Tous ceux qui sont trop différents, qui « bouleversent l'ordre établi ».

Sans grande surprise, car c'est une situation relativement classique dans la fantasy, notre jeune princesse va éprouver quelques … difficultés à se fondre dans cette nouvelle masse. Même avec toute la bonne volonté du monde, il est bien difficile de se détourner, de s'arracher, aux conditionnements de notre éducation. Même avec toute la force de caractère du monde, il est bien difficile de tirer un trait, de faire table rase de tout ce qu'on nous a profondément inculqué, de laisser s'effondrer toutes les certitudes sur lesquelles notre existence toute entière a été bâtie. Tout l'enjeu de ce premier tome est là, finalement : laisser le temps à Yuri de remettre en question tout ce qu'on lui a appris, tout ce qu'elle tenait pour acquis. Et cela ne se fait pas en un claquement de doigts, ne se fait pas sans douleur, sans heurt. Un pas en avant, deux pas en arrière. Un pas d'un côté, un pas de l'autre côté. Comme une danse tout en hésitation, toute en retenue. Au premier abord, on a le sentiment qu'il ne se passe pas grand-chose dans ces quelques cinq-cents pages : la fantasy traditionnelle nous a habitués à bien plus de rebondissements, de mouvements. Mais ici, point d'épiques péripéties. La quête est d'autant plus ardue qu'elle est intérieure : ce n'est pas le monde que Yuri doit changer (pas encore), mais bien elle-même. Elle doit changer son regard, changer son coeur. Elle doit lutter contre elle-même, et c'est peut-être la bataille la plus difficile à gagner : car il n'y a pas de retour en arrière possible … le changement est irréversible. Elle ne sera plus jamais la même.

Comme la différence, le changement fait peur. Surtout dans le milieu de Yuri, englué depuis toujours dans une vision du monde datée et étriquée : fermement attachée à ses privilèges, comme une moule à son rocher, la noblesse voit d'un très mauvais oeil tout ce qui risquerait d'ébranler leur supériorité, de toucher à leur petit confort. Alors on méprise tout ce et tous ceux qui compromette la pérennité de leur petit univers. Alors on se met des oeillères pour se convaincre qu'on a raison d'agir comme on agit. Alors on met des oeillères à nos enfants pour qu'ils perpétuent le système. Mais voici qu'une fausse note brise l'harmonie si durement acquise, voici que la cage a été ouverte de l'intérieur, voici qu'un petit oiseau encore assez jeune pour apprendre une autre mélodie prend son envol. Doucement, mais sûrement. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, il va falloir du temps à Yuri pour apprivoiser, et plus encore apprécier, cette liberté qu'elle n'avait jamais goutée jusqu'alors. Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle avait soif de liberté avant de savoir ce que c'était … Mais les belles choses ne durent jamais bien longtemps : les chasseurs n'aiment pas les petits oiseaux chanteurs en liberté, sans doute car eux-mêmes n'ont pas le courage de les suivre. Jaloux des petits oiseaux qui jouissent d'une liberté qu'ils n'ont pas, ils préfèrent briser les ailes des petits oiseaux que d'ouvrir les leurs. Que le coeur de l'homme est prompt à se laisser contrôler par la jalousie, la rancune, la haine ! Voici que s'élève un chant martial et vengeur, promesse de destruction, de mort et de pleurs … Et quand sonne la trompette de la victoire, les oiseaux sont réduits au silence. Dans leur cage, à nouveau.

En bref, vous l'aurez bien compris, le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai été non seulement agréablement surprise, mais bien plus émerveillée et époustouflée par ce roman auquel je n'aurai sans aucun doute jamais prêté la moindre attention si une amie chère ne me l'avait pas offert, et si je n'avais pas fait aveuglément confiance en son jugement. Dire que j'aurai pu passer à côté de ce coup de coeur sans elle : je ne la remercierai jamais assez de m'avoir évité cette triste perspective ! Car j'ai vraiment été bluffée par ce roman qui ne ressemble à aucun autre : c'est de l'art, du grand art même. Avec une maitrise parfaite, l'autrice nous entraine dans une épopée des plus poignantes, des plus saisissantes : on se laisse porter par le récit, comme on se laisse bercer par une mélodie. On tremble, on rit, et on pleure avec les personnages : ce qu'ils vivent, on le vit. Parce que ce qu'ils vivent, c'est ce qu'on vit. C'est la joie, la peine, l'espoir, le doute, le courage, la peur. C'est tout ce qui façonne une vie, car toute vie est ordinaire, toute vie est extraordinaire : chacun à notre manière, nous vivons en réalité tous la même chose. Si différents mais si semblables en même temps. Et c'est vraiment parce qu'on se sent en harmonie parfaite avec ces personnages qu'on est si profondément chamboulé par ce récit, si viscéralement bouleversé par les joies et les peines qui émaillent ce roman palpitant par sa sobriété même. Nul besoin d'un rythme endiablé, quand le chant est si joli …
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Dans l'ombre de Paris de Morgan of Glencoe est un roman qui me faisait de l'oeil depuis longtemps et je me suis offert les deux tomes il y a peu. Une fois n'est pas coutume, ils n'auront pas traîné longtemps dans ma pile à lire, et je suis enchantée de la découverte.

Le roman nous présente un univers où les fées sont traitées comme des animaux dangereux par les humains terrifiés. En cause ? Leurs pouvoirs qui terrifient. La Princesse Yuri, a grandi dans un beau cocon protecteur, et son voyage pour la France sera un élément décisif dans sa vie. Elle y découvre avec stupeur qu'elle est fiancée, mais elle découvre aussi que le monde n'est pas aussi manichéen qu'elle le croit, et, pour la première fois de sa vie, elle a le choix. Être ce que la société attend d'elle ou partir pour se trouver en comptant sur la vague promesse qu'on l'aidera…

Le roman déploie sous nos yeux un univers chatoyant et fabuleux. Chaque être de ce livre est décrit de manière très visuelle, si bien que tous prennent corps sous nos yeux avec une facilité déconcertante. Ici, une multitude de créatures existe pour notre plus grand bonheur: Les Aelings sont des fées de l'air, les Spectral à l'instar de Ren, sont des guérisseurs hors du commun, les Feux-Follet sont attachants et drôles, Pyro en est l'exemple parfait, les Selkies sont aussi fascinantes que dangereuses et que dire des Bardes et de leurs pouvoirs tout bonnement hors normes! Les capacités de chacun sont complémentaires et permettent de former un tableau chamarré, vivant et terriblement attachant. Ici, chaque détail a son importance. le monde décrit parle à notre âme d'enfant et à notre coeur. Pour autant, l'univers ne bascule pas dans la gentille simplicité : Morgan of Glencoe imagine des Etats à la géopolitique complexe, héritée d'un passé mouvementé, elle distille des luttes intestines pour obtenir le pouvoir, elle glisse des rêves pacifiques d'union, et enfin, elle saupoudre d'un zeste de violence et d'intolérance avec les fées traitées en animaux par des humains arrogants. Ainsi, l'univers est complexe et dense, tout en nuances et en finesse.

L'échiquier politique est, dans ce roman, une réelle source de rebondissements : cela donne de l'épaisseur à l'intrigue. Non seulement, nous avons un conflit presque ouvert entre le monde des fées et le monde des humains, mais en plus, nous avons des tensions entre la France et Keltia, avec au centre, la question de l'indépendance du Rail – ce chemin de fer reliant les continents ; l'Empire japonais et le Sultanat qui observent l'avancée des pions des uns et des autres, en essayant de maintenir l'équilibre et de sortir leur épingle du jeu. A cette vaste partie d'échecs, s'ajoutent les machinations individuelles des uns et des autres pour sauver leurs intérêts personnels. le père de Yuri orchestre des fiançailles qui ont un intérêt tant politique que personnel, la reine Gabrielle a des raisons de s'intéresser à cette union, Sir Edward et les Rats eux aussi mettront leur grain de sel dans cette mécanique un peu trop huilée… et que dire de Yuri elle-même qui transgressera de nombreuses règles de la Cour! Vous l'aurez compris, dans ce premier tome, nous n'avons pas le temps de nous ennuyer!

Yuri est une jeune femme intelligente qui découvre non seulement Paris, mais la réalité concrète du monde et l'envers du décor. Son fiancé est beau…. et convoité par toutes les demoiselles, mais elle comprend aussi à ses côtés la destinée qui l'attend et, bientôt, l'heure du choix arrive. Au gré de ses décisions, elle découvrira l'oppression, la cruauté et la violence, elle sera confrontée à la mort, mais fera l'expérience aussi de la liberté, du droit inaliénable d'être soi-même et de prendre ses propres décisions… pour le meilleur et pour le pire. Elle découvrira enfin l'amitié, la vraie amitié, celle qui résiste à tout, celle qui gonfle le coeur de bonheur et de tristesse, celle qui nourrit et noue la gorge. Yuri apprend à vivre, et, telle un bébé, elle trébuche en faisant ses premiers pas, mais avec un courage de femme déjà, elle encaisse et avance, se redressant toujours un peu plus pour finalement faire reculer le joug de la Cour et s'épanouir. En trame de fond, nous assistons donc à une véritable quête initiatique dans ce roman. de l'enfant soumise aux règles édictées par son père surgit une jeune femme forte et résiliente qui a souffert plus en quelques mois qu'en plusieurs années. Ses compagnons d'aventures se dévoilent également sous nos yeux et prennent leur envol. Chacun a son intérêt et son importance pour le reste de l'histoire, plantant une écharde de trahison dans le coeur, réchauffant d'un rire un moment douloureux ou illuminant le parcours d'un soutien indéfectible.

La plume de l'autrice est particulièrement savoureuse et fluide. Ce roman se dévore (comme le deuxième tome d'ailleurs!). Les différentes langues évoquées permettent d'offrir une dimension cosmopolite au récit, et les chants, les poèmes offrent une part de musicalité et de littérarité certaine. Ce sont autant d'éléments qui enrichissent l'univers et portent le lecteur aux confins du monde connu, vers des berges nouvelles, sources de découvertes hautes en couleurs.

Ainsi, j'ai adoré ma lecture. Dans l'ombre de Paris est un roman riche, rythmé doté d'une intrigue savoureuse alternant beauté d'un monde nouveau et turpitudes politiques. L'équilibre est parfait pour nous entraîner toujours plus avant, sans jamais nous laisser sur notre faim. Une pépite de fantasy.
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Dans l'ombre de Paris, est incontestablement une des mes meilleures lectures de 2021 et comme souvent avec les gros coup de coeur l'écriture d'un avis argumenté est compliqué et on recule la rédaction. La princesse Yuri arrive à Paris pour apprendre qu'elle doit se marier au prince héritier du royaume. A l'aide de sa potentielle belle-mère, elle fuit et découvre tout un monde caché dans les égouts. Si le point de départ est assez simple à expliquer, toute la densité et le foisonnement qui suivent rendent la tache plus ardue. L'univers est à la fois complexe mais tellement bien amené qu'il reste très accessible. C'est même impressionnant d'avoir réussi à ne jamais perdre les lecteurs malgré tous les concepts et personnages qui cohabitent et le tout en restant en littérature jeunesse. La dernière geste est une saga où se recoupent différents genres de l'imaginaire. C'est une uchronie, la répartition des puissances est complètement réévaluer et c'est palpitant de suivre les aspects politiques. L'esthétique colle au steampunk. La présence de différentes espèces/créatures issues de folklores variées ainsi que la magie rapproche le texte de la fantasy. Tous les personnages même les plus mineurs sont consistants. On les aime tous entre ceux qu'on apprécie vraiment et ceux qu'on adore détester, aucun ne laisse indifférent. Je trouve cette galerie de personnages vraiment aux petits oignons. Ils sont truculents, attendrissants, complexes… J'en dis très peu car c'est le genre de texte qu'il est bon de découvrir en se laissant porter. Juste une chose pour essayer de vous convaincre de le lire : j'ai enchainé avec le tome 2 et c'est important à noter car ça ne m'arrive presque jamais.
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Nous faisons la connaissance de Yuri-Hime, princesse japonaise, durant son voyage à bord de l'Orient-Express qui l'emmène à Paris où elle a été mandée par son père, ambassadeur à la cour de France. Parce que oui, si nous sommes au XXe siècle, la monarchie est toujours là. Nous en sommes à Louis XX, et la liste de ses titres est pour le moins impressionnante : Roi de France, d'Espagne, de Suède et de Norvège, Prince de...(3), Grand-Duc de...(1) Souverain Suprême de...(4), Grand Protecteur de...(3), et Seigneur de...(2). En gros de l'Europe élargie ! Et ce n'est qu'arrivée à Paris qu'elle comprend qu'elle vient d'être "donnée" par son père au Dauphin, Son Altesse Royale le Prince Louis-Philippe Auguste Capet de France.

Si la pilule est dure à avaler, il n'en reste pas moins que la rigidité de l'éducation japonaise, qui plus est d'une princesse japonaise, lui fera faire courbettes et sourires impassibles. Une histoire vue et revue n'est-ce-pas ! Mais outre le contexte d'une France d'aujourd'hui monarchique, Morgan of Glencoe va nous faire une véritable petite révision du bestiaire folklorique celte et là, ce n'est que du bonheur. Au diable les grincheux de l'intrigue classique !
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Musicienne et barde, Morgan of Glencoe a un peu délaissé ses partitions pour prendre la plume qu'elle manie avec tout autant de talent. Cette enchanteresse des mots nous emporte ici dans un Paris uchronique des plus étonnants. Elle fait honneur à ses origines bretonnes en invitant les fées, avec lesquelles elle a grandi, à venir égayer son récit.

Dans L'Ombre de Paris est une dystopie qui nous attache aux pas de Yuri-hime Nekohaima, la fille de l'ambassadeur de l'Empire japonais, qui est destinée à épouser le dauphin de France. C'est à bord de l'Orient-Express qu'elle débarque à Paris et apprend l'avenir que son père lui a tracé. En bonne princesse japonaise, elle doit se conformer au désir de ce dernier qui reste son tuteur jusqu'à son mariage. Mais, même si elle ne montre rien, elle vit comme une trahison de ne pas avoir été prévenue avant de ce qui l'attendait. La voici qui se retrouve donc au Louvre à devoir se laisser courtiser par un prince qui ne l'intéresse pas sans même pouvoir demander des explications à son père. Son salut viendra de là où elle ne l'attend pas mais sera-t-elle capable d'écrire sa propre histoire ?

Morgan of Glencoe nous ouvre les portes d'un Paris déconcertant où la splendeur n'est pas là où on l'imagine. Ici, le lustre et le faste des rois et de leurs pairs sont aussi factices qu'illusoires. Pour la jeune princesse, ce ne sont que les murs d'une nouvelle prison dorée qui va bientôt refermer ses portes sur elle.

Dans l'imaginaire de cette autrice, il y a le Paris d'en haut et le Paris d'en bas. Alors que celui d'en haut sonne comme un faux-semblant, celui d'en bas, lui, carillonne de féerie. C'est ici, au coeur des égouts de la capitale que se sont réfugiés les fées, les rejetés, les incompris de ce monde étroit et sectaire. C'est là que l'on rencontre, par exemple, certaines figures de la geste arthurienne comme Taliesin le barde. L'autrice s'est amusée à peupler ces lieux inattendus de créatures tout droit sorties du folklore celtique. Maltraitées et haïes par les hommes, qui ne les comprennent pas, ces fées ont su se rassembler pour former une communauté hétéroclite et joyeuse. C'est dans ce royaume que Yuri va faire ses vrais premiers pas dans la société. En abandonnant peu à peu ses préjugés, elle découvre un monde insoupçonné, peuplé d'êtres de qualité, tolérants, bienveillants et enrichissants. Une rencontre bouleversante pour une princesse appelée à devenir une grande dame.

Dans L'Ombre de Paris n'est qu'un prélude à une saga de fantasy déjà éblouissante qui redéfinit notre conception du merveilleux. Cette nouvelle plume a su se nourrir de son héritage, constitué de récits populaires et teinté d'une forte tradition orale, pour construire un univers fabuleux, sombre et lumineux à la fois, fait de larmes et de joie... plus d'infos sur Fantasy à la Carte.
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