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Critique de daniel_dz


Une enquête menée pendant plusieurs années, sur le terrain, à propos de la présence en Afrique du brasseur Heineken, qui y a établi ses premières brasseries vers 1930. Sous un vernis colonial paternaliste, Heineken a bâti en Afrique un empire que je n'aurais pas soupçonné. Sa longue connaissance de ce continent lui a permis de s'enraciner fermement dans la société africaine et d'y profiter d'un marché en croissance rapportant 50 % de bénéfices en plus qu'ailleurs dans le monde ! Un livre accessible, qui se lit agréablement, que je conseille vivement à ceux qui s'intéressent à la présence d'industriels européens en Afrique.

À l'origine, ce livre est paru en 2015 en néerlandais sous le titre « Bier voor Afrika. Het best bewaarde geheim van Heineken », faisant référence aux propos de Jean-François van Boxmeer, grand patron d'Heineken qui a qualifié l'Afrique de « secret le mieux gardé du milieu international des affaires ». L'auteur a sorti une seconde version de son étude en 2018; j'en commenterai ici la traduction française.

Olivier van Beemen est un journaliste d'investigation néerlandais quadragénaire, spécialisé sur l'Afrique. Il a été correspondant en France pendant dix ans et collabore au journal « Le Monde ». Si j'en crois son profil sur LinkedIn, il prépare actuellement une thèse de doctorat à l'université d'Amsterdam.

L'étude qu'il présente ici est le résultat de plus de 5 ans d'enquête. L'auteur a tenu à jauger lui-même la réalité des activités d'Heineken en effectuant des séjours en Algérie, en Tunisie, en Sierra Leone, au Nigéria, en Éthiopie, au Congo Brazzaville, en République démocratique du Congo, au Rwanda, au Burundi, en Afrique du Sud et au Mozambique, c'est-à-dire dans tous les pays où Heineken exploite des brasseries, à l'exception de la Côte d'Ivoire. Il ne s'agit donc pas d'un livre à sensation préparé sur un coin de table ! L'auteur liste d'ailleurs 7 pages de références et mentionne qu'il a recueilli 400 témoignages.

En Afrique, Heineken produit de la bière (et des sodas) et les commercialise, par exemple sous la marque Primus. Il ne s'agit donc pas ici d'un industriel qui voudrait profiter d'une main d'oeuvre bon marché pour manufacturer des produits qui seraient vendus à haut prix sur les marchés occidentaux: le brasseur écoule sur le continent africain les boissons qu'il y produit. La bière est une boisson appréciée en Afrique, et sa consommation est encore en augmentation !

Alors on comprend qu'Heineken doive soigner son image. Par exemple, il met en avant des projets agricoles qu'il a mis en place pour alimenter certaine de ses brasseries en matières premières. Si ces projets ont une réalité incontestable, Olivier van Beemen montre tout de même qu'ils ne sont pas idylliques. Dans le même ordre d'idées, Heineken vante tout le soin qu'il prend de son personnel africain, mais là aussi, l'auteur apporte des nuances.

Sa présence sur le continent se trouvant ainsi « légitimée » aux yeux des autorités et d'une partie de la population, Heineken va veiller à diffuser son image de manière assez massive pour faire connaître et imposer ses produits. L'auteur raconte des anecdotes comme celle d'un commissariat de police peint aux couleurs de la Primus, mais il consacre aussi un chapitre aux « promotrices », des jeunes femmes payées (chichement) pour user de leur charme pour pousser les messieurs à consommer dans les bars.

Comme autre illustration de la présence d'Heineken dans la société africaine, je mentionnerai encore le fait qu'il a étanché la soif des génocidaires rwandais…

Voilà un avant-goût du contenu de cette étude, que je vous encourage à parcourir si le sujet vous intéresse !

Je remercie les éditions Rue de l'échiquier pour m'avoir permis de découvrir cette intéressante étude, dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio.
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