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Jeune éditeur (dix ans), Rue de l'échiquier a le bon goût et le courage de nous présenter ce document rare et donc précieux. Il s'agit d'une étude exhaustive et impartiale des pratiques d'un géant de industrie à l'échelle d'un continent à l'ère du capitalisme, (« Le renard libre dans le poulailler libre » dixit Karl Marx) en tant que modèle économique mondial sans partage : « Heineken en Afrique ».
Après une investigation de 5 ans, et de multiples voyages sur le terrain des Etats où sont implantées des brasseries, Olivier van Beemen, nous restitue au moyen d'un livre qui se lit sans difficulté, les aspects écologiques, sociaux, publicitaires, économiques, politiques, historiques et humains - du vendeur et du consommateur, en tant de paix comme en temps de guerre- conçus comme autant de cadres de l'implantation et de la prospérité d'une multinationale en Afrique. Cet ouvrage documenté, argumenté incite à la réflexion car il permet de tout savoir, dans la stricte ligne de pensée de François-René de Chateaubriand « Tout savoir pour tout comprendre. Tout comprendre pour tout apprécier » (in Mémoires d'outre-tombe tome 1). Ce livre est à lire et à faire lire ou à expliquer aux plus jeunes afin de développer leur esprit critique face au monde dans lequel nous évoluons, mondialisé, certes, mais avant tout guidé par un modèle unique de société de consommation dont le principe, ne l'oublions pas, est de faire croire indispensable ce dont nous n'avons pas besoin.
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Une enquête menée pendant plusieurs années, sur le terrain, à propos de la présence en Afrique du brasseur Heineken, qui y a établi ses premières brasseries vers 1930. Sous un vernis colonial paternaliste, Heineken a bâti en Afrique un empire que je n'aurais pas soupçonné. Sa longue connaissance de ce continent lui a permis de s'enraciner fermement dans la société africaine et d'y profiter d'un marché en croissance rapportant 50 % de bénéfices en plus qu'ailleurs dans le monde ! Un livre accessible, qui se lit agréablement, que je conseille vivement à ceux qui s'intéressent à la présence d'industriels européens en Afrique.

À l'origine, ce livre est paru en 2015 en néerlandais sous le titre « Bier voor Afrika. Het best bewaarde geheim van Heineken », faisant référence aux propos de Jean-François van Boxmeer, grand patron d'Heineken qui a qualifié l'Afrique de « secret le mieux gardé du milieu international des affaires ». L'auteur a sorti une seconde version de son étude en 2018; j'en commenterai ici la traduction française.

Olivier van Beemen est un journaliste d'investigation néerlandais quadragénaire, spécialisé sur l'Afrique. Il a été correspondant en France pendant dix ans et collabore au journal « Le Monde ». Si j'en crois son profil sur LinkedIn, il prépare actuellement une thèse de doctorat à l'université d'Amsterdam.

L'étude qu'il présente ici est le résultat de plus de 5 ans d'enquête. L'auteur a tenu à jauger lui-même la réalité des activités d'Heineken en effectuant des séjours en Algérie, en Tunisie, en Sierra Leone, au Nigéria, en Éthiopie, au Congo Brazzaville, en République démocratique du Congo, au Rwanda, au Burundi, en Afrique du Sud et au Mozambique, c'est-à-dire dans tous les pays où Heineken exploite des brasseries, à l'exception de la Côte d'Ivoire. Il ne s'agit donc pas d'un livre à sensation préparé sur un coin de table ! L'auteur liste d'ailleurs 7 pages de références et mentionne qu'il a recueilli 400 témoignages.

En Afrique, Heineken produit de la bière (et des sodas) et les commercialise, par exemple sous la marque Primus. Il ne s'agit donc pas ici d'un industriel qui voudrait profiter d'une main d'oeuvre bon marché pour manufacturer des produits qui seraient vendus à haut prix sur les marchés occidentaux: le brasseur écoule sur le continent africain les boissons qu'il y produit. La bière est une boisson appréciée en Afrique, et sa consommation est encore en augmentation !

Alors on comprend qu'Heineken doive soigner son image. Par exemple, il met en avant des projets agricoles qu'il a mis en place pour alimenter certaine de ses brasseries en matières premières. Si ces projets ont une réalité incontestable, Olivier van Beemen montre tout de même qu'ils ne sont pas idylliques. Dans le même ordre d'idées, Heineken vante tout le soin qu'il prend de son personnel africain, mais là aussi, l'auteur apporte des nuances.

Sa présence sur le continent se trouvant ainsi « légitimée » aux yeux des autorités et d'une partie de la population, Heineken va veiller à diffuser son image de manière assez massive pour faire connaître et imposer ses produits. L'auteur raconte des anecdotes comme celle d'un commissariat de police peint aux couleurs de la Primus, mais il consacre aussi un chapitre aux « promotrices », des jeunes femmes payées (chichement) pour user de leur charme pour pousser les messieurs à consommer dans les bars.

Comme autre illustration de la présence d'Heineken dans la société africaine, je mentionnerai encore le fait qu'il a étanché la soif des génocidaires rwandais…

Voilà un avant-goût du contenu de cette étude, que je vous encourage à parcourir si le sujet vous intéresse !

Je remercie les éditions Rue de l'échiquier pour m'avoir permis de découvrir cette intéressante étude, dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio.
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Les Belges aiment (souvent ) la bière, spéciale, trappiste ou simple pils. Quand ils traversent la frontière nord, ils acceptent avec plaisir une Heineken et quand le hasard touristique leur fait visiter la brasserie/musée Heineken, ils sont subjugués par le marketing d'une bête pils. Faisant partie de ces derniers, j'ai sauté sur l'occasion de Masse Critiquer "Heineken en Afrique, une multinationale décomplexée."
Ce titre traduit du néerlandais a été élaboré (et même mis à jour jusqu'en 2018) pendant plusieurs années par le journaliste Olivier van Beemen. Son enquête l'a mené dans différents pays, il a rencontré de nombreuses personnes du consommateur au chef suprême. Il a mis ainsi en avant les manipulations politiques, économiques et sociales grâce auxquelles Heineken peut fleurir sur le continent africain, marque de prestige aux marges affolantes.
Au-delà de ces critiques fondées -mais circonscrites dans l'espace-temps et que l'on espère voir disparaitre un jour-, l'intérêt de ce titre est aussi le recul de l'auteur qui nous permet d'entrevoir des mécanismes d'entreprises géantes qui, ici ou là, écrasent le consommateur "pour leur bien". Ainsi, il interroge aussi les modes de production et de consommation effrénés et effrayants. Un autre aspect frappant est le portrait de l'Afrique qu'il nous dresse car toutes ces magouilles sont rendues possibles grâce à des gouvernements corrompus, un manque de moyens éducatifs et sanitaires, les guerres civiles, etc. Pire encore, les mésactions de l'entreprise ne font que renforcer ces aspects toujours si interpellants.
Cette enquête est fluide, la construction de l'ouvrage très bien pensée. Ce titre fait désormais l'objet d'un cours à l'université au Pays-Bas mais des chapitres pourraient/devraient déjà être lus au lycée tant ils touchent à des sujets historiques (le génocide au Rwanda notamment) et sociaux (la traite des femmes pour n'en citer qu'un) importants dans la construction de l'individu et sa future perception de l'entreprise.
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Je ne suis pas allé jusqu'au bout de Heineken en Afrique. L'auteur connait son sujet sur le bout des doigts, mais justement, il connait tous les détails et nous les livre, ce qui est assez hermétique pour le néophyte que je suis.
J'ai eu envie de lire ce livre après avoir lu Free Queens, un polar où une entreprise de brasserie utilise la corruption à grande échelle et embauche des "promotrices" pour vendre sa bière en offrant des services qui ne figurent pas au menu des bars où elles se produisent. L'auteur disait s'être inspiré de Heineken en Afrique pour créer son scénario.
Bien qu'ayant abandonné la lecture, j'ai quand même eu le temps de voir que le marché de la bière était très lucratif car les coûts de production sont faibles. D'autre part j'ai vu de mes yeux l'engouement des Africains pour la bière, et c'est impressionnant. En Éthiopie une bière coûtait la moitié du salaire journalier d'un manoeuvre, et pourtant il s'en vendait.
J'ai eu le temps de lire que Heineken avait passé des accords avec le gouvernement éthiopien pour pouvoir rapatrier les bénéfices en Hollande, et ce bien que le pays manque cruellement de devises. L'auteur cite un banquier qui lui confie :
« Nous avons ordre de donner la priorité aux producteurs de bière plutôt qu'aux importateurs de produits pharmaceutiques qui sauvent des vies. »
Heineken en Afrique est une étude très sérieuse des déviances d'une entreprise européenne, très documentée, mais à mon avis à réserver aux lecteurs intéressés par l'économie.
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