AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Biblioroz


Bien que fort jolie, Anna n'a guère l'insouciance habituelle de son âge pour profiter de la vie. La fortune familiale n'est qu'un vague souvenir, ne demeure que le nom, témoin unique de sa bonne naissance. Elle vit chez son frère, à ses dépens, enfin plus précisément aux dépens de sa belle-soeur Susie qui détient la fortune du ménage.
Anna songe à son indépendance, sa belle-soeur lui serinant amèrement le fait qu'elle lui soit redevable pour tout. Plutôt qu'aspirer au mariage, contrecarrant ainsi tous les efforts concédés par Susie pour lui trouver un bon parti, elle préfèrerait gagner son indépendance en balayant les rues ! Susie appuie avec toute la franchise qui la caractérise sur le coût de ses démarches pour attirer les prétendants. le problème majeur reste qu'elles sont loin d'avoir la même vision du bonheur, Susie se ralliant à celle de l'époque qui veut que toute femme, c'est-à-dire un être faible, doit trouver appui sur un mari et se complaire dans les travaux ménagers du foyer.
Eh bien, ce n'est pas du tout le sens qu'Anna veut donner à son existence !
Et voilà qu'une merveilleuse lettre vient changer le cours des choses avec l'héritage inespéré d'un domaine en Allemagne. Débordante de bonheur, enfin détentrice d'un revenu, Anna désire le partager avec d'autres femmes de bonne naissance mais malheureuses et complètement désargentées en leur offrant un asile et un avenir heureux.

Cette première découverte d'Elizabeth von Arnim m'a enchantée.
Tout d'abord le cadre, dans ses belles descriptions explicites, m'a tout de suite attirée. Une bâtisse dans un écrin forestier propice au bonheur, comme le pressent Anna. L'intérieur y est pourtant miteux avec une décoration hideuse. Mais Anna aime cette maison perdue, nichée entre le rivage de la mer baltique et cette forêt de pins qui l'apaise. Rien ne peut ternir sa fierté ni n'entamer la magie d'être propriétaire.

L'originalité de son projet fou est charmante même si l'on se doute bien qu'apporter lumière et bonheur à des femmes inconnues mais scrupuleusement sélectionnées ne va pas couler de source. L'élan et la naïveté de cette jeune anglaise de vingt-cinq ans n'avaient point pris en compte la nature humaine. Être de bonne famille n'exclut pas la perfidie, l'hypocrisie, la mesquinerie et le mensonge. Cette entreprise philanthropique plutôt hasardeuse va rapidement ouvrir les yeux de notre héroïne et lui faire reconsidérer sa définition du bonheur.

J'ai particulièrement apprécié l'humour de l'auteure, si naturellement présent, et bien sûr son ironie très subtile mais qui ne dénonce pas moins la considération des femmes à cette époque. Que ce soit en Angleterre ou en Allemagne, leur infériorité est rappelée de différentes façons tout au long du roman. On détestera alors le régisseur du domaine qui, derrière son obséquiosité, cache des intentions conquérantes au niveau de l'exploitation tout en signifiant odieusement : ce n'est qu'une femme « née pour aider et pour servir ».
Bien d'autres personnages de ce roman sont irrésistiblement détestables et heureusement qu'un brave pasteur, dithyrambique et candide, ainsi que le séduisant propriétaire voisin sauvent un peu cette galerie humaine.

Mené avec mordant, délicieusement écrit, ce roman exploite la question du mariage au beau milieu d'une époque où il est bien difficile de passer au delà des considérations sociales bien ancrées. Ce refus de la dépendance, chose excessivement triste et déprimante selon Anna, est loin d'être accepté comme un élan de modernité en ce début de XXe siècle.
Commenter  J’apprécie          279



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}