Lecture Jeune, n°130 - juin 2009 - Gilbert, la quarantaine, vit avec son père un quotidien réglé au millimètre. Aussi, lorsque ce dernier meurt, sa vie est totalement chamboulée. Gilbert pense un instant pouvoir profiter de cette liberté, mais rapidement, la solitude lui pèse. Il adopte un chat qu'il retrouve bientôt écrasé sur la route, un chien qui aboie nuit et jour au point que ses voisins lui imposent de s'en séparer, un cochon qui finira dans son assiette, un lapin, un furet, une fleur... Une femme qui lui donnera un enfant avant de rejoindre le cimetière où se trouvent enterrés ses compagnons d'infortune. Gilbert se retrouve seul avec son fils qu'il tente à tout prix de préserver des dangers de la vie. Emprunt d'un humour cinglant, cet ouvrage ne laisse pas insensible. Car sous l'apparente bonhomie du récit,
Gro Dahle interroge l'essence même de la vie. Réglée comme du papier à musique, celle de Gilbert n'a rien d'exceptionnel. Elle est au contraire tristement monotone, réduite au point que ceux auquel il s'attache sont nommés de manière impersonnelle : il appellera ainsi son chien « chien », son fils « fils »... À l'inverse, rien de monotone du côté de l'image,
Gro Dahle multiplie les pistes de lecture en offrant une proposition graphique extrêmement riche. Aux paysages photographiques, vues satellites, tapisseries aux motifs géométriques qui constituent les seconds plans, se superposent sous la forme d'encadrés, des partitions de musique, des planches d'histoire naturelle, des panneaux de signalisation, des portraits photographiques. L'existence de Gilbert est absurde et le lecteur s'en amuse. Elise Hoël