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Critiques sur le theme : bande dessinée (53)
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Radium Girls

En 1918, les bienfaits du radium découvert 20 ans plus tôt par Marie Curie sont vantés partout aux États-Unis : en cure, en cosmétique, son pouvoir phosphorescent qu'on dit régénérant s'étale dans toutes les publicités. Mollie, Grace, Edna, Katherine, Albina et Quinta, ouvrières de la United State Radium Corporation, le peignent sur des cadrans de montres destinés à briller dans le noir : avec la méthode du "lip, dip, paint", elles enduisent 250 cadrans par jour, lissant à chaque mouvement le pinceau entre leurs lèvres. Mais ce geste, dont elles ignorent le danger, creuse irrémédiablement la tombe de ces "ghost girls", fantômes phosphorescents et bientôt l'ombre d'elles-mêmes jusqu'à la mort. La révélation tardive de la cause des décès successifs de leurs collègues les poussera à intenter des procès à leurs anciens employeurs, ouvrant la voie à des lois cruciales sur la protection des travailleurs américains.
Pas une oeuvre chorale mais vraie BD sororale, cette histoire remet au jour la lutte acharnée de femmes victimes d'une industrie meurtrière, condamnées mais déterminées à obtenir justice et pourtant oubliées de l'histoire. Au fil de leur amitié, c'est aussi un pan de la condition féminine de l'époque que l'on lit. Entièrement portée par des nuances de violet profond et de vert luminescent dans un univers Art déco, cette BD réalisée aux crayons de couleur met aussi en lumière la virtuosité de son autrice, Cy.
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Céleste, tome 1 : Bien sûr, monsieur Proust

Pour le centenaire de la disparition de Marcel Proust, laissez-vous charmer par la bande dessinée de Chloé Cruchaudet : « Céleste », prévue en deux tomes. le quotidien de l'écrivain y est raconté du point de vue de Céleste Albaret, sa gouvernante et secrétaire. En 1956, Céleste se souvient de son arrivée au service de "Monsieur" juste avant la 1ere guerre mondiale. À cette époque, jeune mariée, venue de la campagne, inactive et peu encline aux tâches ménagères, elle jouera pourtant un rôle grandissant dans la vie de l'écrivain comme dans son oeuvre.
Nous retrouvons tout le talent de l'autrice pour conter avec subtilité et humour la rencontre de ces deux êtres décalés que tout oppose en apparence. Les dialogues sont savoureux. Graphiquement, elle multiplie les trouvailles pour représenter l'univers feutré et délicat de l'écrivain, la musicalité de sa prose, les surgissements de l'inspiration, les fantômes obsédants qui peuplent son univers. Voici un livre qui permet d'approcher avec légèreté un auteur souvent jugé difficile et dont la stature de Grand Écrivain peut intimider.
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Maus : Intégrale

Sur quelle étagère de la bibliothèque du 20e siècle faut-il ranger Maus, l'immense livre d'Art Spiegelman, qui retrace l'histoire de la Shoah à travers celle de Vladek Spiegelman, le père de l'auteur rescapé de l'Europe de Hitler ? Maus a toute sa place aux côtés des principaux récits de l'holocauste, entre L'Espèce humaine de Robert Antelme ou Si c'est un homme de Primo Levi. Mais Maus est aussi un livre qui révolutionne la bande dessinée, qui pose les bases du "roman graphique" ; l'expression d'ailleurs commence à être utilisée à la fin des années 1970, à l'époque où Spiegelman dessine ses planches.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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Pussyboy

Patrick Autréaux commence avec Zakaria une relation qu'il a du mal à définir : c'est plus que du sexe, mais pas encore de l'amour. Il se trouve que Zakaria est très peu fiable : Patrick ne sait jamais quand il viendra. Zakaria reste de longues semaines sans donner de nouvelles, puis appelle au dernier moment pour dire qu'il arrive et souvent ne vient pas. Patrick ne fait plus attention aux lapins que Zakaria lui pose et se résout à apprendre de lui "l'ambivalent plaisir de ce qui n'est jamais acquis”. Mais lorsque Zakaria vient, les corps se rencontrent et se retrouvent d'une façon que Patrick n'a jamais expérimentée avec aucun de ses amants. Pourtant Zakaria est d'une autre sphère : il est arabe, musulman et pratiquant. Sa religion inscrit fortement en lui un interdit sur cette relation homosexuelle.
Dans ce court récit, Patrick Autréaux questionne le désir sexuel et cherche à remonter à sa source. Bien que sa relation avec Zakaria ne semble pas se situer dans les hautes sphères amoureuses, elle prend une place déterminante dans sa vie et lui permet de faire des liens avec son histoire familiale. Dans une écriture qui ne s'encombre d'aucun tabou sexuel, Patrick Autréaux attribue une importance remarquable à une relation qui ne semble mener nulle part. L'auteur donne ainsi une force et une profondeur littéraire à ce qu'on pourrait juger un peu rapidement frivole ou secondaire.
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Le jardin, Paris

Paris, dans les années vingt. Rose, un jeune garçon de dix-neuf ans, s'apprête à faire ses premiers pas sur la scène du Jardin, un cabaret burlesque tenu par sa mère célibataire, où il a grandi entouré de danseuses aux noms de fleurs : Marguerite, Tournesol, Jasmin… Il fait la connaissance d'Aimé, spectateur admiratif et attentionné, puis celle de Martin, journaliste dont un article élogieux apporte au Jardin une nouvelle renommée. Ces rencontres poussent Rose à sortir de ce cocon protecteur pour explorer le monde extérieur : s'habillant dans un vestiaire tantôt masculin, tantôt féminin, il découvre les clubs de jazz, les boutiques élégantes, les terrasses de café, les étés à la campagne.
L'autrice relate avec poésie et délicatesse l'éclosion de ce “petit bourgeon” à l'identité de genre fluide et assumée, dans un roman graphique optimiste centré sur l'acceptation de soi et des autres. La beauté de l'histoire fait écho à celle du dessin : Gaëlle Geniller dépeint d'un trait précis les expressions des visages et les costumes aux inspirations fleuries des années vingt, dans une palette de couleurs douces et chaleureuses. Un ouvrage et un héros admirables, fiers et romantiques comme une rose.
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La bombe (BD)

Pavé de 472 pages, La Bombe raconte la saga d'un des plus grands bouleversements de notre ère. de Hiroshima ravagé aux coulisses de l'invention de l'arme nucléaire en passant des mines d'uranium du Congo Belge au projet Manhattan, ce roman graphique s'impose comme un ouvrage de référence sur la course mondiale à la bombe atomique, une odyssée scientifique aussi haletante que terrifiante.

Extrêmement bien documenté, le scénario d'Alcante et Bollée personnifie l'énergie atomique qui irradie la fresque historique. Au dessin, le québécois Rodier réussit dans un style comics en noir et blanc une représentation singulière, d'une grande force graphique, dans laquelle l'énergie nucléaire semble submerger le récit et ses personnages, auxquels la Bombre rend toute leur humanité.
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Madeleine, résistante, tome 1 : La Rose dégoupi..

Parmi les temps forts du festival d'Angoulême 2023, nous avons été particulièrement sensibles à l'exposition "elle résiste, elles résistent " sur les femmes résistantes d'hier et d'aujourd'hui à travers le monde. Elle a été conçue autour de la bande dessinée "Madeleine, résistante" qui raconte la vie hors du commun de Madeleine Riffaud, résistante pendant la seconde guerre mondiale et tout au long de sa vie. Cette première partie d'une trilogie porte sur les années d'enfance, marquée par un accident avec un obus datant de la Première guerre mondiale, la maladie et les débuts de l'engagement dans un réseau de résistance dès 1942 .
Ce début de série est une réussite en tout point. le dessin, bien que classique, rend parfaitement l'atmosphère crépusculaire de l'époque grâce à l'utilisation du bleu nuit. Et surtout le scénario transmet avec force le témoignage d'une femme au courage exemplaire grâce à la place qu'elle occupe dans les commentaires en off et les dialogues. Alors tendez l'oreille et jetez un oeil à cette bande dessinée !
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Peau

Esther et Rita se rencontrent dans un atelier d'art. L'une, jeune artiste, vit entourée de ses phasmes – ces insectes filiformes qui se fondent dans la couleur des branchages - et donne des cours de dessin. L'autre, plus âgée, pose comme modèle nu pour occuper son temps. Toutes deux vont se lier au travers de cette relation si particulière qui unit une artiste à son modèle. de son côté, chacune mène sa vie comme elle le peut. Esther entame une relation avec Nico, rencontré un soir dans un club, quand Rita tente de se rapprocher de sa fille. Les deux femmes font de leur mieux pour avancer, dans une vie troublée par le passé et les insécurités.
Clement et Versyp nous livrent un album sensible et délicat. Au travers de la mise à nu des corps, les autrices évoquent le rapport à la beauté, au vieillissement, à la honte et à la sexualité, avec beaucoup de poésie. Les aquarelles vertes et délavées qui colorent les corps élégants soutiennent à merveille le récit. Bien que l'oeil soit constamment saisi par la beauté des planches et les expérimentations graphiques, les auteurs nous offrent des respirations avec des pages très aérées qui invitent à la contemplation. « Peau » nous plonge avec douceur dans un univers mélancolique qui accompagne le lecteur pour longtemps.
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La baleine bibliothèque

Il était une fois une baleine, une vieille dame de l'océan renfermant dans son ventre une immense bibliothèque. Un jour, elle entre en collision avec un facteur - car oui, il en existe aussi sur les mers - un jour, ou plutôt une nuit, parce que pour échapper aux baleiniers, elle ne remonte à la surface qu'une fois le soleil couché. Mais l'homme n'est pas un chasseur, et de sa rencontre avec cette baleine bibliothécaire naissent un échange littéraire et une amitié sincère.
Écrite en vers libres, cette histoire n'est pas celle que vous penserez lire. Vous y trouverez des anecdotes sur la poste maritime, un échange de feuilles d'automne, le récit d'une naissance, mais aussi celui d'une rencontre et de ses terribles conséquences entre une espèce prédatrice et la mémoire vivante de l'océan. Un livre qui aborde avec poésie le sujet de la préservation des espèces, au coeur de notre époque. A mettre entre les mains des petits comme des plus grands !
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Merel

Femme libre et indépendante, Merel vit de l'élevage de canards et de quelques articles dans la presse locale. Dans le village, elle connaît tout le monde et chacun l'apprécie : du club de foot au bar du coin, elle promène sa bonne humeur sans encombre. Mais le climat dégénère lorsque Merel ose une mauvaise plaisanterie sur la nudité imaginaire du mari d'une voisine. La rumeur se répand : elle couche avec tous les hommes du village, elle n'a aucune moralité. Les adultes se méfient, se montrent agressifs ou s'éloignent. Les enfants, influencés par leurs parents, lui jouent de mauvais tours… Petit à petit, Merel devient la proie de toutes les aigreurs.
Merel décrit parfaitement la vie d'une petite communauté rurale et de ses habitants qui mènent une vie paisible entre travaux du quotidien et retrouvailles entre amis. Clara Lodewick saisit avec finesse la manière dont les commérages font basculer ses personnages, la rumeur qui s'étend et avec elle le soupçon et la méchanceté. Devenue leur bouc émissaire, Merel est montrée avec ses doutes et ses craintes et affronte comme elle peut les regards en biais et les coups bas. Cette chronique psychologique et sociale est servie par un dessin à l'encre et à l'aquarelle qui décrit parfaitement les fragilités de ses personnages, traversés de sentiments contradictoires.
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Le fantôme d'Odessa

Scénarisé par Camille de Toledo et illustré par Alexander Pavlenko, ce roman graphique suit deux trajectoires parallèles : celle d'Isaac Babel, écrivain incarcéré rédigeant dans ses derniers jours une lettre à sa fille Nathalie, et celle de Bénia Krik, personnage de bandit né de l'imagination de cet auteur russe. le récit des derniers jours d'Isaac Babel est illustré par un trait brut et anguleux, dans des cases où dominent le noir et le blanc. Sa lettre secrète est une réflexion sur son rôle de père et d'écrivain, sur les idéaux de la révolution, et sur les dérives d'un régime politique dont il s'est éloigné à mesure que s'intensifiaient la censure, les purges et autres mesures autoritaires. L'histoire de Bénia Krik, à l'inverse, évoque la liberté des bas-fonds et de la communauté juive d'Odessa à la veille de la révolution de 1917 : le trait est plus souple et les premières planches débordent de vie et de couleurs, tandis que les auteurs évoquent avec tendresse cet univers perdu au bord de la mer Noire. L'alliance malheureuse de Bénia Krik avec les bolcheviks fait écho aux désillusions d'Isaac Babel, préfigurant sa fin tragique dans une prison stalinienne.
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Sous les galets, la plage

Au début des années soixante, trois jeunes hommes traînent leurs longs corps d'adolescents sur une plage déserte de station balnéaire. le bac et les clefs de la villa familiale en poche, Albert, Francis et Édouard profitent de leurs derniers jours de liberté avant d'intégrer une école de commerce, une fac de droit ou une formation militaire. Leur chemin croise celui d'Odette. Elle est jolie, pleine d'esprit, avec juste ce qu'il faut de mystérieux. Elle aime la bière, les baignades au clair de lune et les cambriolages de résidences secondaires. Entre Odette et Albert fleurit une attirance mutuelle, qui pousse ce fils de bonne famille à rejoindre une petite bande vivant du vol et du recel de meubles en chêne du 18ᵉ siècle et de services à café de style Empire. Sur cet été qui semblait être celui de tous les possibles s'abat cependant le poids des conventions sociales et des destins tracés dès la naissance. Pascal Rabaté dépeint d'un trait vif et léger l'emprise de cette morale bourgeoise sur les esprits et les corps, capturant avec précision les expressions et les postures de ses personnages. Sa palette pleine de noirs, blancs et gris colorés ancre les images dans une période historique dont on ressent la pesanteur au détour d'une phrase ou d'une case – l'Occupation puis l'épuration, la colonisation et la guerre d'Algérie, mais aussi les révoltes de mai 68, qui frémissent déjà sous les galets et les crânes de cambrioleurs gentiment anarchistes.
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Quelqu'un à qui parler (BD)

Faites-vous partie des chanceux qui ont réalisé tous leurs rêves d'enfants ? Si la réponse est non, dépêchez-vous de lire la dernière bande dessinée de Grégory Panaccione, Quelqu'un à qui parler. Samuel, adulte mal dans sa vie, un soir de déprime, compose le seul numéro de téléphone qu'il a mémorisé, celui de son enfance. Et à sa grande surprise, il tombe sur lui-même, à l'âge de 10 ans. Une partie de ping-pong entre les deux versions du même personnage se joue, l'un coincé dans ses souvenirs et l'autre plein d'espoirs pour l'avenir, mais avec pour objectif commun de gagner une vie plus accomplie. Avec beaucoup d'humour, souligné par le trait expressif et dynamique du dessinateur, cette adaptation du roman de Cyril Massarotto aborde, avec délicatesse, le passage parfois difficile à l'âge adulte. L'auteur nous rappelle surtout dans cette fable fantastique que bienveillance bien ordonnée commence par soi-même.
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Persepolis

Fille unique d'une famille aisée et progressiste, la petite Marjane n'apprécie pas du tout les changements que lui impose en 1980 la révolution islamique iranienne : port du voile, séparation des filles et des garçons... du haut de ses dix ans, elle observe les adultes autour d'elle. Enflammée - elle se rêve prophète ! -, elle voudrait participer aux manifestations. Mais, les emprisonnements des amis et des proches se multiplient et, bientôt, la guerre avec l'Irak éclate.
"Dessiné à hauteur d'enfant", Persepolis connaît dès sa sortie, en 2000, un succès exceptionnel pour une bande dessinée, tant en France qu'à l'étranger. L'histoire attachante de cette fillette et de sa famille est servie par un graphisme particulièrement expressif, en noir et blanc.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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Des maux à dire

Au sein de sa famille, Véra , petite fille sage, doit rassurer sa maman. En effet, celle-ci voit des démons, consulte des rebouteuses et soupçonne son entourage. On découvre d'abord les symptômes de sa maladie, on suit le parcours jusqu'au diagnostic et on comprend enfin les sombres secrets à l'origine de ce mal. La dépression, l'alcool , les hallucinations de la mère pèsent sur la famille. Mais chaque membre réagit différemment . le père se réfugie dans le travail, le frère, qui subit la paranoïa de sa mère, est en colère, reste la fillette qui assume comme elle peut. C'est aussi l'histoire du lien filial qui résiste malgré les crises et les manquements.
Beatriz Lema, autrice espagnole, nous livre avec pudeur, à l'aide de procédés graphiques originaux, l'histoire de sa famille et plus particulièrement celle de sa mère. Elle alterne des planches faites de tissus cousus et brodés en couleur, d'autres tissés d'un simple fil noir, et enfin de dessins enfantins aux feutres. Ceux-ci indiquent judicieusement les points de vue des personnages, conscients ou délirants, illustrent leurs univers mentaux et leurs émotions. Ils signalent aussi les sauts dans le temps et le passage du récit de l'enfance de l'autrice à celui de sa mère. En plus d'être une évocation de l'enfance, le procédé est un hommage à la transmission familiale de la couture. A côté des éléments du réel, une iconographie religieuse faite de démons et de madones mettent à distance la violence du propos et nous livre à la fois le monde imaginaire de la fillette et les hallucinations délirantes de la mère.
Pour la beauté des illustrations, la force du récit et la réussite du rapport texte/image.
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