A Roberval, où il vient de se faire embaucher à la scierie du Lac,
Querelle intrigue. Trop beau, trop nonchalant et trop prompt à raconter ses innombrables et brûlantes rencontres sexuelles avec les garçons du coin, il suscite aussi bien le désir que la suspicion. Alors que les ouvriers de la scierie s'engagent dans une grève de plus en plus dure face à leur direction,
Querelle va devenir presque malgré lui le fer de lance d'un mouvement social explosif.
Réalisant une magnétique union des contraires, le personnage de
Querelle, à la fois ange et voyou, est le lien entre les différents aspects de ce récit en apparence composite. “Fiction syndicale” d'un genre nouveau,
Querelle affirme, en refusant toute demi-mesure dans les récits explicites des nuits fauves de son héros, le potentiel révolutionnaire des sexualités queer et leur nécessaire visibilité sur d'autres fronts militants. Comme chez
Genet, le personnage de
Querelle concentre et capte les pulsions érotiques et morbides de tous ceux qui l'entourent. Les ouvriers excédés, les jeunes hommes en perdition comme les femmes lassées de subir la société patriarcale voient dans
Querelle et sa violence difficilement contenue à la fois un exutoire et un possible sauveur. Lui-même, en dépit de son indifférence affichée, semble une incarnation de la cinglante pensée de
Genet, qui affirmait “Si quand les femmes sont méprisées, ou les ouvriers, tu ne te sens pas femme ou ouvrier, Alors, toute ta vie, tu auras été un pédé pour rien”. Se plaçant dans la droite ligne de ce sulfureux modèle,
Kevin Lambert signe un roman dérangeant et rageur, qui trouble autant par la puissance et l'impudeur de sa langue que par la ferveur de son propos.
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