AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Critiques les plus appréciées

Maître des djinns

Quel plaisir de replonger dans cette Égypte alternative de 1912 !
Le roman Maître des Djinns est en quelque sorte la troisième histoire que nous livre Phenderson Djeli Clark dans ce monde parallèle.
Il y avait dans l’ordre l’étrange affaire du djinn du Caire, nouvelle issu du livre Les tambours du dieu noir, puis Le mystère du tramway hanté. Ces deux nouvelles, excellentes au demeurant, plantaient déjà le décor.
50 ans plus tôt, al-Jahiz, un puissant mystique a ouvert un porte qui a permis aux créatures magiques de se répandre dans notre monde. Si tous les pays en ont subi ou profité des conséquences, c’est en Égypte, que cela a pris le plus d’importance avec l’arrivée entre autres des djinns. Leur aide précieuse, leur sens de la magie et de la mécanique surnaturelle ont fait de l’Égypte un pays moderne à la mode steampunk-gaslamp et quasiment la première puissance du monde.
Or, al-Jahiz semble être revenu. Il a organisé le massacre d’une vingtaine de personnes appartenant à une secte à sa gloire et manœuvre plus ou moins ouvertement pour soulever la population du Caire contre le régime. Avec son pouvoir magique, il apparaît de plus en plus puissant. Mais est-ce bien al-Jahiz ou un imposteur qui se fait passer pour lui ?
L’enquêtrice Fatma el-Sha'arawi, héroïne de l’étrange affaire du djinn du Caire est chargée des investigations. Elle est aidée malgré elle par la jeune débutante Hadia mais aussi par son amante, la fougueuse Siri, aux capacités hors du commun.
L’intrigue prend toutefois une dimension internationale quand un congrès pour sauver la paix en Europe doit se tenir au Caire et que ce al-Jahiz de malheur semble vouloir faire de ses participants des cibles potentielles. Le temps est compté pour Fatma et ses partenaires.
Le passage au format du roman (plus de 460 pages) permet à l’auteur de développer le monde crée dans les nouvelles précédentes. On est réellement immergé dans cette ville du Caire grouillante de vie, de saveurs, de parfums, de cultures et de croyances différentes entremêlés. Et comme cette immersion se fait par petites touches, sans jamais nuire à l’enquête et à l’action, on y prend vraiment un plaisir jubilatoire.
L’intrigue policière en elle-même n’est pas follement originale. On a droit aux fausses pistes habituelles, à son lot de surprise, de déception, de découragement parfois, mais elle reste de qualité.
La résolution et la compréhension du pouvoir de l’ennemi, la découverte de son identité dans le dernier tiers du livre est toutefois particulièrement maîtrisée. Avec une mention pour le passage dans le domaine des anges et pour le rôle primordial des livres.
Les personnages sont une nouvelle fois soignés par l’auteur. Fatma, notamment, avec ses tenues excentriques (pour cette Égypte uchronique mais aussi je pense pour nous). Sa psychologie évolue en même temps que l’enquête et la résolution de cette dernière ne pourra se faire que par une prise en compte de ses propres démons intérieurs.
On remarquera encore une fois chez cet auteur, que les personnages principaux, ceux qui font avancer l’action, ceux qui réfléchissent à la résolution de l’énigme sont tous des femmes. Ce qui dans cette Égypte de 1912, même modernisée par la magie est tout de même une gageure.
Le style de l’auteur est vif et dynamique. L’humour est un peu (beaucoup !) moins présent que dans les nouvelles, mais reste tout de même un des atouts du livre, même s’il est plus léger et plus diffus. Les scènes d’action, de combats et de poursuite sont disséminés tout au long de l’histoire et apportent son lot d’émotions fortes et de suspense. L’utilisation de la magie dans ces moments là, très bien décrite permet d’en démultiplier les effets.
Un très bon roman mélangeant polar, magie orientale et uchronie dans une Égypte fantasmée parfaitement construite, au milieu des djinns et des pouvoirs surnaturels.
Commenter  J’apprécie          1301
L'affaire Zola

♫ J'accuse
J'accuse les hommes de crimes sans pardon
Au nom d'un homme ou d'une religion
𝒥'𝒶𝒸𝒸𝓊𝓈𝑒 𝓁𝑒𝓈 𝒽𝑜𝓂𝓂𝑒𝓈 𝒹𝑒 𝓈𝑒 𝒸𝓇𝑜𝒾𝓇𝑒 𝓈𝒶𝓃𝓈 𝓁𝒾𝓂𝒾𝓉𝑒
𝒥'𝒶𝒸𝒸𝓊𝓈𝑒 𝓁𝑒𝓈 𝒽𝑜𝓂𝓂𝑒𝓈 𝒹'𝑒𝓉𝓇𝑒 𝒹𝑒𝓈 𝒽𝓎𝓅𝑜𝒸𝓇𝒾𝓉𝑒𝓈
Qui jouent les durs pour enfoncer du beurre
Et s'agenouillent aussitôt qu'ils ont peur
J'accuse les hommes de se croire des surhommes
Alors qu'ils sont bêtes à croquer la pomme
J'accuse les hommes je veux qu'on les condamne
Au maximum qu'on arrache leur âme
Et qu'on la jette aux rats et aux cochons
Pour voir comment eux ils s'en serviront
J'accuse les hommes en un mot comme en cent
J'accuse les hommes d'être bêtes et méchants
Bêtes à marcher au pas des régiments
De n'être pas des hommes tout simplement ♫
- Michel Sardou - 1976 - 𝓇𝑒𝓋𝓊𝑒 𝑒𝓉 𝒸𝑜𝓇𝓇𝒾𝑔é𝑒 𝑒𝓃 1991 -
---♪----♫---⚖---L'AURORE---⚖---♫----♪---
- page 61 - "L'antisémitisme est un fléau,
ce sera le sujet de ma prochaine chronique pour le Figaro"
Pas de bol, il se fait virer
Esterhazy acquitté,
C'en est trop
Zonner chez l'redact Georges Clemenceau
C'est L'AURORE qui va publier son harangue
Rappel : Zola souffrait d'un cheveu sur la langue !
Extrait de la Une du 12 Janvier 1898 :
"[...] la vérité est en marche, et rien ne l'arrêtera.
C’est aujourd'hui seulement que l'affaire commence, puisque aujourd'hui seulement les positions sont nettes : d'une part, les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse ; de l'autre, les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite. Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.
Mais cette lettre est longue, monsieur le Président, et il est temps de conclure.
J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l’erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d’avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par machinations les plus saugrenues et les plus coupables.
J’accuse le général Mercier de s’être rendu complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle.
J'accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour compromis.
J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s’être rendus complices du même crime, l’un sans doute par passion cléricale, l’autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l’arche sainte, inattaquable.
J’accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d’avoir fait une enquête scélérate, j’entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.
J’accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d’avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.
J’accuse les bureaux de la guerre d’avoir mené dans la presse, particulièrement dans L’Éclair et dans l’Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.
J'accuse enfin le premier conseil de guerre d’avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second conseil de guerre d’avoir couvert cette inégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.
En portant ces accusations, je n'ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m'expose.
Quant aux gens que j'accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n'ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l'acte que j'accomplis ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la vérité et de la justice.
Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme. Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !
J'attends.
Veuillez agréer monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect."
-Copié- collé -
(L'article ne figure pas dans cette Bd)
Du bel Hommage à l'auteur des Misérables
Qui permit d'en épargner Un de l'ile du Diable
Pour tous ceux qui sans oriflamme
Et daltoniens de l'âme
Ignorent les couleurs
délivrez-nous du pire et gardez le meilleur...
Commenter  J’apprécie          1215
L'Enragé

Comme promis, j'ai laissé passer la vague déferlante des critiques sur ce livre pour m'en emparer à mon tour.

Le 11 octobre 1932, nous faisons cnonaissance avec le narrateur, surnommé La Teigne.

C'est l'heure de la cantine dans la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Ïle-en-mer.

"Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. Le réfectoire doit être silencieux".

Ces enfants sont emprisonnés pour menus larcins, ou pour avoir commis le crime d'être orphelins.
La Teigne par exemple, mère partie voir si l'herbe était plus verte ailleurs, père démissionnaire, grands-parents qui s'en fichent.

Le jour où il a été traîné au tribunal pour une bêtise dont il a été reconnu innocent, la "Justice" l'a libéré.
Mais comme personne n'a voulu de lui, on l'a envoyé se refaire une santé entre ces quatre murs où le soleil ne pénètre jamais.

Les matons, enfin gardiens ou moniteurs, sont impitoyables.
Brimades, coups, isolement, privations, cachot, toutes formes de maltraitance sont au menu du jour, même hors cantine.

Les plus petits sont dominés par les plus grands qui les soumettent sexuellement sous le regard impassible des gardiens.
Quand ils ne sont pas à l'intérieur de la prison, on les envoie travailler. De lourdes tâches pour ces petits bouts de choux.

Jusqu'au jour où n'en pouvant plus de plier sous le joug, les enfants se révoltent.

Tout ça m'a rappelé beaucoup d'orphelinats, tel celui de Jersey, ainsi que d'autres, sur lesquels je me suis documentée.

Cependant, je suis mitigée sur cette lecture.
Bien sûr, les descriptions sont particulièrement horribles, mais elles ne m'ont pas émotionnellement touchée.

L'auteur n'engage pas son ressenti dans le récit. Le style est froid, désincarné.
Alors je n'ai rien ressenti non plus pendant la permière moitié du livre.

Ensuite, une touche d'émotion pendant une trentaine de pages. J'ai bien accroché, j'étais contente, et puis le soufflé est retombé.
C'est dommage, parce que tous les ingrédients étaient réunis, mais contrairement à la majorité de mes babelpotes, je n'ai pas embarqué comme je l'aurais voulu.

Je ne déconseille cependant pas ce livre que j'ai apprécié quand même.
C'est juste qu'il m'a manqué ce petit quelque chose qui en aurait fait un coup de coeur.

.
Commenter  J’apprécie          10461
Ceci n'est pas un fait divers

Cela fait plusieurs années que le narrateur, dix-neuf ans, a quitté la Gironde et le domicile familial pour ses études à Paris, lorsqu’un coup de téléphone affolé de sa petite sœur Léa, treize ans, le foudroie en quelques mots soufflés d’une voix blanche : « Papa vient de tuer maman. » Alors qu’il accourt aussitôt sur place, l’atroce réalité lui explose au visage : dans la maison investie par les gendarmes, le corps sans vie de sa mère, lardé de dix-sept coups de couteau, gît sur le sol de la cuisine ; son père en fuite est recherché pour meurtre ; sa sœur, témoin de l’agression, s’est réfugiée dans un mutisme traumatisé.


Depuis le premier récit de Léa jusqu’à l’épreuve du procès, en passant par les obsèques, le calvaire des dépositions et la confrontation au père qu’ils culpabilisent de ne pas parvenir à haïr tout à fait, les deux adolescents ne sortent de la sidération que pour se retrouver perdus dans un enfer sans fond, les menant peu à peu, brisés, à l’effondrement psychique. Tout d’abord incapable de mesurer combien le traumatisme est en train de dévorer sa cadette repliée sur son silence et ses cauchemars, le jeune homme s’absorbe, entre mauvaise conscience et ressentiment, dans sa réminiscence des signes avant-coureurs de la tragédie, ceux que personne, et pas même lui, n’a su regarder en face.


Déni de l’entourage, omerta familiale, incurie policière – la victime s’était vue refuser un dépôt de plainte pour violence conjugale –, ont définitivement enfermé le couple dans une spirale mortifère, chaque velléité d’indépendance de l’épouse maltraitée accroissant la fureur et la violence d’un homme narcissique et dominateur, persuadé de son droit de possession. Même si longtemps considéré comme passionnel et bénéficiant de circonstances atténuantes, le féminicide est un « crime de propriétaire », qui dit beaucoup des mentalités patriarcales héritées d’une longue tradition de domination masculine.


Inspiré de faits réels, le récit coule avec sobriété, dans une concision simplement efficace qui n’évite pas les poncifs, mais adopte le point de vue inédit des enfants. Et même si l’on ne peut se défendre totalement d’un vague sentiment de creux, voire d’opportunisme sur un sujet à la mode, l’on ne reste pas indifférent à cette fratrie, expulsée de chez elle et soudain privée de tout repère, qui doit affronter, bientôt rattrapée par la culpabilité, le deuil d’une mère en même temps que la monstruosité d’un père. Un père qui n’a d’ailleurs pas perdu son autorité parentale...


Enfin, et peut-être surtout, ce fait divers qui n’en est pas un nous interpelle sur notre responsabilité collective, parfois de témoins trop volontiers sourds et muets, plus largement pour ce qui peut bien autoriser certains hommes à penser posséder un tel droit de propriété sur leurs femmes qu’il leur donne sur elles pouvoir de vie et de mort. « Nous ne devions pas juger seulement un fait divers, mais un fait social. Nous ne devions pas parler d’une dispute conjugale qui aurait mal tourné, mais bien de l’aboutissement d’un continuum de violence et de terreur. Nous ne devions pas parler d’un meurtre, mais de la volonté d’un homme d’affirmer son pouvoir, d’asseoir sa domination. Et de l’aveuglement de la société. Et de la peur de nommer. »

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          1027
La cité des nuages et des oiseaux

Les écrits restent et pourtant, certains livres meurent.
Prenez Diogène, pas le naturiste dans son tonneau qui n'est pas le saint patron des fées du logis. Anthony Doerr évoque l'autre, Antoine De son prénom, tout aussi grec, plus écrivain à l'époque romaine que philosophe, auteur d'un récit en 24 livres, qui doit être très bien puisqu'on en parle encore mais que personne n'a pu lire depuis que la mode des toges est dépassée. Même Amazon ne peut pas vous le livrer en 48 heures.
A défaut de textes qui datent des calendes justement grecques, Anthony Doerr sur ses deux oreilles, invente un mythe qu'il attribue à ce Diogène, qui va donner son titre au roman et qui va servir de pont, digne de ce mois de mai, entre les 5 personnages principaux du récit, répartis sur trois époques et 800 pages.
Anna et Omeir vont vivre en direct la prise de Constantinople en 1453 après un siège à la Turque. Les Ottomans, avec leur nom de super-héros signent ainsi la fin de l'Empire Bysantin sans une bise. Ces derniers n'avaient pas encore inventé la poudre alors que les Turcs étaient déjà fans du made in China.
Occupés à essayer de survivre à la fin officielle du Moyen âge, les morts ne vont pas profiter de la Renaissance. Passionnée de lecture, Anna va essayer de sauver ses fesses et un vieux manuscrit aux pages mélangées par le vol de piafs masqués par des cumulonimbus.
De nos jours, Zéno, un vétéran de la guerre de Corée se retrouve piégé dans une bibliothèque municipale de Lakeport dans l'Idaho pendant la répétition d'une pièce de théâtre tirée de « La cité des nuages et des oiseaux », par l'arrivée de Seymour, un jeune garçon hypersensible et armé, dont le seul ami est un hibou qui en fait était très chouette.
Konstance vit dans le futur dans un vaisseau spatial, l'Argos (une référence peut-être au toutou d'Ulysse dans l'Odyssée ou à un géant doté de cent yeux , fantasme d'opticien) à destination d'une nouvelle planète d'accueil pour l'espèce humaine. C'est Star Trek sans les oreilles en pointe. Comme les sorties en plein air pour des séances de Paddle yoga sont exclues dans l'espace, la jeune fille se passionne pour la bibliothèque virtuelle du vaisseau.
Ces personnages sont tous des prisonniers : d'une forteresse assiégée, d'un handicap, d'un vaisseau, d'une sexualité non assumée ou d'une bibliothèque cernée par la police. Des bagnards de l'existence qui ne découvrent le chemin de la liberté qu'à travers le Livre.
J'ai adoré ce roman qui est un extraordinaire hommage aux gardiens de la littérature, aux passeurs d'histoire, aux traducteurs et bibliothécaires. L'un d'entre eux avait dit « Lire n'est pas se retirer du monde. C'est entrer dans le monde par d'autres portes ». Cette citation de Bernard Pivot résume idéalement ce roman. Une occasion de lui rendre hommage.
Dans les récits parallèles, n'étant qu'un homme monotâche, pléonasme selon ma moitié, j'ai en général du mal à me passionner pour plusieurs histoires en même temps et j'avoue qu'il m'arrive de m'exercer à la lecture rapide et au saut de page (épreuve olympique ?) quand je détecte certains déséquilibres dans la force narrative. Dans cette « Cité des nuages et des oiseaux », je serais incapable de désigner un personnage préféré et de promettre les autres aux oubliettes de ma mémoire. J'ai été hameçonné comme un piranha après une période de jeûne intermittent conseillé par une diététicienne au teint vert et j'ai dévoré chaque aventure avec un égal appétit. Bon, on me précise à côté que désormais le piranha ressemble davantage à un cachalot.
Lisez et Offrez ce livre. Pour plagier Bernard Pivot, je vais écrire qu'il s'ouvre comme une boîte de chocolat et se referme comme un coffret à bijoux. Traduit en ODP31 : Entre les Mon chéri de tata qui pique et une odyssée de littérature offerte par une sirène du bord d'Homère qui chante les adverbes, j'ai préféré l'utopie aux calories.
Envie de relire des auteurs classiques. Aristo ne fane pas.
Commenter  J’apprécie          1015
Campbell, voyageur du temps, tome 1

Vortex est une série sans prétention, très pulp, dans le sens original et anglo-saxon du terme.
Ce premier épisode raconte les aventures de Campbell et de Tess Wood, mais surtout de Campbell (d’où le titre de l’épisode). Le suivant sera Tess Wood, prisonnière du futur.
En vérité, il faut prendre les deux premiers épisodes, comme un seul, vu par les deux personnages et réalisés par deux auteurs différents.
1937. Un savant américain a mis au point une machine à voyager dans le temps. Des individus sans scrupules s’infiltrent dans la base et s’emparent de la machine. Direction le futur en 3020. Campbell, agent surentraîné et Tess Wood, la scientifique décident de se lancer à leur poursuite.
Ils découvrent un monde du futur où une caste domine une autre, où une révolution est en préparation où des policiers robots font régner la terreur. Les deux héros sont vite séparés. Campbell se retrouve avec les rebelles qui n’ont qu’une confiance limité en lui. Il va donc devoir faire ses preuves, retrouver Tess Wood et accomplir sa mission.
L’album entier est totalement imbibé de nostalgie. Il est un pastiche très réussi des albums pulp des années 1940 à 1960. Il y a du Flash Gordon dans Campbell et il y a du Buck Rogers.
Les personnages, Campbell et Tess Wood en tête sont donc caricaturaux comme il faut pour que la référence fonctionne. Un bellâtre sans peur, une jeune fille pulpeuse, pas très chaudement vêtue (mais jamais nue), mais sachant réfléchir et se défendre et puis un méchant vraiment méchant.
Une histoire qui va à cent à l’heure avec plein d’action partout, des rebondissements en veux-tu, en voilà, un joyeux bordel comme pouvaient l’être ces comics de l’époque.
Les dessins sont au diapason dans le style de ces histoires (certains se rappellent peut-être en avoir lu dans le magazine Mickey).
C’est vrai que ce n’est donc pas très profond, mais il y a une belle couche d’humour second degré et on ne s’ennuie pas une seconde.
L’histoire est pour le moment un peu fourre-tout, il se passe des trucs tout le temps, parfois en même temps que d’autres trucs, on ne sait pas où donner de la tête, on est prêt à se dire que quand même, il exagère et on est déjà à la fin de l’album.
Un album « détente » donc, dans le plus pur style des pulps américains de la moitié du XXe siècle. Si la nostalgie vous prend, n’hésitez pas !
Commenter  J’apprécie          960
Mon ami Charly

Une histoire déroutante,un thriller psychologique,qui nous prend une nouvelle fois aux tripes. Un auteur qui se joue , de ses lecteurs, un plaisir jubilatoire. Une histoire à moults rebondissements,une intrigue et un suspens efficaces , pour nous rendre esclaves de son univers. Un rythme intense,montant crescendo, à peine le temps de respirer , nous avançons en apnée, et nous voila retourner dans cette spirale infernale. L’auteur a disséqué la psychologie des personnages en profondeur donnant plus de piment à la lecture, dégageant un sentiment d’empathie et de l’aphatie pour ces derniers. Pour les lecteurs qui ont besoin d’une dose adrénaline, ce roman est fait pour vous. L’auteur nous happe des le début jusqu'à la fin, un final explosif. La plume de l’auteur est percutante, simple,efficace, entrainant une lecture captivante, et addictive. Une histoire qui m’a littéralement scotchée, me laissant bouche bée. Un livre que je n’ai pu lâcher, je l’ai dévoré. Une histoire temporelle menée tambours battant. L’auteur nous plante le décor dans la quatrième de couverture. L’histoire de Bastien et Charly, deux adolescent de 14 ans, une amitié profonde, fusionnelle. Ces derniers créent “Le Bingo”, leur permettant d’avoir une certaine philosophie ,déjouant tous les dangers de la vie. Cette philosophie de vie est omniprésente . 30 ans plutard, Bastien décide de partir en vacance, en famille,dans les Alpes, pour se donner du bon temps, se ressourcer, se détendre. Chloé, la meilleure amie de leur fille est du voyage.Elle va perturber cette tranquillité. Un retournement de situation, le plaisir se transforme en cauchemar. Un excellent thriller psychologique, à découvrir de toute urgence.
Commenter  J’apprécie          966
L'art du canard

C'est "L'Art des Canards"
Qui en sortant de la mare
Se secouent le bas des reins"
Un livre qui va vous en boucher un coin coin!

Ce catalogue du collectif InterDuck révèle ( via Le Canard Déchainé?) les vestiges oubliées de la culture Canard, des Palmipèdes" grâce à "la Duckumenta"... (avec Dr. Eckhart Bauer, Anke Doepner, Ommo Wille, Rüdiger Stanki, et le Professeur Volker Schönwart. )

C'est la sélection "Un certain ...Canard " au "Festival des Canes"...
"La Cane à la perle" de Veermeer : "https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L150xH213/duckomenta_11_150-cfa2f.jpg?1713077820

"Lithographie Duckaeoptérix," fossile en calcaire: https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L150xH168/duckomenta_5_150-b305f.jpg?1713077820
Le "Canard Géant de Mannheim", (au bec sans dents, semblable à celui du canard) , le tableau "Judith" de Klimt, "Mamie Lisa " de la bande à Picsou ou de Canard da Vinci....

"Faites comme les petits canards
Et pour que tout l'monde se marre
Remuez du popotin"
Il y a aussi "L'origine du monde" de Courbet, avec un regard tout n'oeuf, sur un caneton qui va ouvrir ses" oeufs au jour, à lumière, au monde"...

"Pose les deux pieds en canard
C'est L'Art du canard" qui se prépare
En voiture les voyageurs..."
En faisant coin-coin"... Et ne me canardez pas !
Commenter  J’apprécie          9424
En attendant Babylone

En attendant Babylone, long roman signé Amanda Boyden, a été motivé par le terrible passage de l’ouragan Katrina qui, en 2005, a tout dévasté à La Nouvelle-Orléans.
Si la capitale de la Louisiane est le personnage essentiel du livre, c’est dans Orchid Street, à Uptown, que vivent les principaux protagonistes de cette histoire foisonnante et pleine de rebondissements.
Amanda Boyden débute très fort dans un prologue qui donne le ton et l’ambiance. Commence ensuite la présentation des personnages qui vont animer le récit car je vais les suivre, les abandonner, les retrouver. Ils vont me faire sourire, grimacer, saliver et vont surtout m’inquiéter, allant jusqu’à me bouleverser.
La famille Harris est la plus désolante malgré la bonne volonté des parents car les deux garçons ont plongé dans le trafic de drogue. Ils se font appeler Muzzle (Michael) et Fearius (Daniel). Ce dernier a à peine 15 ans. Comme son grand frère, il a été recruté par un certain Alphonse, un petit caïd du coin. Leur sœur, Klameisha, pourtant brillante élève, a déjà deux gosses et ne peut pas poursuivre ses études.
Ariel May et Ed ont aussi deux enfants. Ariel dirige l’hôtel La Belle Nouvelle alors que Ed qui se dit bouddhiste, reste au foyer. Ils sont venus depuis le Minnesota pour s’installer à La Nouvelle-Orléans.
Indira Gupta, avec son troisième œil sur le front, enseigne à l’université. Ganesh, son mari, est chercheur en écologie. Ils sont d’origine asiatique. Une certaine Philomenia Beauregard, Prancie (57 ans), surveille particulièrement Ed qu’elle a catalogué comme ivrogne. Joe, son mari, souffre d’un cancer. Enfin, Cerise Brown (76 ans) et Roy, son mari, ont une fille, Marie, un gendre, Thomas et surtout Tit Thomas, leur petit-fils.
Ce soir, Roy a installé le gros fût de pétrole transformé en barbecue sur le trottoir et s’apprête à partager ses grillades avec ceux qui passent. La convivialité règne à Orchid Street. Hélas, Michael Harris se défoule sur sa mini-moto et c’est la catastrophe. Amanda Boyden conte cela remarquablement.
Ainsi, je vais suivre les habitants de ce quartier, découvrir leur vie et leurs différents points de vue. Le travail d’Ariel dans l’hôtel qu’elle dirige, comme pour les autres habitants d’Orchid Street, va être fortement impacté par la menace d’un cyclone nommé Ivan. Certains, suivant les conseils de prudence, vont fuir, d’autres vont rester en espérant ne pas subir trop de dégâts.
L’hôtel La Bonne Nouvelle paraît un refuge assez sûr. Il fait donc le plein et Ariel doit gérer une cinquantaine d’employés tout en tentant de satisfaire ses nombreux clients. Seulement, un certain Javier la trouble et l’autrice réussit certaines scènes érotiques contrastant avec le langage cru des bas-fonds adopté par Fearius et Muzzle.
Quant aux énormes bouchons causés par l’évacuation en masse de la ville, ils donnent à Amanda Boyden l’occasion d’offrir un véritable tableau de la société avec tous les comportements imaginables.
Les expressions locales foisonnent comme niggas, bounty, bernacle et le Tokyo Rose, le bar d’Orchid Street joue un rôle important. Prancie fait apprécier ses talents de cuisinière mais n’oublie pas de faire le guet.
Après Noël et le gâteau des Rois, le Carnaval est un passage important du roman. La foule s’amasse sur les trottoirs des rues principales de la ville. Les mieux organisés ont des escabeaux pour bien voir. On fait même griller des saucisses et on attend Babylone puis Chaos qui font l’essentiel du spectacle. Tout est bien écrit, sûrement bien traduit, et Amanda Boyden mène cela de façon magistrale.
Plus j’avance, plus il est difficile de lâcher le livre. D’ailleurs, c’est lorsque j’ai pu enchaîner ma plus longue lecture que j’ai le plus apprécié En attendant Babylone. La tension montait inexorablement. Le suspense devenait terrible, agrémenté de folie, ce qui m’a scotché jusqu’à la dernière ligne de l’épilogue.
En attendant Babylone, ce premier roman d’Amanda Boyden, est une entreprise courageuse, très bien maîtrisée au travers du parcours de cinq familles très différentes qui m’ont permis d’appréhender l’atmosphère de La Nouvelle-Orléans et du quotidien des habitants d’un quartier excentré. Ce fut une lecture instructive, voire addictive, permise une fois de plus suite à un désherbage de ma médiathèque…

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          940
La maison de jeu

« Vraiment, Antoine, vous allez encore vous plonger dans le jeu ? Quand donc cesserez-vous cette fuite en avant ? Si au moins vous aviez l'audace d'aller à fond dans la démesure... C'est ce dernier grief qui vous pique, car il réveille le véritable parieur qui sommeille en vous. Le joueur total, prêt à miser sa montre et sa chemise, les clés de sa bagnole, enclin à signer n'importe quel papier pourvu que l'adrénaline soit au bout. »

Antoine décide de jouer le tout pour le tout, l'entièreté de sa vie pour tenter de se défaire de ses addictions, les unes après les autres. All in ! Un ultime face-à-face avec le sort qui le plonge dans un monde parallèle, fantastique où tout est possible, où tous les possibles peuvent s'exprimer. On le suit dans un labyrinthe sans fil d'Ariane où s'enchaînent ses démons intérieurs comme autant de cercles de l'enfer pour une errance qui semble éternelle entre addictions au jeu, au fric, à la nourriture, au sexe, à l'alcool.

Le récit est audacieux. Il n'y a pas vraiment d'histoire de type romanesque, juste un personnage que l'on suit d'une scène à une autre, de Charybde et Scylla, avec un narrateur omniscient et acerbe qui s'adresse continuellement à lui à la deuxième personne du pluriel. Ce « vous »envahit le récit, houspille, sermonne, fustige, tance, raille Antoine tel un procureur intransigeant. Peut-être ce « vous » inquiétant s'adresse-t-il au lecteur en le prenant au collet ? Mais les addictions décrites sont tellement poussées à l'extrême qu'il est difficile de se sentir visé si on n'y a jamais succombé à s'en noyer.

Charles Roux ne cherche jamais à rendre son personnage sympathique ou a développé chez le lecteur une quelconque empathie à son égard. En fait, durant toute la lecture, je me suis demandé quelles étaient les intentions de l'auteur, je n'ai toujours pas de réponse. Choquer ? Certaines scènes le sont, notamment toute la partie orgiaco-sexuelle. Déranger ? Le lecteur passe par beaucoup d'émotions et de sensations allant jusqu'au dégoût et la nausée. Dénoncer la société capitaliste, société du trop dévorée par l'excès ? Assurément un peu tout cela. Ce qui est sûr, c'est que je pense que pour que la charge soit d'intensité maximale comme l'auteur semble le vouloir, il faut lire ce court récit cul sec.

Est-ce que j'ai aimé ? Bonne question. Les Monstres, précédent roman de l'auteur, sur une thématique « morale » finalement assez proche, m'avait impressionnée par sa mise en scène et sa capacité à pousser le lecteur dans ses retranchements et à se questionner sur le monstre qu'on a en nous : qui est le monstre ? Celui qui affiche sa monstruosité par ses actes ou celui qui masque ses turpitudes pour conserver un vernis civilisé ?

La Maison de jeu m'a semblé être un exercice de style plus « gratuit » dans le sens où je me suis sentie en total surplomb sans me sentir vraiment concernée, et donc moins perturbant. Je le regrette parce que finalement, je referme La Maison de jeu plus fatiguée que dérangée dans mon confort intérieur. D'autant que le filtre fantastique devait permettre de transfigurer le sujet pour aller plus loin.

Malgré ces réserves, ce texte imprime des images assez dingues, stupéfiantes et marquantes, comme lors de la scène de submersion alimentaire ou celle de la fellation par une mendiante dans la rue. Surtout, Charles Roux a le style flamboyant, son écriture aux phrases polies mais aux arêtes saillantes, donne tout à voir tout en laissant la place à l'imagination du lecteur. Vraiment un tour de force qui vaut pour la qualité de l'écriture. Je lirai donc le prochain avec grand intérêt.
Commenter  J’apprécie          944
Un drôle de gout !

Du benzène découvert dans l’eau minérale en 1990 a permis à Nestlé d’acquérir en 1992 la source Périer qui devra patienter 20 ans avant de retrouver en 2009 les volumes vendus en 1989.

Un drôle de gout dans les fromages du groupe Jonquart en 2024 pénalise les ventes de l’industriel agroalimentaire et ébranle sa valorisation boursière, au moment où un investisseur américain et un conglomérat chinois envisagent d’en prendre le contrôle.

Le port franc de Genève camoufle une eau trouble et attire bien des convoitises. Hackers russes, trafiquants colombiens, triades chinoises, autant de menaces pour Werner Jonquart dans ce western financier qui promène le lecteur dans les lieux chics et sexys fréquentés par le gotha et reprend ainsi les recettes des meilleurs Paul-Loup Sulitzer (Cartel, Cash, Fortune, Money, Le roi vert).

Ce page turner n’est pas qu’une agréable distraction puisqu’il décrypte les arcanes des « ports francs », ces zones hors douanes et hors polices, refuges pour trafiquer ou blanchir des capitaux douteux.

L’auteur prend le temps de planter le décor et de camper ses personnages, puis imbrique astucieusement les menaces, avant de conclure par un twist aussi révolutionnaire que moral … puisque dans un western le héros s’en sort toujours et les méchants finissent au bout d’une corde.

Merci à Alain Schmoll de m’avoir adressé son nouveau roman qui prolonge « La tentation de la vague » sorti en 2019, mais qui peut être lu indépendamment.
Commenter  J’apprécie          942
L'Olympe des infortunes

Après Dieu n’habite pas la Havane et surtout Les hirondelles de Kaboul qui m’avait chamboulée par son réalisme bouleversant, L’Olympe des infortunes est le troisième roman que je lis de Yasmina Khadra.
Ils sont nombreux ces laissés-pour-compte à tenter de survivre sur une bande de terre délaissée proche d’une décharge publique bordée d’un côté par la mer et de l’autre par une ville qui à la fois attire et terrorise ces réprouvés. On y trouve Le Pacha, ce briscard tonitruant, qui ne peut vivre sans la présence à ses côtés de son amant Pipo, Mama et son vieux compagnon Mimosa, mais aussi Négus, Clovis, Bliss, Haroun le Sourd, Aït Cétéra, Les frères Zouj, Einstein, sorte d’alchimiste s’évertuant à créer des élixirs à partir des médicaments périmés trouvés dans les poubelles, Dib et puis les Autres, les clodos de passage…
Parmi ces marginaux, sur ce terrain vague, vit aussi un duo : Ach le Borgne et Junior le Simplet. Ach, musicien, poète, philosophe, s’est pris d’affection et protège Junior l’innocent qui l’accompagne, extatique. Il s’évertue à le mettre en garde contre les dangers de la ville voisine, ce lieu de perdition, lui interdit de s’y rendre et lui fait l’apologie de ce qu’est leur vie : une vie de liberté sur cette terre des Horr, le Horr étant un clodo qui se respecte, où tout est permis, où rien n’est interdit.
L’arrivée d’un géant, Ben Adam, envoyé par la providence selon ses dires et se déclarant la voix de leur salut, va semer le doute dans les esprits et finir même par ébranler les convictions du vieil Ach.
Cet homme affirme qu’ils sont les seuls artisans de leur malheur, qu’il faut lutter, ne jamais renoncer, garder l’espoir de se reconstruire, tant la vie vaut le coup d’être vécue.
Cette vie que Ach qualifie de meilleur des mondes, Ben Adam la nomme un mouroir. En choisissant de ne rien devoir aux autres et de ne rien en attendre, on cesse de vivre, telle est sa pensée.
L’Olympe des infortunes s’apparente à un conte philosophique sur la marginalité et l’exclusion dont la lecture laisse abasourdi.
Les différences, les inégalités, la pauvreté, l’alcool, la violence, la folie, l’emprise sont quelques-uns des thèmes évoqués dans ce court roman.
Est-il possible de faire table rase de son vécu et de repartir à zéro est aussi une des questions soulevée par Yasmina Khadra ?
Ce roman est là pour nous ouvrir les yeux sur la vie de ces exclus de la société, qui, où qu’ils aillent sont toujours rejetés et bannis.
Si j’ai été révulsée par la scène de la noyade de Haroun le Sourd, consternée par les crises de despotisme du Pacha, j’ai été profondément émue par l’affection et la tendresse que Ach porte à Junior pour le protéger et réciproquement.
Yasmina Khadra sait à merveille nous faire découvrir les pensées de cet innocent qu’est Junior tout comme il sait manier avec dextérité l’humour pour restituer les exploits hélas, pas souvent couronnés de réussite, de l’inventif Einstein.
Dans L’Olympe des infortunes, Yasmina Khadra raconte avec talent et non sans ironie la rudesse du monde qui nous entoure. Poésie et tendresse émaillent ce récit sur la cruauté et la terrible réalité de la vie de ces laissés-pour-compte que personne ne veut voir.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          944
Crains le pire

Un jour ou l'autre, je reviens vers mes auteurs fétiches.
Cette fois, c'est Linwood Barclay qui s'y colle.

Père d'une ado, Syd, qu'il couve comme le lait sur le feu, Tim, divorcé, a un petit accrochage avec sa fille au moment oú elle part travailler.
Il culpabilise et a hâte de voir le soir arriver pour discuter avec Syd.

Seulement ce soir-là, elle ne rentre pas.

L'affolement le gagne, il appelle son ex-femme avec laquelle il est resté en très bons termes, malgré l'animosité de Bob, son nouveau mari.

Les heures passent, puis les jours, et toujours aucune nouvelle de Syd.
Alors il va se mettre à sa recherche.

C'est du Linwood Barclay, et je savais que le sort s'acharnerait sur le héros.

Et en effet, ça bouge pas mal, entre fausses pistes, tueurs â ses trousses...
Les balles volent bas. La police est plutôt molle, hormis pour l'enquiquiner...

Tim est l'unique narrateur de cette histoire, et c'était un peu longuet.
Il m'a fallu un moment pour lire le bouquin, même compte tenu de mon absence la semaine dernière.

La chute est surprenante. Je n'ai rien vu venir.

Un roman sympa, pas prise de tête, à lire sur la plage ou en squattant une terrasse quelconque en sirotant un verre d'eau du robinet. :)

J'en lirai d'autres, bien entendu, mais quand ? Les paris sont ouverts.

Commenter  J’apprécie          9445
Vies mêlées: Le Géorgien d'Alexandre Dumas

Claude SCHOPP est le plus grand expert contemporain d'Alexandre Dumas et nous lui devons d'avoir achevé la trilogie des Saint-Hermine dont la mort du romancier nous privait.

Il nous offre aujourd'hui de revivre les 12 dernières années de l'écrivain en nous menant en 1858 vers la Russie, le Caucase et la Géorgie où Alexandre Dumas rencontre Vazili Mirianof, qu'il engage sur le champ comme majordome. le géorgien réussit à rejoindre Paris, sans dépenser un sou, muni d'une simple lettre de recommandation du romancier. Sa débrouillardise lui permet de tenir la place de cuisinier et d'émerveiller ses hôtes par sa maitrise des recettes françaises et géorgiennes.

Il accompagne Dumas quand celui-ci rejoint Garibaldi et vit quatre ans à Naples où il parade avec son uniforme exotique qui tranche parmi les chemises rouges.
En 1870, Alexandre Dumas et Vazili quittent Paris avant le début du siège prussien et se réfugient près de Dieppe dans la villa de Puys. C'est là que le père des trois mousquetaires décède le 5 décembre et est inhumé provisoirement le 8 décembre.

Claude Schopp a l'excellente idée de poursuivre son essai en l'orientant vers le Géorgien. Vazili prend souche à Puys, le horsain se marie et devient ainsi normand, restaurateur et secouriste. Il meurt vingt ans plus tard en tentant de secourir deux noyés.

Son fils disparait en novembre 1914 à Dixmude comme tant de nos fusiliers-marins.
Son petit-fils, francise son nom et devient le peintre Georges Mirianon (1910-1986).

Le géorgien d'Alexandre Dumas aura connu une vie aussi romanesque que les héros de son maitre !
Commenter  J’apprécie          912
Tout autre nom

Un Tout autre nom pour la dixième enquête de Walt Longmire, shérif du comté d'Absaroka, Wyoming ! Et bien vous n’y resterez pas longtemps puisque ce dernier est requis par son vieil ami et mentor, à présent retraité, Lucian Connely, pour venir le rejoindre à Gillette dans le comté voisin de Campbell afin d’élucider le suicide d’un inspecteur du cru, Gerald Holman, dont la veuve est l’une de ses anciennes conquêtes. Ouaip Ouaip Ouaip…

Vous me suivez où je vous ai déjà perdu ? Le pays de la Powder River les derniers jours de décembre sous une tempête de neige, le moment où tout le monde a envie de penser à autre chose et d’écrire une nouvelle page. Alors les gars là-bas ils sont pas trop motivés, ils sont en baisse de régime, alors lorsque Walt arrive et commence à remuer un peu trop les dossiers, les gars ils se marrent! Et quand il découvre que ce suicide est peut-être lié à la disparition d’une jeune femme, puis d’une autre et encore une autre alors là, c’est de la franche rigolade.


Alors? Alors comme les températures sont fraîches et que Walt s’ingénie à éluder une affaire dans un comté qui n’est pas le sien, il va falloir être patient. De bar en saloon de club de strip-tease en motel, vous allez passer votre temps à vous dévêtir puis à vous emmitoufler. Et même si Walt nous raconte des histoires vous risquez de trouver le temps long, aussi long que le train qui achemine le charbon de l’une des plus grandes mines du pays. Heureusement les avancées de l’enquête nous permettent de quitter le Wyoming enneigé pour le Dakota du Sud tout autant enneigé où enfin Henry, la Nation Cheyenne est au rendez-vous, et là c’est de la remise en forme qui va vous être proposée, après avoir siroté ou dégusté d’incessants breuvages, il va falloir se remuer, courses poursuites, trekkings nocturnes au milieu de nulle part ou plutôt dans le Curt State Park, et là vous allez rencontrer ou frôler les bisons, les mêmes que ceux croisés par Kevin Costner lors du tournage de Danse avec les loups et puis qui dit bison avec Craig Johnson dit présence du Grand esprit et évidemment visions, fantômes… surtout quand on a déjà pris pas mal de plomb dans l’aile.
En résumé je vais vous la faire courte du charbon des tas de charbon, des wagons, d’innombrables wagons et des bisons, un troupeau de bisons pour en arriver à un Tout autre nom !

Je me faisais une joie de retrouver Walt Longmire, j’avoue que j’ai été quelque peu déçue peut-être que j’avais trop d’attente (mon dernier rendez-vous avec le shérif date de Molosses, sixième enquête de la série): des heures chez un armurier du coin donc des pages entières à lire pour comprendre l’histoire et le fonctionnement d’un Colt très spécial, c’est intéressant mais un peu long, des statistiques sur le taux de suicide aux Etats- Unis et j’en passe .

Pour cette dixième enquête de Walt Longmire, notre shérif légendaire bien qu’il ait pris quelques rides esquive tous les dangers, pas besoin de barres énergétiques, ni de potion magique il est invincible et arrivera à dénouer toutes les ficelles de cette enquête. Un shérif digne des super-héros de l’univers Marvel, qui se métamorphose en un Hulk fan de James Bond et de l’Homme araignée, qu’il est grand notre ami, qu’il est grand et très très fort !
Une enquête en demi-lune oups en demi-teinte, une parenthèse de quelques jours avant le nouvel an pour se préparer à devenir un super héros pour sa future petite fille Lola. Sûr que papy Walt va envoyer du bois.

Malgré des dialogues truculents, où humour et dérision sont de mises, il m’a manqué le décor qui avec la conjonction du blizzard et de la neige était peu visible bien que l’ambiance soit là...
Craig Johnson quant à lui donne l’air de s’être bien amusé en écrivant Tout autre nom, distillant des informations, variant les rythmes, multipliant les scènes d’action tout en célébrant l’amitié indéfectible unissant ses personnages récurrents. Autant d’ingrédients dont on pourrait tirer un scénario pour tourner un film à la Tom Mix.

Je pense que je vais plutôt relire les premières enquêtes qui selon mes souvenirs lointains ont davantage de profondeur et retrouver l’ univers qui m’avais tant séduit lors de sa découverte.
Commenter  J’apprécie          896
Quand j'ai froid (BD)

""Te raconter enfin
qu'il faut aimer la vie
et l'aimer même si
le temps est assassin
Et emporte avec lui
les rires des enfants"

Louise a toujours froid, tôt le matin. elle est seule... jusqu'à ce qu'elle rencontre mamie Andrée, sa voisine.
“Il fait froid dehors ! Vous ne trouvez pas. Et moi quand j'ai froid… je rétrécis !”
Andrée, qui n'a pas froid aux yeux, va raconter ses souvenirs à Louise et l'emmener au Marché de Noël!
C'est le début d'une amitié. Louise va écouter Andrée, pendant des heures.

“Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi! Dans la nuit...froide de l'oubli, tu vois, je n'ai pas oublié..."
Andrée parle de Camille parti trop tôt...

Andrée est plus chaleureuse que Louise, plus distante. Elle chamboule la vie de l'étudiante...“Valentine Choquet avait rencontré un vieille dame qui lui a confié rétrécir lorsqu'il fait froid."

La solitude et la vieillesse, le temps qui s'enfuit...
"J'avais oublié que les roses sont roses
J'avais oublié que les bleuets sont bleus
J'avais oublié tant de belles choses
J'avais oublié où avais je les yeux?"

Dans l'appartement, plein de photos de son défunt mari . Andrée embrasse tous les matins sa photo tandis qu'il n'y a rien chez Louise.,..
Une BD sans textes, mais avec chaleur, émotion et tendresse...
Commenter  J’apprécie          894
La encomienda

Colombienne vivant désormais à Buenos Aires, Margarita Garcia Robayo a sans doute mis beaucoup d’elle-même dans le personnage de son dernier roman.


Cette jeune femme dont on ne connaît pas le nom habite un petit appartement de la capitale argentine, à plus de cinq mille kilomètres de sa famille restée en Colombie. Aspirant écrivain gagnant pour l’heure fort ennuyeusement sa vie comme rédactrice en agence de publicité, elle envisage de postuler à une bourse d’écriture en Hollande. Rien ni personne ne la retenant vraiment ici, malgré les années toujours vaguement intruse dans ce quartier aux voisins acrimonieux et aux vagabonds agressifs où ses maigres affinités se résument à sa seule amie Marah en tout point son contraire, à Axel le jeune homme qu’elle fréquente depuis peu sans oser s’engager, à León le petit garçon qu’elle garde quand sa nourrice fait défaut et à Ágata la chatte de gouttière dont on ne sait jamais si et quand elle reviendra, pourquoi ne pas tenter d’aller se poser ailleurs, elle qui depuis si longtemps a rompu les amarres ? Des siens en Colombie, elle n’a plus de nouvelles, si ce n’est de loin en loin les « encomiendas », ces colis contenant nourriture, dessins de ses neveux et parfois quelque vieille photo, qu’à son grand agacement sa sœur s’obstine à lui envoyer.


C’est en cette période d’indécision qu’une caisse en bois particulièrement volumineuse lui parvient de Colombie et que, presque au même moment, sa mère totalement perdue de vue se matérialise mystérieusement dans l’appartement. Avec cette présence qui, étrangement narrée comme tangible, se devine bientôt la projection d’une psyché cédant soudain aux fantômes du passé, une irrépressible marée de souvenirs envahit la routine de la narratrice, si vivides qu’ils se mêlent à la réalité sans s’en différencier. Pendant qu’odeurs de cuisine, images de l’enfance et sentiments d’autrefois viennent revendiquer leurs droits sur un présent qui les avait gommés, se recompose un paysage intime indissociable des origines, de la famille, du vécu et de ses non-dits, en un effet boomerang d’autant plus puissant que ces ingrédients identitaires profonds s’étaient vus refoulés, relégués à un autre temps, à un autre lieu.


Comment se construire sans se souvenir de soi-même et se réconcilier avec sa mémoire originelle ? Comment s’enraciner lorsque l’on n’est plus rien qu’une fleur coupée ? Notre apprentie écrivain n’aura d’autres choix que sa propre réécriture et l’acceptation des ombres au fond d’elle-même pour reprendre en main son rapport au monde et, peut-être, enfin y trouver sa place.


Audacieux dans son mélange de différents niveaux de réalités au sein d'un récit pourtant réaliste, mené d’une plume tendre capable de passages d’un mordant confondant, ce roman nous bouscule le temps d'une réflexion sur ce qui nous constitue et conditionne notre capacité à devenir. Sans racines, pas de nouvelles pousses. Sans passé, pas d’avenir.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8910
Client mystère

Lorsqu'on fait la connaissance du narrateur, cela fait trois ans qu'il a abandonné ses études pour pédaler comme un dératé dans les rues de Lille, coursier, pour livrer des repas, le nez enfoui dans son smartphone et son GPS, rythme forcené de tâcheron avec statut d'auto-entrepreneur. Et c'est la pizza de trop, pour choper le bonus « pluie » plus le dernier shift majoré promis par la plateforme type Deliveroo. Grave accident. Blessure. Indisponibilité. Plus de thune. Jusqu'à ce qu'il devienne client mystère pour l'agence PMGT ( Profit Motion Gain Turbo ), spécialisée dans le mystery shopping avec son application Walk&Rate.

Le sujet est très original. Pour ma part, je n'avais jamais entendu parler de ces clients mystères, ni en reportage télé, encore moins en roman. Dans ses interviews, Mathieu Lauverjat dit qu'il s'est énormément documenté afin de travailler son récit à partir de vraies questionnaires et protocoles, de vraies missions qui apparaissent selon la géolocalisation.

C'est totalement saisissant à lire ! Les missions les plus basiques consistent à photographier des rayons de supermarché pour vérifier la cohérence du relevé de prix d'un paquet de spaghettis ou encore la visibilité d'un liquide vaisselle. Dans les plus complexes, le narrateur joue incognito au client lambda et note /évolue tout ce que l'application lui demande de noter / évaluer, dans un parc de loisirs ou un TGV.

« Discrétion, abnégation, ubiquité, j'y ai vite pris goût à ce boulot mi-détective privé, mi-justicier du client roi. Et puisque dans ce monde standardisé de flux constants, il était essentiel de veiller à ce que chaque geste de service soit créateur de liens et essentiel au bien-être de chacun, je me sentais enfin au cœur du dispositif de progrès. »

Cela aurait pu faire un excellent documentaire, les choix de l'auteur en font un excellent roman, très impressionnant par le dispositif proposé et l'ultra réalisme qui s'y déploie. Le récit est en perpétuel mouvement, collant aux basques du narrateur en insufflant une vitesse d'écriture dopé à une novlangue managériale dégoulinant d'anglicisme. Les mots cavalent sur un rythme fou pour enchaîner grands travellings et scènes croquées sur le vif avec une précision et une nervosité organique très convaincante.

Même si le style est radicalement différent, depuis A la ligne de Joseph Ponthus, je n'avais jamais retrouvé une telle cohérence forme et fond pour dénoncer l'aliénation lié au travail, ici son ubérisation galopante dans le cadre d'une économie de l’algorithme. On a souvent l'impression d'être dans une dystopie kafkaïenne alors que tout est terriblement contemporain.

« J'étais en pleine ascension, je jurais entre deux crocs voraces, j'expérimentais, avait désormais ma place dans une start-up qui faisait du chiffre, locaux plein centre, goûtais à plus de confort, investissais dans les cryptomonnaies. Ouais, carrément, je vise le pump, je m'entends encore débiter. Car quand on voulait, on pouvait. Parti de rien, j'en étais la preuve. »

A mesure que l'intrigue avance selon un parcours balzacien, « ambition, ascension et chute », Mathieu Lauverjat décrit précisément comment le travail façonne les corps, modifie les esprits et les comportements. Dans cette fuite en avant, on voit les effets terrifiants sur la psyché du narrateur, sa griserie à réussir comme client mystère modèle, sa morgue grandissante d'homme invisible déconnecté des conséquences, devenu un pion inconscient d'un système consumériste qui piège et broie les individus.

Ce premier roman pose brillamment la question des responsabilités dans notre société de la note où l'ubérisation du travail avance sans soulever de réelles objections. Jusqu'à sa première moitié, la drôlerie et l'autodérision l'emporte dans cette satire féroce où étincelle le sens tragi-comique de l'auteur. Puis le récit, sans perdre de son incisif, bascule dans le roman noir désabusé, presque en mode thriller. Je me suis régalée ! Et c'est un premier roman !!!

Lu dans le cadre de la sélection des 68 Premières fois 2024 #6



Commenter  J’apprécie          8817
Les Quais de la colère

1910, quai Colbert au Havre. Là où travaillent les charbonniers pour gagner misère. Ces charbonniers, « fringues en lambeaux, galoches trouées, mines d'affamés. Une bande de pouilleux, misérables de la tête aux pieds ». Des charbonniers se situant au plus bas de la hiérarchie des dockers. « Les derniers des derniers ». « Le quai Colbert n'était rien d'autre qu'un territoire de cendre, de crasse et de suie, où trimaient les damnés du port, des mercenaires dégénérés sur lesquels couraient les rumeurs les plus folles et les plus sordides. Là-dedans, dans l'espace maudit, on buvait et on se battait jusqu'à la mort. Un repaire de hors-la-loi où régnaient une terreur sanglante et une licence abjecte. Quai Colbert, tout était pire qu'ailleurs sur le port où pourtant rien n'était rose. »
« Des bêtes de somme, voilà ce qu'ils étaient, rien d'autre. Et traitées comme telles. Ou pire encore. [...] Pour quatre francs la bordée, ils suaient sang et eau, se brisaient les reins et respiraient de la merde. Cela en valait-il la peine ? Sur le quai, à quarante ans, on était foutu. Quand on n'était pas mort. »

Leurs conditions de vie sont épouvantables, à l'opposé de celles des négociants-importateurs de charbon dont les affaires prospèrent. « Le charbon ! Rien ne comptait plus pour la formidable industrie portuaire, pour ce rivage où le monde entier faisait escale, où les plus grands navires, les plus modernes, les plus rapides se donnaient rendez-vous. Il avait lu récemment dans Le Figaro que la croissance du Havre était un fait unique dans l'histoire commerciale française, qu'en quarante ans le trafic portuaire avait été multiplié par dix ! »

Voilà le contexte sur lequel repose cet ouvrage où vous devinez, rien qu'à la lecture de ces deux paragraphes, que la colère va gronder sur fond de lutte des classes. Le moindre prétexte est source de bagarres, d'énervement et voilà que se pointe à l'horizon une machine grue capable de remplacer une bonne partie de la main d'œuvre. le terreau fertile d'une révolte syndicale, qui rappelle celui des mineurs du Nord.

J'ai trouvé ce roman historique, basé sur des faits réels, absolument passionnant tant pour son écriture à la Zola que pour son histoire. Celle de Jules Durand, un chef de file syndical qui finira broyé. L'ambiance est palpable, les descriptions et le vocabulaire d'époque sont immersifs, la narration est prenante. Tellement prenante que j'ai trouvé cette lecture fatigante, moi qui lis le soir ! J'ai mis plusieurs jours avant de tourner la dernière page.
Petit bémol sur la forme, car les notes sont situées en fin d'ouvrage, ce qui oblige à s'y rendre régulièrement. Cela coupe la lecture, j'aurais préféré qu'elles soient en bas de pages.

En résumé, une très belle lecture qui me restera en mémoire, à la fois pour l'écriture et pour l'histoire.
Commenter  J’apprécie          8831
Du côté sauvage

Ayant adoré « Betty » et « L’été où tout a fondu », deux véritables coups de cœur, je n’ai pas hésité à me jeter sur ce nouveau pavé signé Tiffany McDaniel !

L’autrice américaine s’inspire d’un fait divers pour rendre hommage à six femmes oubliées du côté sauvage. Six femmes disparues entre 2014 et 2015 dans la ville de Chillicothe, en Ohio. Des droguées, des prostituées, des créatures dont la société ne se soucie pas trop… dont deux ne furent jamais retrouvées et dont le meurtre des quatre autres n’a jamais été élucidé.

« Du côté sauvage » invite à suivre les destinées d’Arc et de Daffie, des sœurs jumelles qui n’ont plus de père et qui survivent tant bien que mal en compagnie d’une mère et d’une tante constamment défoncées, au sein d’une maison crasseuse où les hommes défilent afin de pouvoir payer leurs doses. Heureusement que Mamie Milkweed s’occupe un peu de ses petites-filles, essayant même de porter leur attention sur la beauté des choses. À l’image de cette couverture qu’elle a crocheté pour elles, dont le côté face s’avère lisse et beau, mais dont le côté pile, débordant de fils qui dépassent, s’avère rugueux et vilain. C’est le côté sauvage, celui qui domine leur vie… et parfois, à l’aide d’une aiguille, on peut faire rentrer les fils disgracieux qui dépassent et tenter d’embellir le côté sauvage…

« Du côté sauvage » se déroule à Chillicothe, dans l’Ohio, dans une petite ville qui sent mauvais, imprégnée par les odeurs nauséabondes de l’usine de papeterie. Un endroit où il ne fait pas bon vivre, surtout pour les femmes, qui ont tendance à terminer assassinées dans la rivière. Dès le début, les perspectives de bonheur s’avèrent donc très limitées pour les deux petites jumelles qui tentent pourtant désespéramment de s’accrocher à la beauté des choses. Même Mamie Milkweed ne semble pas suffisamment armée pour faire face à cette fatalité…

« Du côté sauvage » est donc un conte noir, foncièrement sombre, baignant dans la misère, la drogue, la prostitution et la violence des hommes. Un récit qui deviendrait vite indigeste sans la plume lumineusement poétique de Tiffany McDaniel. L’autrice américaine démontre une nouvelle fois sa capacité à envelopper toute la laideur et la cruauté du monde d’une prose foncièrement humaine, alliant beauté et onirisme. À l’image de la couverture crochetée par Mamie Milkweed, l’autrice rentre régulièrement quelques fils qui enlaidissent le côté sauvage, afin de le rendre plus beau. Même si le côté face de cette couverture semble demeurer un rêve inaccessible, l’imagination débordante des deux fillettes parvient tout de même à nous y emmener, délivrant ainsi des petites bulles d’air qui permettent de continuer à respirer, tout en demeurant du côté sauvage.

Si cette histoire, très sombre et non dénuée de quelques longueurs, m’a un peu moins emballé que « Betty » ou « L’été où tout a fondu », elle rend néanmoins un bel hommage aux nombreuses femmes oubliées du côté sauvage, notamment grâce à cette rivière qui se transforme régulièrement en narratrice, complétant à merveille les destinées d’Arc et de Daffie et prenant soin des corps féminins que la société lui balance, les accompagnant avec respect dans leur retour à la nature et leur rendant ainsi un ultime hommage…

Je reste fan du style de Tiffany McDaniel !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          863


Suivez toutes les critiques de la presse Voir plus

Actualitte

3301 critiques

LeFigaro

4052 critiques

LeMonde

5765 critiques

Lhumanite

509 critiques

Liberation

2718 critiques

Bibliobs

2492 critiques

LePoint

1265 critiques

LesEchos

1330 critiques

Lexpress

4147 critiques

Telerama

3479 critiques

LaPresse

2664 critiques

LaLibreBelgique

2171 critiques










{* *}