Découvrez la présentation du nouveau roman d'Anne Delaflotte Mehdevi, Trop humain !
-Mais je me tue à te dire qu'il faut pas que tu nous ressembles ! Si tu nous ressembles, tu vas nous servir à quoi ?
Et puis tu dis "je n'ai pas de réponse" : mais à la guerre, il faut trancher, Tchap, choisir un camp. Parce que même si tu restes sur la touche, elle vient te chercher, la guerre. Regarde ce qui nous est arrivé à nous, ici.
Toi, au demeurant, tu ferais un petit soldat épatant, bien obéissant, sans peur, ni de la mort ni de la douleur. Jamais faim. Rechargé rien qu' à être exposé à la lumière. Sans états d'âme.
(Buchet-Chastel, 2024, p. 170)
Pour être dans le ton du dérèglement des temps, il fallait bien que les sculptures vous agrippent, que la peinture vous happe, que l'or brille, que la musique laisse filer les ornements même périlleux. Sinon quoi, personne n'aurait rien entendu, rien vu au milieu du fracas. ( "Le Théâtre de Slàvek", édit. Gaïa, 2018, p. 74)
Elle pose un sarment sur la pierre et le broie, verse dessus un peu d’eau de pluie, broie encore, broie le noir aussi loin qu’elle a de temps avant elle, de force et de volonté. Plus elle broie, plus le noir sera bon.
"Des touches de chlorophylle maquillaient encore les couleurs ocre et fauve qui, feuille à feuille, transformaient la forêt .L'air humide, lourd de parfums encore verts, mêlés aux odeurs d'humus et d'automne, nous enveloppait.."
Où me suis- je jamais sentie chez moi , Est-ce qu'on se libère d'un lieu par l'habitude qu'on en a ? Est-on chez soi dès lors que la question ne se pose pas ? (p.116)
Marguerite vit à Paris sur le pont Notre-Dame.
Au temps de Marguerite, il est en bois, bordé de maisons qui s’élèvent haut en étages. Leur harmonie, la richesse des boutiques qui s’y succèdent émerveillent les chroniqueurs et les voyageurs de l’époque. On n’est pas n’importe qui quand on vit sur ce pont. On est des gens du livre, des libraires, des enlumineurs, parmi les plus en vue dans la profession.
Tchèque, j'étais le paysan de Sporck, Sporck était le paysan des princes. On est toujours le Tchèque de quelqu'un. (p. 182)
La fine pellicule de glace posée sur la boue noire craque sous ses pas comme des cheveux de caramel. [...] Les enfants coulent vers lui, glissent sur leurs rires comme sur des luges, le dépassent et gloussent encore plus fort en le frôlant.
" Vous êtes sûr ? Regardez monsieur Peck, ses rapports avec les gens n' ont pas changé depuis qu'il vit au contact de Tchap (***le robot )..."
Quelqu'un d'autre.
" On dit qu'ils seront de plus en plus intelligents, qu'ils contrôleront bientôt tout, les centrales nucléaires, la température dans nos maisons, qu'ils corrigeront les devoirs des gamins à l'école, de tous les gamins, que ce serait même une mesure de justice et d'égalité. On dit qu'ils finiront par nous mener à la baguette, qu'ils seront comme une police de la pensée (...) "
Avec ou sans Karel, j'aurais eu l'idée de cette médiathèque de l'épistolaire, où l'on écoute disques et acteurs en chair et en os lire aux visiteurs les lettres des frères Van Gogh, de Sévigné, une médiathèque où les anonymes viennent déposer des cartes postales à la Sacha Guitry, des échanges de courriels façon Audiard, des textos de mère à son enfant, d'amant à sa maîtresse, mais aussi, les petits billets d'amour de mon grand-père à ma grand-mère, la copie des lettres de John à son frère. Et relier tout ça. (p.253)