Chez nous, en Europe, on voyait des influenceuses lifestyle apporter leur soutien au peuple iranien dans des stories Instagram, pour nous vanter, dans les suivantes, les mérites d’un rouge à lèvres ou d’une crème hydratante, code promotionnel à l’appui. Celles-là, Firouzeh et moi étions d’accord : on les conchiait. Et puis il y avait celles qui se coupaient une mèche de cheveux en solidarité avec les femmes iraniennes. Investissement minimal, pensait Firouzeh, pour rendement maximal : ça demandait peu de temps, ça ne présentait aucun risque, ça rapportait des likes et ça donnait bonne conscience. Elle, tout ceci l’écœurait ; moi, je ne savais qu’en penser. Un jour, j’étais de ceux qui croyaient possible – et pas seulement possible : préférable – d’être révolté par les malheurs du monde sans en faire l’étalage, et je me disais qu’il y avait quelque chose de vulgaire et d’indécent à se parer publiquement d’indignation vertueuse ; un autre, je me rangeais derrière le pasteur Martin Niemöller, pour qui le silence n’est pas toujours porteur d’émois éloquents, mais peut aussi être lâche et coupable et funeste.