AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Talec0904


L’obsession ne me laissa de répit que lorsque le train entra en gare de Heidelberg, où la foule sur les quais était telle que je me dis aussitôt que les gens fuyaient une ville sur le point de sombrer ou même déjà anéantie. La dernière passagère à entrer dans le compartiment encore moitié vide fut une jeune femme au cheveu brun, en qui je reconnus au premier regard, et sans le moindre doute possible, me dis-je, Elizabeth, fille de Jacques 1er, dont les historiographes relatent que, venue à Heidelberg pour épouser le prince électeur du Palatinat, elle fut célèbre pendant la brève période où elle tint une cour brillante sous le nom de Reine de l’hiver.
Cette jeune femme du XVII° siècle anglais, sitôt qu’elle eut choisi sa place et se fut installée, s’absorba dans la lecture d’un livre intitulé ‘’La mer de Bohème’ ’écrit par un auteur que je ne connaissais pas, une certaine Mila Stern.
Elle ne commença à lever les yeux qu’au moment où nous longions le Rhin, pour jeter par la vitre du wagon de fugitifs regards sur le fleuve et les berges abruptes de l’autre rive.
……. Quand peu à peu la tempête de neige se mit à recouvrir de fines striures presque horizontales cette vue panoramique sans cesse en mouvement mais foncièrement toujours le même, j’eus l’impression que nous étions en route pour le Grand Nord et que nous n’allions pas tarder à atteindre la pointe extrême de l’ile d’Hokkaido.
La Reine de l’Hiver à qui j’attribuais secrètement cette métamorphose du paysage rhénan, était également sortie dans le couloir et admirait non loin de moi ce beau spectacle depuis un petit moment lorsque d’une voix à l’accent anglais à peine perceptible, pour elle seule, me parut-il, elle récita ces vers :
‘’Gazon blanchi par vent de neige
Voiles plus noires qu’aile de corbeau
Gant soyeux comme pétale de rose
Masque pour couvrir la peau ‘’
Je ne savais que lui répliquer, ne connaissais pas la suite de ce poème d’hiver : malgré l’émotion qui s’était emparé de moi, je n’arrivais pas à dire quoi que ce soit et restait benêt, muet, à contempler ce monde déjà presque englouti par le crépuscule.
Je l’ai depuis mainte et mainte fois regretté.
Commenter  J’apprécie          100





Ont apprécié cette citation (10)voir plus




{* *}