Yves Pelletier

J'ai bientôt fait une amère découverte. Le mouton n'est pas épais que de sa toison. (...) Le leader de la bande est un vieux mottoneux, têtu et profondément masochiste. Il prend plaisir à refuser d'avancer. Au milieu de la route, il s'arc-boute, la croupe frémissante d'anticipation, en attente d'un bon coup de botte de caoutchouc. (...) Au bout de quelques épisodes, des fantasmes inspirés du football américain me sont venus à l'esprit. Je m'imaginais le rapatrier à la ferme d'un spectaculaire botté de dégagement.

Comme il y a dix ans, je me suis découvert tel que j'étais, tel que je me présentais au monde. Mais cette fois, mon regard s'est aussi posé sur mon entourage. Je nous ai vus, bande de saltimbanques couverte de lauriers, unis pas le destin dans cette étrange comédie qu'est la vie publique, célébrés et parfois idolâtrés, pleins de certitudes et de naïves prétentions. Petits et fragiles, à la poursuite de je ne sais quoi. Notre but ultime a toujours été de déconner, de nous faire rire les uns les autres.
Mais ce soir, je n'ai pas envie de rire. Etre dans un état second me déplait. Ca ne me tente plus.

[Monuton, 5 avril 1991

Durant mon numéro de Damien Bouchard, souverainiste pointilleux, je porte le drapeau acadien comme une cape. Mes gags dénonçant la discrimination des francophones hors Québec déclenchent plus que des rires. Ce n'était pas dans ma mission officielle, mais ça me fait un petit velours. Vive l'Acadie libre ! Et, comme le réclame absurdement mon personnage : Le pays en 92 !
[arrêt à Shippagan, 10 avril 1991]

(p.181). Je nous ai vus, bande de saltimbanques couverte de lauriers, unis par le destin dans cette étrange comédie qu’est la vie publique, célébrés et parfois idolâtrés, pleins de certitudes et de naïves prétentions. Petits et fragiles, à la poursuite de je ne sais quoi. Notre but ultime a toujours été de déconner, de nous faire rire les uns les autres.

Bientôt, je serai libre de mener ma vie comme je l'entends. J'entends vivre ma vie librement.