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"The winer is ..." (2) ... le retour des prix décernés entre mon canapé et mon frigo ...
Liste créée par gill le 14/05/2024
10 livres. Thèmes et genres : prix littéraires

Devant l'immense succès de l'édition précédente, - une voisine avait même amené une quiche - la soirée que personne n'attendait est de retour :

"Les prix que j'ai décernés en 2024 tout seul entre mon canapé et mon frigo " !

Mais cette année, au vu du succès grandissant et d'un criant manque de place, j'ai dû pousser un peu le canapé jusqu'à la table basse du salon ...

Alors musique maestro, et s'il vous plaît standing ovation ...



1. De braves et honnêtes meurtriers
Ingo Schulze
3.62★ (54)

Prix 2024 du Roman et de la Littérature On peut, bien sûr, faire partie de ceux qui aiment à se persuader qu'une fois de plus, la rentrée littéraire portera " la plupart des lecteurs à confondre dans un délire enfantin les livres et les oeufs, et à croire qu'il faut toujours les consommer quand ils sont frais(1)" ! Néanmoins, la lecture de ce livre vient fort à propos en contrepoint de ce petit adage à la fois culinaire et littéraire. "De braves et honnêtes meurtriers" est un roman écrit par Ingo Schulze, et tout juste paru en août 2023 aux éditions "Fayard". C'est un récit pittoresque et passionnant, un récit au dessus duquel plane l'ombre du bibliophile(2) d'Anatole France. En mars 1951, à Dresde, Dorothea Paulini née Schuller reçut l'autorisation d'ouvrir une librairie avec une section de livres rares et ancien. Lorsqu'elle mourut, en juin 1953, Klaus, son mari, garda les livres qui, pour certains, étaient encore dans des caisses et des cartons. Norbert, leur fils qui avait dormi sur ces piles de livres, devint un bouquiniste réputé à Dresde, un bibliophile qui n'aimait rien tant que lire et toucher amoureusement les tranches des vieux ouvrages de sa boutique. Ce roman d'Ingo Schulze, articulé en deux parties est la biographie de Norbert Paulini ajoutée d'une tranche de vie de son auteur. Ce livre est un livre dédié à l'amour des livres, mais aussi à l'amour de la vie. C'est une chronique éclairée, intelligente et lucide où chacun des personnages ajoute son pas au ballet qui va se jouer dans cette République Démocratique Allemande qui finira, en 1989, par se dissoudre dans l'autre Allemagne. Car ce livre raconte aussi un peu de l'histoire intime qui s'est jouée entre les deux Allemagnes. A la chute du mur, la boutique est désertée, le bouquiniste est décontenancé. Il va devenir quelqu'un d'autre ... "De braves et honnêtes meurtriers" est un roman écrit de manière splendide et percutante, avec toujours chevillé au creux du mot l'amour des livres. C'est plein de formules réjouissantes et piquantes, de belles phrases, de sentiments et de frustrations, de non-dit et de verbes hauts. C'est un roman plein d'humanité, de celle qui est décrite dans la plus belle des littératures, et de celle que l'on vit jour après jour, petit moment d'ennui après triste instant de regret. Vous redécouvrirez ici, sans comme Norbert vraiment vous en étonner, "comme il est agréable de s'immerger ligne après ligne dans un livre". Norbert n'est un inconnu pour aucun de nous. Il contient en lui un peu de chacun des lecteurs du livre d'Ingo Schulze. Car c'est aussi de ça qu'il s'agit, du secret de la lecture. Ingo Schulze, en écrivain généreux, nous livre d'ailleurs, au fil des pages qui se tournent, quelques autres petits secrets littéraires à discuter entre apéro et dessert : - les véritables écrivains ne seraient seulement que ceux qui ne veulent pas l'être - - celui-là même qui écrit ne serait plus en mesure de vraiment lire - ... Alors plutôt que de se jeter dans le flot de la nouvelle rentrée littéraire 2023, on peut préférer "s'en tenir aux réalisations des rares élus et appelés de tous les temps et de tous les peuples(3)". Néanmoins, il serait dommage de passer à côté du livre d'Ingo Schulze car que Dieu me savonne et que Mr Bergeret me pardonne, on n'est pas à l'abri d'y découvrir un petit bijou de littérature et un solide ouvrage qui vienne s'ajouter aux rayonnage de notre bibliothèque universelle ... (1) page 39 (2) souvenirs littéraires d'Anatole France 2ème série (3) page 39 - "citation à l'à peu près de Schopenhauer dans "le monde comme volonté et comme représentation".
2. Mort à l'université
Jean-Yves Le Naour
3.79★ (44)

Grand Prix 2024 du Polar de l'année Le capitaine Tarate est devenu le pestiféré du commissariat de Toulouse. C'est donc tout naturellement que le commissaire Quincampoix lui a refilé une affaire apparemment banale. François Godefroy, un enseignant de l'université du Mirail n'est pas rentré chez lui. Banale histoire de fesse ? Fugue ? Seulement voilà, François Godefroy est retrouvé assassiné. Et un autre enseignant, André Limon est retrouvé mort lui aussi, abattu avec la même arme ... Et quelle arme ! Que Dieu me savonne et que le colonel Moutarde me pardonne, mais on ne me la fait plus. J'ai quelques parties de Cluedo au compteur ! L'arme du crime est la plume, et la victime n'est pas plus Mlle Rose que François Godefroy ou André Limon. Le fin mot de l'énigme d'ailleurs ne serait-il pas révélé dans le titre ? "Mort à l'université" est le dernier livre de Jean-Yves le Naour, qui vient d'être publié aux éditions "Calmann-Lévy" le 20 mars 2024. C'est un très bon roman policier. Le récit s'amorce tranquillement. La lecture commence, popote et benoîte, et puis le fil s'étire de manière originale et plaisante vers un épilogue que l'on n'aura pas vu venir. Il est retors ce capitaine Tarate, et futé qui plus est ! Il va l'avoir sa promotion, enfin peut-être ... Suspens ! Le récit est piqueté d'humour mais pas seulement. On ne m'enlèvera pas de l'idée qu'une des victimes collatérales de cette affaire est bien le système affairiste de l'université. "Mort à l'université" ! L'auteur avait pourtant prévenu. Mais il se peut que tout cela ne soit qu'une fausse piste. Quoiqu'il en soit dans les remerciements en postface, Jean-Yves le Naour dit de son roman qu'il a été publié dans "un moment d'égarement". Pourtant dès la dernière page tournée, le plaisir est bien réel d'avoir lu un efficace et captivant roman policier. De plus, pour en finir, j'y ai compris -Enfin ! - pourquoi durant toute ma scolarité j'ai pu me demander où pouvaient bien s'habiller les profs. Il y a là aussi un secret révélé qui n'est pas négligeable ...
3. Métal Hurlant - H.S. numérique, n°2 : Spécial chats
Zoran Janjetov
Grand Prix 2024 de la BD et du retour de la "Machine à rêver"
4. Paris perdus
Fabrice Schurmans
4.40★ (35)

Grand Prix 2024 de la Nouvelle et du texte court Signée par l'indispensable Caza, l'illustration de couverture semble déjà résonner comme un avertissement : accroche-toi au balai, j'enlève le plafond ! Car c'est bien d'effondrement dont il va être ici question dans ce recueil de six nouvelles d'une science-fiction brillante et addictive. "Paris perdus" est un recueil de SF écrit par Fabrice Schurmans et illustré par Caza. Il a été publié en février 2024 aux éditions "Fatland Éditeur", la fabrique d'horizons. Avoir la tête d'un séducteur n'est pas toujours une sinécure. D'autant plus quand c'est une tête d'emprunt ! Jean Némo va en faire l'amère expérience ... Dans un premier texte intitulé "Étoiles en pagaille", Fabrice Schurmans installe la lecture entre sidération et amusement. C'est rapide et efficace, c'est de la SF de haut vol ! Pourtant on n'a là encore rien vu, presque rien lu. Le temps de s'attarder sur quelques paysages sans lendemains, sur les premiers dessins de Mr Caza, et sans même y prendre garde, tout s'est effondré. Paris n'est plus Paris ! Hubert de la Morliere a disparu de New Paris. Inquiète, Huguette sa femme a appelé la police. L'enquête va propulser les deux inspecteurs Tawfik et Hamar jusqu'aux bas-fonds d'Old Paris ... Fabrice Schurmans commence là à inquiéter son petit monde. Il va installer tout au long du recueil un décor, celui de l'après effondrement. Et le pari est gagné ! Aussi courts qu'ils paraissent être, il ne paraît rien manquer dans ces six textes. C'est assez classique dans le fond du récit, mais très original dans le ton et le style de l'écriture. C'est à lire au rythme d'une playlist fournie dans le texte ... Rita Mitsouko, Highway to hell, Pink Floyd, Miles Davis, etc ... etc ... Rien que du bon son ! Ce n'est pas parce que tout part en cacahuètes, qu'il faudrait se laisser aller à écouter du Michel Sardou ... Il semblerait même que l'auteur soit aussi cinéphile que mélomane ! Quoi qu'il en soit, il nous a concocté dans ce recueil une science-fiction moderne et incisive qui n'a laissé aucune chance aux bâillements et aux temps morts. Le dernier, et peut-être le meilleur texte, "la nuit des mots vivants" vient clore, bien trop vite à mon goût, cette incursion dans ce monde effondré si bien envisagé et décrit. Il aurait dû s'intituler "Fin de partie" ! Le lira-t-on un jour, le journal de la fin du monde qu'a écrit cette jeune femme qui sillonne Paris-la-morte sur sa moto ? En tirera-t-on une leçon ? Car ici, il y a aussi beaucoup de réalisme et un peu de dénonciation ... De l'excellente SF donc. Mais derrière une couverture dessinée par Caza pouvait-il se terrer du médiocre ? Il aurait fallu que vraiment tout se soit effondré ... Et on n'en est pas là ...pas encore ...
5. Trystero
Laurent Queyssi
4.19★ (45)

Grand Prix 2024 de l'Imaginaire et de la Science-Fiction En cette queue de comète où le printemps n'en finit toujours pas de déverser ses dernières pluies, un drôle d'ouvrage est pourtant venu jeter un coin de soleil sur la table de travail de l'apprenti écrivain. C'est un manuscrit arraché au futur par un proscrit de l'Alliance Européenne, une sorte de manuel d'écriture mâtiné d'un récit de résistance à l'oppression, un curieux mélange des genres. C'est qu'il semblerait que dans le futur, même dépourvue de la plupart de ses écrivains et d'une grande partie de ses lecteurs, la Littérature ait conservé cette puissance de lutte qu'Octave Mirbeau dans le passé lui avait pourtant déniée. "Trystero" est un livre de Laurent Queyssi, paru le 10 avril 2024 aux éditions "Mnémos". L'apprenti-écrivain y trouvera tout autant les clés de sa gloire future qu'un captivant roman de science-fiction. Car, mi-essai et mi-fiction, "Trystero" est le résultat d'une savante torsion des genres. L'essai est imbriqué dans le récit. Le tout est indémêlable. Un autre passager clandestin des Lettres et du voyage spatio-temporel, Francis Lacassin, dans le passé déjà avait prévenu que le Genre viendrait certainement tordre le cou à cette Littérature essoufflée dans un futur où elle ne saurait plus parler que d'elle-même. Laurent Queyssi a signé avec "Trystero" un récit intrigant et passionnant, quoi qu'aussi un peu perturbant. C'est un pari tenu de structure et d'écriture. C'est un tour de passe-passe d'imaginaire, de style et de montage savamment orchestré à la force de la plume, au nez et à la barbe de l'Alliance qui pourtant voit tout ... et sait tout ! Peut-être s'en moque-t-elle ? Peut-être n'a-t-elle plus le temps de pourchasser autant de sédition ? Peut-être n'a-t-elle finalement aucun pouvoir contre le roman ? Bruno Trivanen est un écrivain. Après un long séjour en Quartier Haute Sécurité, il a été assigné à résidence dans une petite maison de Sainte-Narcisse. Les livres qui paraissent désormais avec sa signature ne sont plus de lui. Il ne les a ni lus, ni écrits. Et la signature d'aujourd'hui vient obérer celle d'hier. Mais face au vide de sa nouvelle existence, Bruno a décidé de se jeter presque clandestinement dans l'écriture d'un dernier manuscrit ... qui semble promis dans un lointain avenir à sauvegarder la puissance que projette l'imaginaire sur notre destin. Et qui dans dans un avenir beaucoup plus proche, malgré la puissance de l'Alliance, pourrait bien venir rafler tous les prix littéraires qui se trouveront sur son chemin ! La Dolorean a dépassé les 88 miles à l'heure ! Prenez garde "Fils de pubards, de banquiers et de vendeurs de vide", éloignez-vous ... "La méthode d'écriture de Bruno Trivanen" est une réflexion pertinente et originale sur la quadrature du cercle du livre, de la fiction filmée et du jeu vidéo Lire, écrire, mettre en place, confronter et résoudre, oser placer un point final à son manuscrit et se dévoiler, voilà la prétention d'un écrivain. "Trystero" surprendra aussi par son épilogue. La balle a été lancée ... Y aura-t-il un apprenti pour la rattraper ? ...
6. Commandant
Sandro Veronesi
3.99★ (83)

Grand Prix 2024 Littérature Maritime et Aventure Humaine Comme une déferlante projetée sur le genre dont il a littéralement renouvelé la manière, ce roman est venu lessiver la littérature maritime. Il est une convergence des temps et une concordance des hasards. Il est né de plusieurs rencontres, d'un besoin d'humanité et du désir de raconter une histoire exemplaire. "Commandant" est un roman écrit à quatre mains par Sandro Veronesi et Edoardo Angelis. Il a été publié en France, en novembre 2023, dans la collection "En lettres d'Ancre" des éditions Grasset. Un livre, un écrivain et un réalisateur, deux scénaristes, un film, serait-ce le retour de ce bon vieux roman-ciné, bien oublié aujourd'hui ? Car "Commandante", le film, dont la date de sortie en France n'est pas encore communiquée, a fait l'ouverture de la 80ème édition de la Mostra de Venise en septembre 2023. Enfermé dans un corset de fer depuis un accident d'hydravion, le commandant Salvatore Todaro, en septembre 1940, a pris le commandement du sous-marin "le Capellini", dont la proue a été doublée d'acier affilé pour l'archaïque occasion éventuelle d'un éperonnage avec l'ennemi. C'est que Salvatore Todaro était un homme particulier, flanqué d'un esprit-guide, un guerrier de la Grèce antique. Le "Capellini", après avoir franchi Gibraltar, s'est embusqué dans l'Atlantique ... Ce roman est un grand roman maritime, très original et très atypique. Tout d'abord, il s'est débarrassé comme de vieux oripeaux inutiles du vocabulaire technique et traditionnel accroché au genre. Tout au long des chapitres, le récit a été confié à plusieurs narrateurs dont il a adopté la façon de parler. Ce qui hache un peu le récit par l'alternance des styles, mais lui offre au final une densité et une humanité multipliées. Ce récit est soutenu par le grand principe de solidarité en mer du marin envers un autre marin. C'est inaliénable. C'est inscrit dans plusieurs millénaires d'une grande peur de l'horizon. Mais les temps barbares que nous vivons ont d'abord vu des pavillons de complaisance mépriser cette pierre angulaire de la navigation, puis, plus grave encore, des états ont sombré dans cette inhumanité depuis que des "migrants" ont commencé à traverser en nombre la méditerranée. L'édifiante introduction au roman signé de Sandro Veronesi vient acter cette convergence des temps avec laquelle j'ai ouvert ma critique. Ce roman, "Commandant", est passionnant. La description de l'attaque du sous-marin contre le cargo belge "le Kabalo" est un modèle du genre. Mais ce livre n'est pas réellement un livre de guerre. C'est un ouvrage de principes et d'humanité, qui s'intéresse aux hommes et fait la part belle aux personnages. Petit clin d'oeil à Gustave le Rouge, le récit est piqueté de bonne cuisine et d'annonces de spécialités culinaires italiennes. D'ailleurs, dans sa forme, même traduit en français, même ancré dans son universalité, le récit reste très italien. Ce qui donne à la lecture un véritable plaisir supplémentaire et inédit. Ce roman est l'épopée d'un sous-marin. Il est le rappel d'un héroïsme salvateur enchâssé dans un conflit sans merci. Il raconte le destin d'un équipage mené par un homme exceptionnel. Mais surtout il est l'affirmation du principe intangible rappelé par ce même homme exceptionnel que pour un marin, rien n'est plus enthousiasmant que de sauver un naufragé ...
7. Le Village des sourds
Léonore Confino
4.00★ (8)

Grand Prix 2024 du Théâtre et de la Scène Léger dans la hotte et discret sous le sapin, ce petit livre n'en a pas moins pesé son poids de littérature dans la magie de ce dernier Noël qui miroite encore aujourd'hui de ses dernières guirlandes. Trente pages d'une tendre poésie disruptive et une cinquantaine d'un jeu de massacre familial tragique et jubilatoire : c'est peu. C'est pourtant assez pour pousser le fameux cri paliouk : HOUAAAABYORGENMYOUUUUUUUDENNNNN ! Encore faudrait-il pour cela posséder des poumons d'ours ... "Le village des sourds" suivi de "L'effet Miroir" est un recueil de deux récits écrit par Léonore Confino, et paru à la collection "Papiers" des éditions "Acte-Sud". Youma Vlozomir a quatorze ans. Elle est sourde. Gurven est un belge d'une cinquantaine d'années. Ils sont venus de la lointaine et blanche Paliouquie, du village d'Okionuk pour raconter une drôle d'histoire. Youma déroule son récit en langage des signes, et Gurven le traduit. Car que Dieu me savonne et que youma me pardonne, mes mains, d'être soudain silencieuses, en sont devenues comme illettrées. Dans cette histoire, le poids des mots a son importance. Il va devenir un moyen de paiement pour tout un tas de quincaillerie inutile, pour tout ce qui encombre nos vie. Et, lorsque le verbe se tarit, l'asservissement et la violence ne sont jamais bien loin ... Ce récit, qui n'est pas vraiment une nouvelle, ni tout à fait du théâtre, est plutôt un "presque-seul" en scène. C'est un court moment de pure littérature, très beau, qui rend certainement meilleur de l'avoir lu avec plaisir. C'est poétique et philosophique. C'est un village qui s'appauvrit en accumulant les biens matériels. C'est captivant et miroitant de mille belles-lettres. C'est un conte ! c'est une anecdote ! c'est une fable ! Que dis-je, c'est une fable ? … C'est une parabole ! On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme… Le deuxième texte du recueil "L'effet miroir" est un repas en famille qui tourne mal. Deux couples sont à table : Théophile et son épouse Irène, William son frère et sa belle-soeur Jeanne. Théophile est écrivain. Depuis son grand succès "la chambre des amants", il se cherche un peu et vient d'entamer la rédaction d'un grand conte philosophique ""L'éveil du bigorneau". Ah schizophrénie, quand tu nous tiens ! Chacun croit s'y reconnaître ... le bigorneau, bien sûr mais aussi la petite seiche stérile et le gros oursin, sans oublier la chaudasse d'étoile de mer ... Ce petit récit est un morceau de scène cruel et jubilatoire. C'est drôle, triste et lucide. C'est rapide et efficace. Ça fait tomber de sa chaise ! C'est la vie. C'est plein d'une humanité frénétique et convulsive mais poignante et si fragile. Cependant tout ceci est du théâtre contemporain. Alors que celui qui n'en a jamais lu jette la première pierre à celui qui voudrait en lire ... ce recueil est à céder pour quelques mots dérisoires qui ne servent plus, et à faire circuler comme le verbe qui, de lèvre en lèvre, va toucher directement le coeur ...
8. Le miracle de Théophile
Jérémie Delsart
3.17★ (23)

Grand Prix 2024 de la Lecture Loupée Le Diable sait faire trébucher les meilleurs. Il en veut pour preuve, et s'en souvient encore en souriant du fameux croche-pied qu'il tendit, en 1928, assez perfidement en travers de la carrière naissante d'un jeune écrivain. Marcel Aymé avait refusé de signer le pacte, en même temps qu'il avait commis "Les jumeaux du Diable" ! Il condamna son livre à ne plus jamais être réédité ... "Le miracle de Théophile" est un roman de Jérémie Delsart, qui a été publié en avril 2024 dans la collection "Cobra" des éditions le "Cherche Midi". La couverture est attirante. Et la quatrième est tentante... Y aurait-il eu manoeuvre de l'ange déchu à me faire reposer chez mon libraire une valeur sûre de lecture tranquille pour me guider fiévreusement vers cet opus sentant le souffre et portant tous les espoirs d'une lecture passionnante ? Théophile de Saint Chasnes est un étudiant stagiaire en cours de professionnalisation. Il veut devenir professeur de Lettres, et va pour cela intégrer le lycée *** qui a pour proviseure Mme ***. Comme c'est méritoire d'avoir poussé le sacerdoce jusqu'à adopter le même patronyme que son établissement ! Surtout quand celui-ci se résume à ***. Ceci étant dit, la tutrice de Théophile sera Constance Lurcelet, et l'inspecteur pédagogique Patrice Désormais. La préface de Patrice Jean ayant été dithyrambique et les critiques dans les journaux élogieuses et ensorceleuses, tout était, ou semblait être en place pour le déroulement d'un récit qui s'annonçait pour le moins captivant. Malheureusement, ce roman peine à son démarrage. A sa 31ème page, le jeune professeur se dit que "l'année sera bien longue", en même temps qu'à la même page il m'avait d'ores et déjà semblé que ma lecture serait également bien longue. En page 27 Théophile était tout ébaubi. Moi aussi ... Car le Diable sait souffler l'ennui aussi entre les pages ! Et puis la bonne idée ne fait pas forcément le bon roman. Le vocabulaire superfétatoire ne fait pas le style. On a du mal à s'imaginer que Satan est vraiment derrière tout cela, même s'il se cache derrière une silhouette d'andalou, même s'il se propose de veiller sur la carrière de Théophile. Le récit est alourdi de toutes les arcanes de l'Éducation pour tous et du message "engagé" que veut nous faire passer Jérémie Delsart. A trop en faire et trop en dire, on ne sait plus trop quoi en penser ! J'ai trouvé le style plus pédant que délicieusement désuet, moi qui aime tant les vieilles tournures et les lenteurs du style patiné de l'entre-deux siècles. Le récit piétine dans les récriminations et l'introspection d'un jeune professeur qui ne l'est pas encore. Il semble pourtant trouver à la moitié du roman un second souffle dans la scène du repas où Jérémie Delsart semblait vouloir reprendre la main sur sa plume. La scène est assez bien imaginée et construite à plaisir. C'est presque même savoureux. Mais ce court instant de tentation n'aura été malheureusement qu'un moment de répit. Le souffle est retombé très vite. Et l'épilogue survient, sans que l'on sache réellement pourquoi sa mise en page semble avoir été prise d'une curieuse danse de Saint-Guy. Le corps du récit, à mon sens, a souffert d'un manque de mise à la ligne, alors que l'épilogue lui pâtit d'un abus. Ce premier tome semble vouloir s'ouvrir sur un second à venir. Que Dieu me savonne et que le Diable me pardonne, je ne serai pas de l'aventure ...
9. Trimard
Emile Bachelet
5.00★ (2)

Grand Prix 2024 du livre le plus injustement oublié Il en est des bibliothèques comme des rochers que l'on soulève à la pêche aux crabes. Il faut tout y remettre en place ! Qui sait quel trésor pourra y être redécouvert un jour ? Le temps est l'ami du pêcheur, comme celui du lecteur. Ce livre attendait depuis plus de soixante-dix ans dans la bibliothèque de l'arrière grand-tante Nénette que mon oncle me le mette dans les mains avec l'oeil qui pétille de celui qui sait qu'il va faire plaisir. Ce livre est une curiosité, un petit bijou de Littérature. C'est un livre aujourd'hui tout bonnement introuvable. C'est le livre d'un écrivain qui, de s'être trop passionné pour les abeilles, n'en a écrit qu'un au soir de sa vie. C'est le livre d'un vieil homme dont Michel Ragon disait qu'il incarnait l'anarchie que Bonnot avait dévoyée. "Trimard" est le roman d'Émile Bachelet qui, à l'occasion de sa publication a fait l'objet d'un court mais élogieux article dans le "Libertaire (1)" du 17 août 1951. Il a été publié par les éditions "L'amitié par le livre" de Camille Belliard. Il a été lu rue Triquet, ou à la "Porte aux Dames". Car si tout ceci est une affaire d'amitié, c'est aussi affaire saint-vaastaise ! Camille Belliard, instituteur et directeur du centre psycho-pédagogique de l'île de Tatihou, avait en 1948 installé sa maison d'édition à Saint-Vaast la Hougue. Et parce que le saint-vaastais est parfois susceptible, il sera nécessaire de préciser ici que "L'amitié par le livre" ne fût pas un petit "bricolage" local destiné à faire joli dans le paysage (2). C'était un club d'éditions originales, le plus ancien des clubs et ghildes du livre sans bénéfice, fondé en 1930 par des enseignants et basé sur l'amitié. Son président-fondateur était Camille Belliard (3). Parmi ses publications les plus marquantes, l'on peut retrouver l'un des premiers ouvrages d'Henri Vincenot, "La Pie saoule" en 1956 et auparavant, le Goncourt 1943 : "Passage de l'homme" de Marius Groult, ainsi que le premier roman d'Augustin Robinet, "Le Haut lieu", qui devait recueillir 4 voix au Goncourt De 1952 ... sans oublier bien sûr "La grande panne" de Théo Varlet, ce vieux récit de SF qui fit sensation en 1936. "Trimard" est donc le roman d'Émile Bachelet. C'est l'histoire de Joseph Lajonc. C'est le récit initiatique du chemin que se trace un jeune garçon vers son âge d'homme, et de son éveil à une pensée libertaire et originale. Joseph Lajonc a loupé son certif ! Il deviendra donc menuisier. Mais, entre chopines et coups de rabots, l'atelier du père Sorbonne va vite lui paraître très étroit. Son apprentissage terminé, à 17 ans, il en sait assez sur le métier pour entamer un tour de France. Il veut devenir maître de sa vie. Il veut devenir Compagnon. Un louis d'or et cinquante francs dans la poche, il prend donc la route vers Tours jusqu'à Saint-Sébastien où ... il va rencontrer l'amour dans l'atelier de lingerie de mademoiselle Bodard. Louise Moulin est une belle jeune fille, indépendante et libre, qui ne demande qu'à être vraiment aimée. Mais le Compagnonnage est une rude école qui ne supporte pas "l'attache" et Joseph devra reprendre la route, sans vouloir vraiment se retourner ... Ce livre est d'abord un joli roman, captivant et bien écrit. Il est traversé par la Loire, ce fleuve libre qui serpente entre ses premiers chapitres. Il est fait d'évocatrices descriptions et de lumineux portraits. Le tout est y peint en clair-obscur. Mais c'est un livre délicat, tressé d'une écriture fine et sensible. Le récit n'y est jamais brusqué. La véritable noirceur n'y a pas eu droit de cité. Et l'idéologie qui vient le teinter n'y est jamais forcée. L'on ne saura pas grand-chose de Boisvert, ce vieux vagabond philosophe, libre et heureux, qui va initier Joseph au bonheur. Et pourtant, c'est une véritable leçon de vie que le vieil homme va dispenser à tous à travers ce livre. S'agit-il là des mémoires romancées d'Émile Bachelet ? Peut-être ! Pas sûr ! ... Peu importe ... Ce qui importe c'est que l'amitié, et l'amour de la littérature, peut-être, soient passé(e)s par ce livre. Ce roman a été préfacé d'un avant-propos signé par Edouard Dolleans, qui a été historien du mouvement ouvrier et membre du secrétariat d'État aux loisirs et aux sports de Léo Lagrange sous le gouvernement du Front populaire, en 1936, puis chef de cabinet du sous-secrétariat d'État au travail Philippe Serre en 1937. Il y est écrit entre autres belles choses sur le livre et son auteur que finalement, dans la vraie vie, Joseph Lajonc a retrouvé Louise, qu'elle est devenue la compagne de sa vie et la mère de ses enfants. Et Edouard Dolleans y raconte aussi qu'une journée d'automne, accompagné de Michel Ragon, ils eurent autour de la table familiale de Pouligny le sentiment d'avoir toujours été là ...
10. Scènes de la vie de banlieue - Intégrale
Caza
Grand Prix 2024 de la meilleure idée de réédition "Scènes de la vie de banlieue" est le premier tome d'un triptyque éponyme. Il sera suivi de deux autres albums : "Accroche-toi au balai, j'enlève le plafond" et "L'hachélème que j'aime". Caza se met en scène. Caza sait mieux que personne ajouter de la couleur et de la poésie à sa banlieue. Le secret de Caza semble être dans ses lunettes ! A moins qu'il ne soit dans son imaginatif et talentueux coup de crayon. Ce premier opus de la série contient neuf superbes histoires : "Romance", "Pavillon noir", "Du bruit au plafond", "Le troupeau aveugle", "Un soir ...", "Metropolitain Opera", "Hachélème blues", "Ultra non violence" et "L'archélème". C'est dans le journal "Pilote", celui qui, il y a quelques années, s'amusait à réfléchir, que Caza nous a, pour la première fois, invité dans l'Hachélème qu'il aime. "Scènes de la vie de banlieue" est la reprise de planches qui y sont parues dans les années 70. Le rêve est le principal ingrédient de ce délire plein d'intelligence, d'humour et de non-conformisme teinté de contestation. Le découpage des planches est audacieux. Il ajoute à l'originalité de l'album. Le dessin est magnifique, soigné et très coloré. La lecture de ces quelques "scènes de la vie de banlieue" fait forcément du bien ! Elle fait entrer de la couleur et de l'air frais dans nos vie parfois un peu grises ...
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