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Critique de Sibela


Sibela
26 septembre 2023
DESTINATION ORION
Livre reçu en préparation d'une rencontre Babelio Zoom avec l'auteur

Ce livre est remarquable par bien des aspects.
Il rend compte d'une expérience scientifique de grande envergure qui fait avancer la connaissance de l'univers, en déplaçant toujours plus loin les questions car on ne peut aborder ce domaine de l'astrophysique sans être confronté à l'énigme de l'origine qui subsistera quelles que soient les avancées de la science.
Les données scientifiques sont exposées de manière très « pédagogique », dans un langage clair mais toujours rigoureux. Et avec une conscience aiguë que les questions abordées sont « vertigineuses » et que ce que l'on tenait pour acquis scientifiquement peut se révéler erroné à la suite de nouvelles recherches (p.145)
Le récit est aussi plein de suspense, car même si on sait que le voyage a abouti, Olivier Berné nous fait partager les longues étapes, les moments de doute, les inquiétudes extrêmes et … les joies.
Pas de doute, il vaut mieux être humble et solide pour travailler dans un tel domaine.
Et, last but not least, le récit de ce « voyage à bord du télescope JWST » est aussi une source d'information sur la manière dont s'organise la recherche et une réflexion sur la manière dont la science est « prise » dans un monde qui influe sur ses orientations, ses moyens et parfois les dévoient.
L'acronyme JWST est utilisé pour ne pas écrire en clair le nom de James Webb, plus politique que scientifique et contesté pour des « purges visant la communauté LGBT au sein de l'agence pendant les années du maccarthysme et parce que cela peut se développer en « Just Wonderful Space Telescope ». (p.16)
« La science est un milieu étrange où se côtoient d'immenses collaborations et une compétition effrénée » (p.19)
L'équipe constituée a choisi de collaborer avec les chercheurs anglo-saxons qui avaient de leur côté fait à peu près le même chemin. Un choix qui, en refusant la compétition, est en accord avec l'objectif premier de la science :
« Un principe relativement consensuel est que l'objectif premier de la science est la constitution, la préservation et la transmission de nouveaux savoirs. Ce principe est partagé par une immense majorité de scientifiques et c'est cette ambition commune, notamment, qui permet le succès de projets collectifs collaboratifs aussi ambitieux qu'une mission comme le JWST. Mais cette entreprise n'est pas exempte de compétition entre les États, les équipes scientifiques ou les individus. » (p.29)
L'auteur dénonce une tendance actuelle qui, au contraire, fait de la connaissance un « bien qu'il faut posséder et sur lequel il faut capitaliser ». (p.30) Ce qui entraîne une distribution de l'argent aux « équipes gagnantes ». Comme si on pouvait évaluer la créativité scientifique.
Cela entraîne précipitation dans la publication des résultats, moindre qualité des travaux…
La collaboration rendue nécessaire en raison de l'ampleur des projets et de leurs coûts implique nécessairement une organisation hors pair, mais qui est aussi hyper hiérarchisée, ce qui peut invisibiliser des personnes qui ont eu un rôle décisif. Et les personnes qui sont invisibilisées sont, on ne s'en étonnera pas, les femmes et les jeunes.
Le récit relate plusieurs retards dans le déroulement des étapes du projet. Certes, ils n'étaient pas faciles à vivre, mais l'auteur les rattache à « une approche de l'aventure spatiale qui malheureusement n'est plus souvent de mise : celle de la précaution maximale, de la sécurité totale et de la volonté de s'assurer que tout va fonctionner quoiqu'il en coûte. Une approche traditionnelle valorisant la robustesse qui a laissé place ces dernières années à une vision plus mercantile du spatial dans laquelle les coûts de fabrication et la fiabilité des satellites sont réduits au maximum et leur nombre multiplié. » Ce qui crée des déchets orbitaux, qui peuvent aussi menacer d'autres satellites.
Loin de considérer l'espace comme une poubelle, les scientifiques sont soucieux de l'environnement et un organisme 1point5.org étudie l'empreinte carbone de la recherche, et en particulier de la recherche spatiale pour tenter de la limiter.
Destination Orion est donc le récit d'une recherche spatiale rigoureuse, correspondant à ce qu'est une approche véritablement scientifique et coopérative.
L'aventure est passionnante, tout comme la lecture du récit, complété par deux cahiers photos, qui malgré leur petit format, offrent des images qui font à la fois penser et rêver. La passion et la patience de ces chercheuses et chercheurs est immense. Dans une société où beaucoup veulent aller vite, c'est une belle leçon de persévérance, de ténacité et de pensée au sens plein du terme.
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