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Critique de Tachan


Autrice que nous n'avions pas encore eu la chance de découvrir, Fumiya Hayashi, nous arrive d'un coup avec deux titres chez deux éditeurs : La règle de trois chez Sakka et Vies d'ensemble chez Naban le mois prochain. Une belle façon d'aller à la rencontre de sa plume belle et sensible.

C'est une jeune autrice, qui est l'un des derniers talents repérés dans le magazine japonais Comic Beam, qui m'a surprise avec son trait et ses tonalités très proches du shojo au sens large (josei et boys love compris) et qui démontre ainsi combien les limites sont poreuses entre les genres, ce que j'adore !

Son premier récit à parvenir chez nous La règle de trois est un diptyque qui n'est en fait que sa deuxième oeuvre pour l'éditeur après un récit court qu'elle a publié l'année précédente, et pourtant elle y fait déjà preuve d'une belle maîtrise. Dans ce récit doux-amer, elle nous offre une narration sensible, pleine de nuances et de complexité, sur les thèmes des triangles amoureux, de l'éloignement et du deuil, qui sont allés droit à mon coeur de manière totalement inattendue.

Il y a certes un bel habillage avec ces couvertures où la tristesse mélancolique de l'âge adulte semble faire écho à la joie nostalgique de la jeunesse, mais les premières pages, elles, semblaient des plus classiques, sans relief particulier quant à cette relation qui s'était nouée autrefois entre deux garçons très différents, devenus amis, et tombant amoureux en grandissant de la même fille, qui en a naturellement rejeté un des deux en choisissant l'autre, mais ce qui n'avait pas découragé le premier, permettant de former ce fameux trio souligné par le titre. Quelque chose d'assez neutre finalement. Ce n'est que dans le ton qu'on sentait que quelque chose d'autre allait venir donner du relief à l'histoire et c'est effectivement venu avec une belle force tranquille.

La patte de Fumiya Hayashi, ç'a été de parvenir à nous retourner une histoire banale de triangle amoureux sur fond d'amis d'enfance, en un récit bien plus psychologique venant analyser nos choix de vie, de couple, etc. Là où on s'attend à quelque chose de doux et tranquille, derrière cette apparente douceur, il y a quelque chose de bien plus profond et complexe qui vient toucher à l'intimité des personnages qu'ils tentent de cacher derrière un masque de normalité. L'autrice vient gratter des choses dérangeantes, cachées, camouflées, des secrets et des doutes qui peuvent ronger tout un chacun et qu'on garde, garde, au fil des années sans rien dire. Mais ici, le destin en a décidé autrement et elle va explorer cela avec beaucoup de doigté.

J'avais peur au début de tomber sur un récit banal et je ne comprenais pas les éloges que j'avais lus sur le titre. C'était certes émouvant de découvrir le calme Kotaro se rappeler son enfance dorée avec le feu follet Toru, mais il me manquait quelque chose. L'autrice a su être brillante dans l'assurance tranquille dont elle a fait preuve pour instiller patiemment doute et mystère, frôlant même le fantastique le temps d'une page quand le doute était à son comble, avant de nous faire retomber dans les mystères banals de la réalité. Mais la force est restée, l'émotion aussi et à partir de là, c'était inéluctable que cela change. le rythme avait beau être doux, tranquille, peu à peu le doute s'est instillé par tous les pores de l'histoire et j'ai trouvé ce récit des différentes générations magnifiques, poignants, plein de retenue et de pudeur. Son travail sur les sentiments est assez incroyable, alors que ça peut passer pour quelque chose de banal. Elle me rappelle vraiment l'aura de ces romans japonais sensible que j'aime tant.

Graphiquement, le trait est assez simple, épuré même et c'est pour cela qu'il a si bien fonctionné sur moi. En se débarrassant du superflu, elle a pu se concentrer sur l'essentiel : l'émotion ou plutôt les émotions et leur fine complexité et variation. L'air de rien, il y a un vrai beau travail sur les angles de vue, les cadrages, les rapprochements et mises à distance, les choix des lieux et bien sûr, les fameux regards miroirs de l'âme. J'ai beaucoup aimé. Ce n'est pas flagrant au premier abord, c'est plus fin que ça et c'est justement ce qui en fait la richesse.

Très belle rencontre que celle de Fumiya Hayashi, une autrice qui transcende les lignes éditoriales pour offrir un texte universel où la force des sentiments est puissante derrière sa simplicité apparente. Aimer, on en est tous capable, mais cela laisse des marques et l'autrice vient investiguer avec force dans les interstices laissés par une relation inachevée par le passé. C'est beau, émouvant, déchirant, plein de finesse et de pudeur, la recette d'une belle justesse sous un trait épuré pour mieux laisser parler ce sentiments complexes. Je suis curieuse se connaître le dénouement et je prépare les mouchoirs. le coup de coeur n'était pas bien loin.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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