De plateaux en studios, les supposés « wokisme », « islamogauchisme » et « cancel culture » sont dénoncés, à coup d'arguments pas toujours factuels. À l'air libre vous propose des entretiens de société complexes, loin des clashs cathodiques : l'artiste Yanis, les autrices Mona Chollet, Amandine Gay et Mariame Tighanimine, et la sage-femme Chantal Birman.
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C'est au détour d'une conversation avec une amie adoptée, qui a grandi dans le fin fond de la campagne berrichonne au sein d'une famille raciste, que j'ai commencé à identifier les liens entre le cannibalisme de l'Occident et le phénomène de l'adoption transnationale ou transraciale. Mon amie est noire et n'a jamais compris pourquoi ses parents, qui ne connaissaient ni ne fréquentaient aucune personne noire ou racisée, l'ont fait venir du Congo. Lors d'une dispute avec sa mère, elle lui pose la question : "Mais pourquoi t'as adopté une enfant noire alors ?" "Parce que j'ai toujours eu envie d'avoir une petite poupée en chocolat !" J'étais bouche bée. Tout ce que j'ai trouvé à répondre c'est "Mais pourquoi en chocolat ? Le chocolat ça se mange. Elle voulait une poupée pour la manger ? Elle voulait te manger ?". Puis j'ai commencé à spiraler dans ma tête, en me disant qu'il est tout de même étonnant que la figure du cannibale soit toujours associée dans la culture populaire française aux personnes noires : pour moi les cannibales, ceux qui ont englouti des millions d'Africaines dans les cales de leurs bateaux, pour leur faire produire du sucre, toujours plus de sucre qui les rendraient riches, toujours plus riches, toujours plus avides de corps et de biens, ces cannibales-là, ont-ils jamais cessé de manger les "petites poupées en chocolat" ? Et par quel tour de magie ont-ils réussi à retourner le stigmate de leur propre monstruosité sur celles qu'ils dévorent depuis des siècles ?
La rage est mon moteur, le feu qui brûle au fond de moi et me fait avancer, mais c'est aussi ce qui me consume sournoisement, et qui m'a presque engloutie sans même que je m'en rende compte.
J'ai oublié mon féminisme et le droit des femmes à disposer de leur corps. J'ai 5 ans, 3 ans, 3 mois ; je viens de comprendre que ma mère n'a pas voulu de moi.
S'il suffisait pour ne pas tomber sur des parents violents, abusifs, homophobes, et j'en passe, que ces personnes soient vos parents de naissance, ça se saurait !
L'École républicaine française est avant tout là pour nous inculquer le respect de l'autorité et l'acceptation de la reproduction sociale.
Oui, l'abandon génère du trauma. Le racisme, le classisme et le sexisme aussi. On guérit plutôt bien du premier quand la famille est saine. On se remet rarement des seconds.
L'occultation de la question raciale en France est un problème éminemment politique, d'autant plus qu'elle est à l'origine de nombreux traumas individuels et collectifs au sein de notre communauté.
Lâche le micro ! 150 ans de luttes des femmes noires pour le droit à l'auto-determination, préface de Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme de bell hooks
L'adoption transraciale, dans un pays qui traîne un passé colonial et esclavagiste non résolu, est une pratique qui expose les personnes adoptées, en particulier noires, à des violences individuelles et systémiques, y compris lorsque les familles sont aimantes et bienveillantes. L'amour et la volonté de bien faire ne sont pas suffisants. Seule une éducation politique des familles adoptantes sur les questions raciales, effectuée par les institutions en amont de l'adoption, peut permettre aux enfants racisées grandissant dans des familles blanches de faire face au racisme systémique dont elles seront victimes toute leur vie. C'est là que le bât blesse : en 2021, en France, la notion de race comme construction sociale fait encore débat. Que peut-on attendre d'institutions et d'individus qui participent activement à l'invisibilisation du racisme ?
À la cécité, la France a ajouté le mutisme. En s'interdisant d'utiliser le mot race, on se prive d'un concept qui nécessite d'être déconstruit, pas effacé. Sans une compréhension réelle de cette construction sociale et historique qu'est la race, il est impossible d'en éviter les effets néfastes.
L'ascenseur républicain n'est pas en panne, il ne laisse juste pas entrer tout le monde. Le racisme d'État s'exerce aussi par la discrimination dans l'orientation scolaire.