"Quand je parle du dernier juif d'Europe, je parle de l'imaginaire juif. ll y a beaucoup de juifs en France aujourd'hui mais pas un seul ne raconte sa légende à venir comme une légende européenne."
« Je ne me doutais pas que l'histoire de mon père me mènerait à faire équipe avec Ionas, un vampire centenaire et amoureux, Rebecka, sa copine psy divorcée d'un fantôme, et une rabbine. Mais quand c'est arrivé, j'ai trouvé ça normal. Presque.
Ces pages racontent aussi comment mon père a tenté de ne plus être juif, et comment, avec tout ce que l'on me mettait sur le dos, j'ai eu le sentiment d'être le dernier juif d'Europe. »
Joann Sfar ressuscite le fantastique et l'humour désespérés de Kafka ou de Malamud dans cette fable où les monstres offrent un miroir hyperréaliste à la singerie moderne.
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« Une nouvelle est une manière d’indiquer la complexité de la vie en peu de pages, de produire la surprise et l’effet d’un savoir profond dans un temps court (…). Beaucoup à dire, peu de temps pour le faire, cela rappelle l’effet du poème. »
On a beau brûler un homme, on ne brûle pas pour autant son idée.
Page 62
Le passé n'intervient que dans la mesure où on le laisse faire. Les gens le craignent parce qu'ils croient y voir une préfiguration de l'avenir. Mais cela ne se produit pas si l'on prend conscience que l'existence est sans cesse soumise au changement et qu'on se concentre sur ce qui en résulte , en le vivant.
( Le choix d'une profession)
S’il parvenait à lui parler seul à seule pendant un bon moment, peut-être arriverait-il à se faire écouter ? Tout d’abord, elle se montrerait probablement réticente mais lorsqu’il aurait commencé à lui raconter sa vie, elle le laisserait sûrement aller jusqu’au bout. Et alors, qui sait ? Avec une femme, le tout est de commencer.
S'il y avait un Dieu, après avoir lu Spinoza il avait dû fermer boutique pour devenir une idée.
L'espoir est aisé, seule l'attente le ruine.
page 290
- Yakov, fit Shmuel d'une voix fervente, n'oublie pas ton Dieu!
- Qui oublie qui? répondit le réparateur avec colère. Que m'accorde-t-Il sinon un bon coup sur la tête et un jet de pisse en pleine figure? Il n'y a pas là de quoi l'adorer que je sache?
- Ne parle pas comme un "mechoummed" (renégat). Reste juif, Yakov, n'abandonne pas notre Dieu.
- Un méchoummed abandonne un Dieu pour un autre. Or, je n'en veux aucun. Nous vivons dans un monde dont l'horloge tictaque à toute vitesse pendant qu'assis sur sa montagne, hors du temps, Il regarde dans le vide. Il ne nous voit pas et se moque bien de nous. Mon morceau de pain, c'est aujourd'hui que je le veux et pas au Paradis.
Page 20
Mais, jeune écolier, Yakov avait été témoin d'un vrai pogrom : un raid cosaque de trois jours pleins. Au matin du quatrième jour, les maisons fumant encore, on fit sortir Yakov de la cave où il s'était terré en compagnie d'une demi-douzaine d'autres mioches ; il vit alors un Juif à barbe noire, une saucisse blanche plantée dans la bouche, gisant en pleine rue sur un tas de plumes ensanglantées tandis que le porc d'un paysan lui dévorait le bras.
Il n’y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais, c’est de les craindre.
Il se remémorait certains épisodes de la vie de Spinoza : comment les Juifs l'avaient maudit à la synagogue ; comment, pour ses idées, un assassin avait essayé de le tuer en pleine rue ; comment il vécut et mourut dans sa petite chambre, méditant, écrivant et pour gagner sa vie taillant des lentilles jusqu'à en avoir les poumons rongés par la poudre de verre.
Il était mort jeune, pauvre et persécuté, et néanmoins le plus libre des hommes.