Fermez les yeux,
Faites le calme en vous,
Imaginez :
Si tous les cerisiers en fleurs étaient couleur de cendre.
Un poète, autrefois, a dit :
Le printemps qui suit la disparition d'un être cher,
Les cerisiers fleurissent quand même magnifiquement.
Pourtant, il n'y a personne avec qui les admirer.
Alors, vous, fleurs dans la montagne,
Recouvrez-vous des vêtements du deuil!
Cerisiers, comprenez ma peine, cette année au moins,
Donnez à vos fleurs la couleur de la cendre!
Ikezawa Natsuki, "Cette année au moins..."
Quand on se retrouve dans une ville dont les constructions ont disparu, on a l'impression étrange que les distances ont changé : les choses《avant》semblaient plus lointaines. Plus rien ne vient s'interposer dans votre champ de vision, la vue est dégagée, et c'est sans doute ce qui donne l'impression que l'espace s'est réduit. Il me semble qu'il y a encore une autre raison à ce sentiment. Avant, on marchait le long des alignements de maisons, on tournait aux angles des rues ou on les traversait, mais nos déplacements n'étaient pas seulement physiques. Telle ou telle maison, tél magasin ou scierie, telle ou telle personne habitant là et qui faisait signe quand on passait devant chez elle, les murs, les pavés, les arbres, tous ces détails que nos yeux perçoivent formaient un ensemble de signes, de sens ou de souvenirs qui constituaient un espace mental. Quand tous ces détails disparaissent, que la ville est aplatie comme une carte sur laquelle seules les rues seraient dessinées, cet espace mental se disloque : il ne reste que les distances physiques. Une ville réduite à ses simples dimensions apparaît étonnamment petite et cette impression vient encore renforcer, inutilement, notre tristesse et notre désarroi.
Hatakeyama Naoya, "Photographier le vide"
《En fait, la situation est très grave》: cette information ne nous trouble plus, curieusement. Une telle absence de réaction était-elle prevue par Tepco, ou par le gouvernement? Je pense plutôt qu'ils ne maîtrisent pas vraiment les effets des《confessions après-coup》. Un passé ainsi révisé n'est plus qu'une histoire fictionnelle.
On nous bande les yeux sur《ce qui se passe maintenant》, et nous ne pouvons plus croire non plus aux informations sur《ce qui s'est passé avant》. C'est ce contexte de grande confusion qui me fait réfléchir à la question du《désordre des temporalités》.
Saitô Tamaki, "Le temps sinistré : un seul traitement, sortir du nucléaire"
Depuis ce 11 mars, tandis que les médias continuent à parler du puissant séisme, du tsunami géant, de l'inquiétude liée aux réacteurs nucléaires, des tremblements de terre qui se produisent encore souvent, ainsi que des fortes répliques et des mesures à adopter, dont l'orientation reste bien floue, il s'est écoulé pas mal de temps. Et finalement, ce que je ressens maintenant très fortement, c'est que l'être humain lui-même est bien l'ultime forteresse.
D'abord, le visage et les paroles des sinistrés les plus durement touchés répondant aux interviews des médias m'ont donné à méditer sur la profondeur des gens du Tôhoku et, plusieurs fois, m'ont amené à me remettre moi-même en question. Car dans l'expression des sinistrés on pouvait très bien lire un sentiment complexe qui, par considération pour leurs voisins se trouvant aussi dans une situation tragique, leur interdisait de trop insister sur leur propre malheur. Ce qu'il y a de plus beau au fond du coeur des Japonais, mais qu'aujourd'hui on rencontre de plus ne plus rarement, je l'ai retrouvé dans les réserves d'énergie des gens du Tôhoku, pourtant plongés dans de terribles sacrifices, et j'en ai été profondément remué. (Muramatsu Tomomi)