Ah vous écrivez : émission du 02 septembre 1977
Trois écrivains au sommaire de ce magazine littéraire de
Bernard PIVOT:
Georges CONCHON pour "
Le sucre"
Dominique ROLIN pour "Dulle griet"
Alexandre ASTRUC pour "Le
serpent jaune"
Qu'est-ce-qu'une année sinon le volume infini d'une pincée de secondes?
"Je vous souhaite alors, le volume infini d'une pincée de petits bonheurs, tout simplement"
Gouelan.
"Il n'y a pas un bonheur ou un genre de bonheur ou un instant de bonheur, telle est la sommaire croyance des animaux pensants que nous sommes. En réalité, chaque atome de vie est la source de milliards de bonheurs qui ne cessent de se renouveler à mesure qu'on la respire."
On peut fort bien être un homme à part entière sans être humain, et décidément c'était mon cas. L'homme enfermé au fond de moi emportait tout, disposait de mes capacités, m'imposait froidement la permanente aventure de cruauté qu'exigeait ma peinture.
Je ne suis pas quelqu'un qui se confie, je n'ai que quelques rares amis avec lesquels je m'entends vraiment. je suis d'ailleurs frappée par la surdité de la nature humaine en général. Les gens n'osent pas, ne veulent pas entendre. Que savent-ils d'eux-mêmes et des autres ? Et puis, vous avez aussi ceux qui s'imaginent qu'en ayant des aspirations littéraires ou artistiques, ils vont arriver à s'imposer sans entamer ce dialogue interne. Mais ils n'ont pas l'oeil, pas l'oreille...ils attendent, ils se mentent, ils ont le temps. Or, il faut vivre comme si on n'avait pas le temps. On est au bord du temps comme au bord d'un précipice: celui du néant, du silence, du malheur (p.48)
Brûler un corps est un crime aussi laid que théâtralement comique : enfermer des restes dans un tiroir parmi tant d'autres, pourquoi , on s'y recueille parfois en serrant les mâchoires, carnaval indigne. Non, rien ne vaut le sommeil en terre, oui, la bonne et riche terre. C'est ce que j'ai souhaité pour ma part, un cimetière de haut niveau, pelouses bien ratissées, fleurs, monuments stupides, oiseaux vifs, juste ce qu'il faut pour que l'oubli s'installe avec sobriété; je me transformerai sans hâte en -compost- (comme disent les jardiniers) (Gallimard, 2001, p.32)
L'écriture est un instinct de conquête de soi-même, une sorte d'architecture à laquelle on travaille depuis sa jeunesse. (p.46)
Écrire, c'est aimer.
Écrire, c'est être aimé.
J'apprécie le mot merveille ainsi que ses dérivés. Je le répète souvent, cela signifie que je suis émerveillée de nature. Je n'ai pu grandir, aimer, haïr, croire et travailler qu'à travers les eaux de l'émerveillement. C'est un rude privilège qu'on m'a donné là. Je l'ai longtemps ignoré. (...) Merveille est mon plus précieux joyau dont je me sers jour après jour non sans audace au vu et au su du monde entier sans craindre les voleurs. Si j'avais mis merveille au coffre, sans doute aurait-il perdu son éclat, petit à petit, avant de se dessécher.
Moi, Pieter Brueghel, je veux peindre encore. Mes bras sont remplis de tableaux futurs. Des couleurs ruissellent sous ma peau, dans l'épaisseur de mes nerfs.
Chaque souvenir est une espèce de lac parfaitement fini, bien isolé à l'intérieur d'un espace immense que l'on est bien obligé de nommer le Temps. Entre les lacs en question s'étale un vide brumeux et doux, ni chaud ni froid, apparemment dénué d'intérêt mais qui, bientôt, se révèle d'une importance capitale.