Je n'ai pas peur de prendre l'avion. pas pour l'aspect technique de la chose, je veux dire. Mais j'ai peur des gens. Il leur passe toujours par la tête les idées les plus loufoques.
C’est une qualité intrinsèque, cette nécessité que nous éprouvons de faire en permanence des trucs. De trouver des trucs à faire. Tant qu’on est actif, tout roule, quelque inepte que soit cette activité. Nous voulons à tout prix éviter de nous ennuyer.
Je crois que personne ne devrait être tout seul. Que l'on devrait être avec quelqu'un. Avec des amis. Avec celui ou celle que l'on aime. Je crois qu'il est important d'aimer. Je crois que c'est le plus important.
Car il s'en était passé, des choses, depuis la dernière fois. Kurt n'avait même pas le courage d'y repenser. Sans compter qu'il était raplapla. Il jeta un œil sur le télégramme. Il espérait que c'était au moins un télégramme important car, dans le cas contraire, il pourrait peut-être faire comme si de rien n'était et aller se payer un peu de bon temps avec son Fenwick, voire piquer un petit roupillon.
Hélas, cela semblait bel et bien important. Aaah ! Ce que c'était agaçant alors !
Kurt, un télégramme à la main, reprenait son souffle. Ç'avait été une journée tumultueuse, à cause de la décoration du quai et des chariots élévateurs transpalettes, en plus de l'organisation du buffet, de l'orchestre et de la société de sécurité. Cette journée tumultueuse succédait à d'autres journées tout aussi tumultueuses. Cela faisait plusieurs semaines que Kurt n'avait pas conduit son Fenwick.
« La forêt est douce et amicale. C’est la mer, qui est capricieuse ou la montagne. Mais la forêt est prévisible, et nettement moins déstabilisante que presque tous les autres lieux. Alors, qu’on ne peut en aucune manière faire confiance à la mer, à la montagne, ou aux gens, on peut sans réserve déposer sa vie entre les mains de la forêt. Car la forêt écoute et comprend, dis-je. Elle ne démolit pas mais restaure, et laisse les choses pousser. La forêt comprend tout, et contient tout. »
Allumer la télévision équivaut à consulter un ouvrage de références qui m’expliquerait pourquoi je n’aime pas les gens. La télévision est le concentré de tout ce qui en nous est abject. Tout ce qui, déjà dans la réalité, nous apparaît difficilement réconciliable en termes de qualités humaines devient d’une crudité implacable une fois retransmis à la télévision. Les gens y font figure d’abruti.
Avoir traversé toute la Norvège à côté de son époux sans le savoir et, par-dessus le marché, avoir rencontré une personne fascinante leur avait fait l'effet d'un choc dont ils se remettaient difficilement.
Mais quand même, on perdrait le cercle polaire arctique, le soleil de minuit, le Musée de l'aviation norvégienne et la ville prétendument la plus au nord du monde : Honningsvag.
Pendant des décennies, j’ai pataugé dans cette mare d’application. Je me suis réveillé dedans, et je me suis endormi dedans. Je respirais l’application, j’ai respiré l’application et, peu à peu, j’ai perdu la vie.