Eva Adams

La colère me permet d'avancer, de penser à moi, de me construire, sans lui et de me trouver, sans lui. Si j'accepte de mettre un linge sur tout cela, je risque de me perdre à nouveau. Ce début de liberté que je commence à voir arriver, j'ai tellement peur de le perdre et de me retrouver comme auparavant, aveuglée par un amour qui ne repose sur rien, me laisser emmener sur un chemin qui n'est, finalement, pas fait pour moi, et vieillir, peut-être en passant à côté de ma véritable existence.

D'après Alina, une soumise n'a qu'un seul Maître dans sa vie, peu importe à quel moment il arrive, peu importe ceux qu'elle a eus avant Lui, et ceux qui arriveront après Lui. Il est Unique. Pour ma part, j'ai l'impression d'être née il y a peu, d'avoir découvert mes envies profondes, non, d'écouter mes envies tout simplement, il y a peu de temps. Et le destin a fait le reste.

Je cours aussi vite que je peux en ravalant mes larmes. Il faut assumer ma petite. Au bout de deux kilomètres, je suis en eau et décide d’arrêter. Je n’ai aucune volonté pour dépasser mes limites ce matin. Je les ai déjà franchies et je dois trouver le moyen de me racheter. Esteban regarde devant lui sans un coup d’œil pour moi, je sais qu’il doit se poser mille et une questions. J’aimerais que tout ceci ne soit jamais arrivé. C’est si triste que je décide de remonter à l’appartement. Il ne se retourne même pas et continue à courir. Il faut que j’appelle Jules, mais à cette heure il doit être en train de dormir. J’essaierai un peu plus tard tant pis. Un passage par la douche qui n’a aucun autre effet que de me glacer les os. Une sorte de malaise s’est installé dans mon corps. Qu’attend-il de moi ? Je fais chauffer l’eau pour mon thé et prépare un café pour Esteban qui traverse

Je regrette bien de m'être laissée "avoir" et d'avoir lu le 2ème. Esteban vire de plus en plus au psychopathe et Emma à la godiche incapable de se défendre. À New York l'attend une vie de rêve, loin de ses enfants, (mais qui s'en soucie ?) elle trouve un boulot mieux payé, bref, tout va bien… Sauf que non, finalement, c'est idiot… Puisque non seulement Esteban est de plus en plus dominant, (ce à quoi elle aurait pu s'attendre, notons bien…) mais il n'est surtout jamais là. Que va t'il se passer ? Emma rencontre un autre homme, craque, mais comme Esteban est un vrai dominant… Bref. Voilà voilà, encore une fois, après 10 "je lève les yeux au ciel" et 5 soupirs, je vais lire le suivant… Piégeuses ces romances !

Tous ces changements advenus en si peu de temps me donnent l’impression d’être passée dans une machine à laver. Mais quel est le moment exact où tout a basculé ? Ah oui, c’était il y a six jours, lors de la soirée de remise de prix de Jules, mon meilleur ami. Comme une Cendrillon des temps modernes, j’y ai rencontré mon prince charmant américain, Esteban, milliardaire célibataire, qui m’a arrachée à la vie monotone dans laquelle j’étais engluée depuis des années, et m’a fait voyager au pays du plaisir et des orgasmes à répétition. La seule différence est que Cendrillon n’avait pas d’enfants et qu’elle n’a eu aucun mal à suivre son prince.

— Je suis fatiguée mais oui ça va. C’était quoi ce… ton autoritaire ?
— Rien que moi.
— Tu n’es pas si autoritaire d’ordinaire.
— Erreur, je t’ai laissé du temps pour ne pas te brusquer mais à partir de maintenant je redeviens celui que je suis en réalité.
— Et dois-je avoir peur ?
— Pas tant que tu m’écoutes, me dit-il concupiscent.
— Oh.
Je ne sais pas très bien comment je dois prendre la chose, mais son regard se fait doux et tendre. J’ai aimé ce qu’il m’a fait et la manière dont il l’a fait. Toutefois, le monde d’Esteban m’est encore inconnu bien que j’y aie survécu jusqu’à maintenant. Aujourd’hui je ne pourrais plus faire l’amour ‘simplement’, j’ai besoin de sa bestialité et de force, et puis qu’est-ce que je risque ? À part mourir de plaisir ? J’vois pas ! Cet homme est plein de ressources et je ne suis pas au bout de mes surprises à mon avis.

Il est vrai que ce monde n’est pas si facile, quand on se sent soumis ou soumise, il y a des moments de doutes, d’inquiétudes, de vouloir parfois retrouver sa vie d’avant quand nous sommes face à l’échec de notre conduite mais on sait que c’est impossible. La vie d’avant on la connaît et on a fui sa saveur amère. Cette nouvelle vie nous offre la liberté que nous cherchions tant. La voix de la soumission nous montre un chemin jamais emprunté. Une saveur douce mais piquante qui coule de nous un peu plus chaque jour et qui nous approche d’une vérité, de notre propre vérité. Alors quand on a goûté à cela, impossible de faire machine arrière.

Il vient dans mon cou, m’enlace et m’embrasse tendrement, il a toujours sa main posée sur ma cuisse, je perçois son excitation monter. Je me sens dans les griffes d’un prédateur nocturne, incapable d’échapper à son attraction. Mon cerveau essaie de comprendre toutes les informations de la journée, toutes ces émotions vécues et croisées durant les dernières heures, trop dur, je n’arrive pas à tout classer. Je me laisse donc dominer par la situation et mon sensuel Esteban. Il ouvre mon pardessus fougueusement, mon corps est tout à coup exposé dans un endroit où des dizaines de personnes dansent, parlent et respirent à côté de moi.

Une soumise a de la valeur aussi dans ses réticences, si vous deviez tout accepter vous ne me seriez d’aucune utilité et je n’aurais aucune envie de jouer avec vous ni de vous guider sur la route de la soumission.

Je caresse son dos que tant d'hommes ont touché, flageolé, martyrisé, ce dos qui est à moi, à elle,mais à moi. Cela me fait frissonner. Elle est tout ce que j'ai. Elle détient au creux de ses reins mon existence. Je lui dois tout. Je serais prêt à tout pour elle. J'ai déjà usé de force, de menaces et je serai prêt à tuer s'il le fallait. Personne le l'aura, elle est à moi et elle le sait. Pourtant, elle ne peut s'empêcher d'aller se faire baiser ailleurs. Pourquoi?
J'ai cherché des réponses longtemps. Je n'ai trouvé que des pleurs et de la détresse. Je me suis retrouvé devant une femme en manque. En manque de sexe, en manque de violence, en manque d'amour. Je ne serai jamais les autres, je ne pourrais pas, je n'en ai pas la prétention mais quand bien même, je deviendrai fou. Comment être tous les autres? Tous ceux que je ne connais pas, toutes ces personnalités tous ces vouloirs, tous ces regards, toutes ces perversités. Ma Lula est une femme fragile qui a trouvé sa thérapie dans les liens de la chair. Quand moi je traînais dans les rues avec mon flingue entre les mains à chercher ma moitié perdue, elle se faisait prendre comme une chienne et jeter de la pire des manières qu'il soit ; tabassée, sur un trottoir en pleine nuit. Que serions nous l'un sans l'autre? Rien, rien du tout. Notre existence n'a de valeur que pour l'autre.