La rencontre est improbable : Un fils de « bonne famille » du 16ème arrondissement, Arnaud Mitran, un golden-boy au charme fou, s’accoquine avec deux petits loubars de Belleville, issus de la vague d’immigration juive de Tunisie des années 60, Marco Mouly et Samy Souied, pour monter une escroquerie extra-ordinaire.
Imaginez une escroquerie de près de 1,6 milliard d’euros à partir de ce qu’on a appelé « le droit à polluer », la fameuse « taxe carbone »! Le plus gros échec écologique d’un état préoccupé mais légèrement amateur !
Pour limiter l’émission des gaz à effets de serre, l’État français crée en 2007 un quotas carbone pour chaque entreprise afin de calculer leur impact pollution. Si certaines entreprises dépassent leur quotas, elles peuvent acheter à celles, qui sont en dessous, une sorte d’avoir pour arriver à respecter leur norme. Une bonne idée en somme : la solidarité des entreprises pour le bienfait de l’humanité !
Pour plus d’efficacité, l’État décide, dans sa grande générosité, d’appliquer le quotas carbone à toutes les entreprises, quelle soit polluante ou non, sans mettre en place de contrôle éventuel. Quand on a une bonne idée, autant en faire profiter tout le monde !
Pour inciter encore plus les entreprises à jouer le jeu, l’État français se charge d’avancer la TVA à chaque transaction… Et, voilà, la porte est ouverte pour une arnaque aisée et simple, sans trace pendant quelques mois. Ce procédé est connu par les petits malfrats depuis longtemps.
Pour la taxe carbone, c’est le casse du 21ème siècle ! Un casse sans violence avec presque l’accord du Crédit foncier puisque la banque s’est bien aperçue des détournements et a averti de qui de droit, mais, il faudra du temps, beaucoup de temps … Nos trois compères détourne quand-même 283 millions d’euros.
Mais le casse du siècle va flirter dangereusement avec le monde du grand banditisme! Fabrice Arfi démontre comment l’ancien trader, acculé par des dépenses aux tables de jeu et dans les hippodromes, contracte des dettes énormes. Condamné en appel en 2017 pour séquestration et enlèvement, d’autres procès sont en cours…
Ça c’est la partie visible de l’iceberg ! Car Fabrice Arfi démontre des liens avec des crimes non encore élucidés mais aussi des liens plus troubles avec des policiers de haut-rang et des membres de la politique française mais aussi mondiale.
La fascination qu’à éprouver l’auteur pour cette histoire est perceptible tout au long du livre. D’un émail reçu, il s’est vu embarquer dans une enquête qui a duré plusieurs années et pour laquelle il a fait paraitre un certain nombre d’articles dans Médiapart, son journal employeur. Enfant des années 80, Fabrice Arfi fait voyager pendant ce « roman vrai » de film en film, de « Wall Street » au « Grand Pardon » en passant par « Heat ».
Ce qui commence comme un thriller politico-judiciaire qu’on dévore avec plaisir, se transforme vite en un affreux sentiment de dégoût lorsque l’on saisit qu’il ne s’agit pas d’une fiction mais de la réalité jugée et reconnue. En recherchant sur internet au fil des pages à connaître les visages, à relire les articles des journaux qui ont couverts les procès, j’ai mesuré combien j’étais loin du polar !
Fabrice Arfi conclue que, « en prison ou dehors, ‘ils restent encore insaisissables ». Et, le malaise est bien là!
Comme indiqué, lire ce « roman vrai » ressemble à un polar, même si rapidement, on se sent genre « dindon de la farce ». Mais, rencontrer l’auteur au cours de sa présentation à la librairie Folie d’Encre d’Aulnay, fut aussi un excellent moment car, bigre, qu’est-ce qu’il raconte bien ce journaliste ?
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