Il faut voir le front d'une bataille, pour comprendre que la guerre n'est pas un jeu, qu'elle ne peut semer que terreur et désolation. Et surtout comprendre que rien de censé ne peut la motiver : la guerre est désespérément vide de sens. C'est un abandon total à la pulsion, propulsée par l'ignorance et la déraison.
J'ai tout pour moi. Mon âme est souillée à point. Je suis un méritant. Ces deux derniers millénaires, mes incarnations ont causé l'ignorance et la souffrance de milliers d'individus. J'ai freiné à souhait la roue de leur évolution. Aujourd'hui je comprends.
Désormais je n'aurai plus à m'incarner pour causer le désordre. Mon vice est éternel.
Gramush retire le vêtement d'un geste sec et exhibe devant les nîs effrayées la marque au fer rouge qui lui a été faite l'après-midi. Elle déclare :
_ Voilà ce qui arrive aux esclaves à vendre qui restent insoumis. Ils deviennent la propriété du clan, à vie. Cette nîs n'est désormais plus des vôtres : elle demeurera attachée à notre sqervice. Cette marque signifie « invendable » et accessoirement « j'appartiens au Clan Frémel de la Nation Orque ».
La semi-elfe concentrée :
_ Ne la faites pas brûler. Sa seule présence en offrande devrait suffire à éveiller l'immortel.
À peine avait-il posé le brin sec d'épice dans la coupelle, que les yeux de la statue devinrent luisants. Puis des parcelles de peau au niveau du visage, des avant-bras, des mains, se mirent à rosir. Des pans entiers de pierre commencèrent à se dissoudre. En quelques instants une nouvelle silhouette vivante se tenait au milieu d'eux, surgie de la pierre.
On pense parfois que notre époque est au-delà des aventures. Que le destin a disparu de l'horizon : ombres brillantes passées au galop il y a longtemps et parties.
Quel plaisir d'avoir tort. Princesses, chevaliers, enchantements et dragons, mystère et aventure sont ici et maintenant, et sont même tout cxe qui a jamais vécu sur terre !
Konrad sent sa peau peler et partir en lambeaux, ses membres se disloquent, tandis qu'il hurle dans le silence. Il hurle, mais aucun son ne sort de sa gorge. Il est paralysé, bouche ouverte, yeux écarquillés, muscles crispés, mains repoussant la couverture.
_ Lève-toi !
Peu à peu il revient du Royaume des songes et recouvre l'état de veille comme l'usage de ses membres.
Il s'étire , baille, s'asseoit au bord du lit. Une tête réapparaît dans l'encadrement de la porte de la chambre.
_ Lève-toi ! C'est jour de ménage.
_ Alors ce plan d'attaque mon Général ?
_ J'ai retenu un seul angle d'attaque où concentrer l'essentiel de nos forces.
_J'irai en balai. Mon tapis est trop mité. Je risque d'être plaquée comme une crêpe contre la tour, par les bourrasques. Vous avez vérifié la météo et l'état de la marée ?
"Je serai dans ta tête comme un poisson dans un beau crâne."
La Sirène