Interview de J. James, auteure du livre : Les tribulations de Lady Eleanor Grant
Malgré elle, les deux hommes réussirent à la faire douter. Certes sa découverte était pour le moins étrange, mais elle n'avait pas rêvé. Elle avait touché la pierre, déchiffré les hiéroglyphes, et elle savait qu'elle n'avait pas été victime de divagation. Ça n'était pas parce qu'elle était peu vêtue, sans chaussures et échevelée dans le désert qu'il fallait mettre ses paroles en doutes. Eleanor inspira profondément pour calmer la moutarde qui lui montait au nez, puis fit un pas en arrière pour se dégager de l'étreinte de Crowley et repoussa sa chevelure dans son dos. Elle remarqua subtilement son regard qui suivait chacun de ses mouvements pour s'arrêter sur sa poitrine qu'il admirait ostensiblement à travers le tissu noir de sa chemise de nuit. Elle croisa alors les bras sur ses seins et se gratta peu discrétement la gorge. Remarquant qu'il venait de se faire prendre en flagrant délit, Crowley choisi de oui servir un sourire innocent.
Malgré son impérieuse envie de découvrir ce que cachait cet endroit, Eleanor ne pouvait faire taire la peur qui s’insinuait dans ses veines. Elle n’était pourtant pas du genre à s’effrayer pour un rien. Elle ne croyait pas aux histoires de revenants, de lieux hantés ou autres fadaises. Mais elle faisait souvent confiance à son instinct et savait l’écouter. Devant les ténèbres qui s’enfonçaient devant elle, ce dernier lui criait presque de faire demi-tour; d’écouter sa prudence plutôt que sa curiosité.
Eleanor voulut se défendre, mais ne trouva rien à dire contre les propos du contremaître. Parce que quelque part, il avait raison. En quoi leurs démarches étaient elles meilleures que celles entreprises par les pilleurs avides d’or et de trésors ? Même si leurs fouilles avaient une approbation officielle, les égyptologues ne faisaient que piller en toute légalité les trésors archéologiques d’un pays qui n’était pas le leur.
Lorsque l'on a dix-sept ans, on ne se soucie pas un instant des tracas de l'existence. On ne fait que rêver de liberté, d'amour tendre, et de plaisirs.
Lorsque l'on a dix-sept ans, et que l'on est fille d'un Duc puissant, l'insouciance peut disparaître brusquement, happée par la cruelle réalité qui transforme parfois nos vies en cauchemar.
Pendant ces quelques heures à l’extérieur, face à une cible, Eleanor avait appris à oublier ce qui l’entourait, à faire abstraction de son environnement pour se recentrer sur soi. Elle ne le savait pas à l’époque, mais cette capacité allait lui être bien utile pendant ses longues années de mariage.
Mais ils avaient une vision des choses étonnantes, et pour eux, rien n’était plus important que la famille. Il n’y avait pas de faux semblants, pas de protocoles, mais le plaisir de vivre ensemble, de rire, de se marier, d’avoir des enfants et enfin de mourir, l’esprit en paix.
Ils furent bientôt rejoint par Crowley et les deux hommes se saluèrent avec civilité, sans réelle amitié. Ils étaient bien trop différents et venaient de deux mondes totalement opposés, qui ne se comprenaient pas vraiment, pas encore du moins.
Il lui agrippa soudain les cheveux et tira légèrement vers l'arrière afin de pouvoir plonger son regard dans le sien
- Est-ce encore une manœuvre pour humilier votre mari ?
- Non. Mon mari n'a et n'aura plus rien à voir avec ce que je fais. Disons simplement que c'est un fantasme de la jeune fille que j'ai été.
- J'aime mieux cela...
Il la souleva brusquement dans ses bras et la porta jusqu'à la chambre. Un grand sourire sur le visage, Eleanor passa les bras autour de sa nuque. [...] Crowley la déposa, ouvrit la porte de la chambre et lui laissa le passage. Elle fit quelques pas et s'arrêta au milieu de la pièce.
Eleanor aurait presque souri si elle n’était pas encore autant en colère. Parfois, elle se demandait s’il n’avait pas une double personnalité. Il pouvait se montrer aussi charmant qu’horripilant, aussi blessant que prévenant.
Je suis professeur avant, réplique l'Allemand en haussant les épaules. J'ai dédié ma vie à l'enseignement. Transmettre est pour moi bien plus important que tout le reste, y compris votre appartenance à la gent féminine.