Il existe un nombre illimité de façons de perdre les êtres qui constituent le matériau de notre vie. Parfois le changement est lent, intérieur, presqu’invisible, de telle sorte qu’on ne remarque pas avant des années que l’autre est parti depuis une demi-décennie. Parfois la personne à laquelle on s’est attaché se transforme si radicalement qu’on a l’impression qu’elle est morte, entièrement remplacée par quelqu’un d’autre.
(p.54)
… Il me dit, très sérieusement : « Saoule-toi Austin, tombe amoureux. Ce serait une tragédie de mourir et de découvrir que tu n’as pas pleinement tiré parti de ton corps. »
(p. 76)
Robert H. nous enseigna, m'enseigna, qu'absolument rien ne valait la peine si nous ne pouvions le transformer en art.
"L'art est une forme d'exploitation minière, disait-il. L'artiste est un genre de prospecteur qui cherche dans la terre l'argent étincelant de la signification."
Certaines scènes se gravent dans notre mémoire, déciderait Klara par la suite, des images qui apparaissent dans l’esprit quand on est assis dans une salle d’attente ou qu’on regarde par la fenêtre d’un train. Si elles sont assez puissantes, elles peuvent surgir dans votre cerveau quand vous faites l’amour, ou peut-être, mais personne ne le sait vraiment, quelques instants avant la mort. (Fides, p.375)
Chaque fois qu’elle lisait, il lui semblait tout à fait juste que le signe de ponctuation placé à la fin d’une question eût la forme d’un crochet destiné à prendre au piège une personne déterminée à passer son chemin, (p.124)
Ils ont tous cru, tout autant qu’ils étaient, qu’il y avait dans la guerre une idée romantique, une notion d’aventure. Ils voulaient que ce soit beau, noble, j’imagine. Ils ont trouvé à la place un enfer vivant sans rien qui ressemblait à la beauté ni à la noblesse. (Fides, p.417)
Les traits des personnes dont nous avons été proches et qui meurent, s’estompent un à un dans notre esprit jusqu’au moment où il n’en reste qu’un fragment, un regard, l’éclat de leur chevelure, quelques épisodes parfois tendres, parfois traumatisants [...] une fois qu’ils nous ont quitté, ils perdent leur substance, et malgré nos efforts nous ne pouvons les retenir… (p.407)
La maison, où elle avait grandi, n'avait pas toujours été vide. Autrefois elle avait abrité un père et une mère. Et un frère. Chacun avait laissé une trace de son passage dans une pièce ou dans l'autre: une pipe, des bretelles, un coffret à bijoux, un miroir de poche, une paire de bonnes chaussures du dimanche. Chacun avait laissé un message que Klara ne pouvait décrypter, des paroles dites, ou tues, ou prononcées avec colère. Chanun avait laissé une place vide autour de la table.
(…) cet homme persuadé que toute chose méritait ce qu’il appelait « la dignité d’une explication scientifique ». (p.113)
There was a story, a true if slightly embellished story, about how the Ontario village was given it's name, it's church, its brewery, its tavern, its gardens, its grottoes, its splendid indoor altars. How it acquired its hotel, its blacksmith's shop, its streets and roads, its tannery, its cemetery, its general store. This was a legend that appealed to fewer and fewer people in the depression of the early 1930s.