Elle s'appelle Francia après s'être appelée Ruben, là-bas, dans son pays, en Colombie. Devenue femme, Francia est prostituée au bois de Boulogne.
Dans son nouveau roman tout en justesse et en sensibilité, à travers ce personnage, Nancy Huston nous raconte le quotidien de la prostitution, entre larmes et espoirs.
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Dans chaque histoire d'amour fou il y a un tournant ; cela peut venir plus ou moins vite mais en général cela vient assez vite ; la plupart des couples ratent le tournant, dérapent, font un tonneau et vont s'écrabouiller contre le mur, les quatre roues en l'air.
La raison en est simple : contrairement à ce qu'on avait cru pendant les premières heures, les premiers jours, tout au plus les premiers mois de l'enchantement, l'autre ne vous a pas métamorphosé. Le mur contre lequel on s'écrase après le tournant, c'est le mur de soi. Soi-même : aussi méchant, mesquin et médiocre qu'auparavant. La guérison magique n'a pas eu lieu. Les plaies sont toujours là, les cauchemars recommencent. Et l'on en veut à l'autre de ce qu'on n'ait pas été refait à neuf ; de ce que l'amour n'ait pas résolu tous les problèmes de l'existence ; de ce que l'on ne se trouve pas en fin de compte au Paradis, mais bel et bien, comme d'habitude, sur Terre.
Personne n'a mis du Sens dans le monde, personne d'autre que nous.
Le Sens dépend de l'humain, et l'humain dépend du Sens.
Quand nous aurons disparu, même si notre soleil continue d'émettre lumière et chaleur, il n'y a aura plus de Sens nulle part. Aucune larme ne sera versée sur notre absence, aucune conclusion tirée quant à la signification de notre bref passage sur la planète Terre : cette signification prendra fin avec nous.
Une fois je me suis caché dans leur cave au fond d'une énorme boîte en carton et quand les cousins sont descendus je les ai entendus m'appeler "Randall ! Randall !" mais ma cachette était tellement bonne qu'ils ne mont pas trouvé et pour finir ils ont renoncé et sont sortis jouer au frisbee dans le jardin en m'oubliant complètement. Pendant ce temps j'étais encore dans la boîte, j'attendais, j'attendais et quand je suis sorti enfin j'étais frigorifié et ankylosé et, en me voyant, mes cousins n'ont même pas dit "Où étais-tu ? On t'a cherché partout !" J'étais blessé de ne pas leur avoir manqué et je me suis dit que la mort devait être comme ça : la vie continue tranquillement sans toi.
Oui, je le comprends maintenant : ça leur fait mal, aux hommes, pourtant maîtres du monde, de ne pouvoir maîtriser une partie si cruciale de leur anatomie ; ça les énerve qu'elle puisse se mettre au garde-à-vous alors qu'ils ne lui ont rien demandé, ou refuser d'esquisser le moindre mouvement quand ils en ont le plus urgemment besoin. D'où leur tendance à se cramponner aux choses qui demeurent rigides de façon fiable : fusils-mitrailleurs, médailles, attachés-cases, honneurs, doctrines.
Pour la pornographie comme pour l'industrie de la beauté, les chiffres laissent sans voix. En ce moment il existe plus de 4 millions de sites web pornographiques, comportant plus de 400 millions de pages (dont plus de la moitié américaine); l'âge moyen du premier contact avec la pornographie est de onze ans; 90% des enfants entre huit et seize ans ont vu de la pornographie en ligne en faisant leurs devoirs; 40 millions d'adultes états-uniens regardent régulièrement de la pornographie sur internet.
Entre 1992 et 2006 les bénéfices tirés de la vente de videos pornos aus USA sont passés de 1,60 à 3,62 milliards de dollars.
Les revenus annuels de l'industrie pornographique sont supérieurs à ceux, cumulés, de Microsoft, Google, Amazon, eBay, Yahoo! Apple, Netflix et EarthLink.
Que seules les guenons accouchent, mettant au monde des bébés tant mâles que femelles, les singes mâles s'en fichent comme de l'an quarante. Les mâles humains, en revanche, n'en reviennent pas, ne s'en remettent pas. Depuis la nuit des temps, ils scrutent, tripotent, ouvrent et referment, sculptent et dessinent le corps de la femelle pour comprendre non seulement comment ça se passe, cette histoire de gestation, mais de quel droit ou en quel honneur ils en sont exclus.
P'pa a une histoire drôle, c'est un homme pauvre qui s'installe tous les matins sur un banc devant un boui-boui parce que, même s'il ne peut pas s'acheter de petit déjeuner, il adore l'odeur du bacon en train de frire alors il reste là assis et le hume tout son saoul. Mais le patron du restaurant le remarque et au bout de quelques jours ça commence à lui taper sur les nerfs alors il sort avec une assiette en fer blanc et dit : "Il faudra payer tout le plaisir que vous a donné mon bacon". L'homme pauvre glisse une main dans sa poche, sort une pièce d'argent et la fait tomber dans l'assiette, ensuite il la ramasse et la remet dans sa poche. "Ce n'est pas ce que j'appelle payer !" dit le patron furieux, et l'homme pauvre lui dit en souriant : " Ca me paraît juste : moi j'ai l'odeur de votre bacon, vous avez le bruit de mon argent !"
Pendant le bénédicité il demande à Dieu de protéger père et mère et Lothar de l'ennemi et ça me gène parce qu'il y a sûrement des familles en Russie qui lui demandent de protéger leurs hommes de l'ennemi sauf que quand ils disent l'ennemi ils parlent de nous, et à l'église quand le prêtre dit qu'il faut prier pour Hitler je pense aux gens dans les églises russes qui prient pour leur Guide à eux et je peux imaginer le pauvre Dieu qui, là-haut dans les nuages, se prend la tête dans les mains et essaie de faire plaisir à tout le monde et se rend compte que ne c'est tout simplement pas possible.
Le roman aide à cristalliser le sens de la vie.
"Ce qu'il y a avec les grandes personnes, c'est qu'elles prennent toutes les décisions toutes seules et que les enfants n'y peuvent rien."