Chaque fois que vous plongez dans vos souvenirs, chaque fois que vous vous autorisez à éprouver du chagrin et chaque fois que vous pleurez, la bouteille se vide un peu. Et elle devient alors un peu moins lourde à porter.
Honnêtement, j'aurais préféré qu'ils nous donnent une épave. Quand je loue une voiture, j'aime mieux qu'elle soit tellement mal en point qu'il est impossible de savoir si c'est moi qui ai cabossé la carrosserie ou si elle l'était déjà avant.
On croise alors ces pauvres gens qui errent dans les rues en soliloquant, ou bien prostrés dans un coin, se balançant d’avant en arrière. Mais ces attaques de missiles V2 obligent surtout la grande majorité de la population à adopter une philosophie fataliste, car elle n’a pas d’autre choix. Personne ne semble pouvoir empêcher ces attaques, alors autant profiter de la vie tant qu’on le peut encore. C’est la consigne de l’époque.
Chaque personne porte en elle des souffrances et des drames qui lui sont propres. La notion de relativité n'existe pas dans le royaume de l'inconscient.
En cet instant, je n’étais qu’un infime grain de vie à qui l’on offrait cette chance formidable d’admirer l’immensité inexplicable de l’univers. La seule chose qui comptait, c’était la beauté insoutenable de ma réalité. Le bonheur d’être présente ici pour vivre tout cela.
Le plus drôle, c’était sa réaction s’il la touchait, parce que parce que Scott était très tactile, du genre à vous toucher constamment le bras quand il vous parlait ou à vous ébouriffer les cheveux en passant. Mais quand Scott touchait Zoé, qui avait horreur des contacts physiques, elle poussait un cri perçant, comme s’il lui causait une décharge électrique. Si elle était debout à ce moment-là, elle reculait d’un bon. On en plaisantait souvent, Scott et moi. Il tendait le bras pour me toucher du bout du doigt, et moi, je me jetais contre le mur comme s’il m’avait envoyé un coup de rayon phaser avant de mourir à grand bruit, recroquevillé sur le tapis du salon.
- Tu as été Zoéfier ! me disait-il.
Si les femmes dirigeaient le monde à la place des hommes, la ménopause ne serait plus un sujet tabou et elles seraient toutes mieux armées pour vivre ce grand changement.
En l’occurrence, à l’exception des blagues narquoises sur les bouffées de chaleur (si seulement il ne s’agissait que de ça !), rien ne l’avait préparée à l’ampleur des bouleversements liés à la ménopause. Pour elle, pas une bouffée de chaleur en vue mais un chambardement total de presque toutes ses fonctions corporelles, la sensation de se dessécher à la manière de ces poissons vendus sur les étals des marchés asiatiques.
Le problème, c'est qu'elle ne s'est jamais donné la peine de se fixer un but dans la vie.Si elle avait pris le temps , elle aurait au moins eu la satisfaction d'en avoir atteint quelques uns.
Ce qu'elle sait, c'est que chacun ici reçoit son lot de malheurs et qu'il ne sert à rien de les partager, qu'en parler ne fait qu'alourdir le fardeau des autres.
Les gosses, ils absorbent tant de temps, d’efforts et d’argent. Mais le principal, c’est l’amour. Bien sûr, personne ne vous apprend jamais quoi faire de tout cet amour une fois qu’ils s’en vont. Personne ne vous explique comment vous en sortir en leur présence, quinze heures par jours, se réduit comme peau de chagrin à un coup de fil de dix minutes le dimanche (avec de la chance) et à une visite de deux jours à Noël.