Les idées émancipatrices portées par un Poullain de La Barre, un Diderot ou un Condorcet mettront encore du temps à s'imposer dans les consciences et dans la loi. Le Code civil napoléonien privera les femmes de toute sorte d'autonomie et les frappera d'incapacité juridique. A l'ère postrévolutionnaire, le clivage social majeur ne sépare plus une aristocratie dotée de tous les privilèges et un peuple opprimé , mais des mâles élevés au rang de citoyens libres et égaux et une masse silencieuse de femmes toujours privées d'éducation, reléguées dans la sphère domestique et vouées à leur "destin biologique" de reproductrices.
... il est possible que ce thème recouvre une réalité beaucoup plus complexe à analyser : celle de la détresse morale et spirituelle de l'homme contemporain, parfois livré à l'anomie identitaire, sociale et sexuelle absolue, celle dans laquelle se morfondent les personnages des romans de Philip Roth, de Michel Houellebecq ou encore, de David Lodge.
(Par exemple"Portnoy et son complexe" de Philip Roth, "Thérapie" de David Lodge et "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq)
Nos représentations du féminin et du masculin sont encore très imprégnées d’une construction culturelle des sexes venue du fond des âges.
Qui plus est, ce mythe du guerrier n’est pas seulement coercitif, il est également discriminatoire : il a nourri des politiques violemment homophobes, il est à l’origine de la xénophobie, du racisme, du fascisme, de l’impérialisme, du mépris de classe et de toutes les formes d’exploitation et d’anéantissement de l’homme par l’homme.
Aimons nous un être pour ce qu'ilest ou pour ce qu'il représente socialement?
Rousseau répond sans ambage à cette question, en dénonçant la perversiond e nos désirs par l'amour propre, qui nous jette dans les bras de ceux qui nous valorisent aux yeux du monde: "l'homme sociable toujours hors de lui ne sait vivre que dans l'opinion des autres et c'est, pour ainsi dire, de leur seul jugement qu'il tire le sentiment de sa propre existence. entre moi et mon objet d'amour, un troisiéme terme s'insinue et altère ma liberté de choix: le regard d'autrui, un regards pesant et discriminant, qui m'invite à n'aimer une personne que si les autres la juge aimable. ... Non pas que je considére autrui comme un meilleur juge que moimême , mais ce que je désire par dessus tout, c'est que les autres désirent ce que je posséde.
Le rire est donc tout sauf insignifiant : il est au cœur des jeux de séduction, d'influence et de pouvoir. Nous avons vu qu'il opérait à la fois comme outil de différenciation sociale et comme arme stratégique de domination, notamment dans le monde du travail. Examinons maintenant une dimension plus politique du processus d'inclusion/exclusion par le rire: sa dimension ethno-raciale. Le rire participe en effet de la construction des identités nationales ou ethniques en fédérant les individus à travers des plaisanteries communes qui dévalorisent d'autres nations, d'autres ethnies ou d'autres "races" . Dis-moi avec qui tu ris et de qui tu ris, et je te dirai d'où tu viens.
L'idéal viril ne se définit pas tant par l'exercice de la puissance que par la haine de l'impuissance. Il se pourrait même qu'au fond des conduites les plus agressivement viriles il y ait, davantage que la passion de la victoire, la hantise primordiale de la défaite - guerrière, sportive, professionnelle ou sexuelle. C'est ce qui expliquerait que la virilité, vertu vulnérable et fragile, ait toujours besoin de se "régénérer" en ressuscitant les modèles du chasseur, du chevalier et du guerrier, parfois de manière caricaturale en confondant virilité et violence sadique...
La virilité est tombée dans son propre piège, un piège que l'homme, en voulant y enfermer la femme, s'est tendu à lui-même. En faisant du mythe de la supériorité mâle le fondement de l'ordre social, politique, religieux, économique et sexuel, en valorisant la force, le goût du pouvoir, l'appétit de conquête et l'instinct guerrier, il a justifié et organisé l'asservissement des femmes, mais il s'est aussi condamné à réprimer ses émotions, à redouter l'impuissance et à honnir l'effémination, tout en cultivant le goût de la violence et de la mort héroïque.
À la différence de la bête, l'homme est capable de se dénaturer, de renverser le cours naturel des choses, pour le meilleur – la culture – ou pour le pire – la barbarie.
Selon Descartes, ... à la différence de la passion, l'amour raisonnable résulte d'un acte volontaire de l'âme, pleinement consciente des qualités de ce qu'elle aime. J'aime cette personne, parce que je lui trouve des mérites qui la rendent digne d'être aimée.
Spinoza ne partage pas cette conception volontariste de l'amour. Nos goûts amoureux ne sont pas libres, mais résultent d'un enchaînement causal rigoureusement déterminé, dont nous voyons les effets mais ignorons les mécanismes obscurs.[...] Qu'est ce qu'aimer pour Spinoza? C'est ressentir de la joie à l'idée que l'être aimé existe