Le soir même, jour de carnaval à La Nouvelle-Orléans, les brass bands font une large place à Motörhead, aux Cramps et au Gun Club à leurs côtés, pour assaisonner le silence qui a envahi les rues de Crescent City. Les Black Indians ouvrent le cortège, les brass bands jouent Ace of Spades en version mardi-gras avant que le rouleau compresseur Cramps-Gun Club-Motörhead n'enrobe la ville du son purificateur.
— Lemmy, vous n'avez pas fait dans la demi-mesure. En guise de rééquilibrage du son, votre méthode a sème un désordre considérable. C'est partout l'alerte générale. Vous nous avez fourré dans un sacré pétrin.
— Monsieur le secrétaire d'état, la demi-mesure, ça n'a jamais été notre truc.
Chaque foyer est convié à jouer inlassablement Ace of Spades, volume à fond. Chaque structure accueillant du public est contrainte de diffuser l'album en boucle, à en déchirer les membranes des enceintes.
Emmené par Lemmy Kilmister, l'équipage du Motörhead pénètre dans le bureau du secrétaire d'état. Ils sont trois, à distance protocolaire du bureau en merisier. Lemmy au centre, à sa gauche Fast Eddie Clarke, à sa droite, Phil Animal Taylor. Mal rasés, chiffonnés, les trois semblent avoir dormi tout habillés après une bringue royale ; les bottes aux talons biseautés plantées dans la moquette du bureau à décor colonial, les bras ballants, ils saluent le secrétaire d'état et les militaires présents :
— Ça gaze les gars ?
— Bonjour messieurs, répond l'homme politique. Vous devinez tous la raison de votre présence ici, à cette heure si matinale.
Traditionnellement, le public des Thugs n'a jamais dansé. C'étaient des gens qui étaient scotchés et qui résistaient à la marée sonore qui les envahissaient.