Médusé, incapable de détourner les yeux de ce qui se passait à quelques mètres de moi, je me disais que le cinéma c'était magique parce qu'on pouvait mourir pendu comme pépé et être toujours vivant. Je me disais qu'en filmant les gens, on pouvait les faire vivre pour toujours et qu'il n'était plus nécessaire de les enterrer au cimetière. Pépé se balançait au bout de sa corde, mort et vivant à la fois. C'était vraiment étrange.
« C’est pépé qui un matin en a parlé le premier. Il l’a annoncé avec gourmandise sous le tilleul, au cours du petit-déjeuner, tandis qu’il prenait son deuxième café avec mémé, sans se douter une seconde de ce que ses paroles amusées allaient déclencher d’irréversible. Il n’avait pas encore commencé à bricoler dans la grange et s’attardait à lire le journal alors que, à peine levé, les cheveux en bataille, je déjeunais avec eux en silence.
Penché su les pages grandes ouvertes devant lui sur la table, les lunettes haut perchées sur son nez, il m’a dit :
- Écoute-ça Philémon, tiens-toi bien : ils vont tourner un film au village la semaine prochaine. Ça va durer trois jours. On aura tout vu ! »
« Daphné est donc arrivée.
Je l’ai aussitôt rejointe chez son grand-père et ça a été une joie confuse. Je me sentais timide tout à coup. Timide comme jamais. J’étais debout devant elle, elle était debout devant moi et, étrangement, il ne se passait rien. Je l’avais tellement attendue, tellement espérée que j’osais à peine croiser son regard tandis que, de son côté, elle essayait désespérément d’attraper le mien au vol comme un oiseau effarouché. Je n’osais rien dire. Aucune parole ne me venait à l’esprit quand d’ordinaire, dès que nous nous retrouvions en présence l’un de l’autre, il ne se passait pas cinq minutes avant que nous ne soyons repartis ensemble sur les chemins de l’été. »
Léonard pouvait être fier : pour la première fois, il venait de soigner un oiseau. Un oiseau bleu qu'il connaissait peut-être déjà...
L'oiseau était toujours blotti au creux de ses mains, comme dans un nid. Son coeur affolé battait contre ses paumes.
Du fond de mon lit , me retenant toujours d'uriner, serrant, s'il 'est permis de m'exprimer ainsi, les dents, je me disais qu'à partir du moment où, après avoir commencé à s'ébruiter, la nouvelle de ma métamorphose en phallus géant serait finalement rendue publique, il s'en suivrait nécessairement un affolement, un bouillonnement, un tonnerre, un véritable tremblement de terre médiatique planétaire, une déflagration, une éruption médiatique universelle irréfrénable à la quelle je ne voyais pas très bien comment j’aillais pouvoir échapper.
Les enfants firent leurs devoirs dehors, devant la maison, en compagnie de l'oiseau.
Le soleil déclinait.
Bientôt il ferait nuit.
Et qu'adviendrait-il alors ?
Où Homère allait-il passer la nuit ?
Il fallait s'attendre à tout.
Ce n'était pas parce qu'il était resté un jour qu'il resterait toujours...
Il apprit donc à se satisfaire de sa vie solitaire sur l'île, à l'aimer, à aimer son île tout simplement, malgré la solitude, à cause de sa solitude, , il ne le savait pas au juste, parce que la solitude était tout ce qui lui restait.
"Je dois vivre, vivre au mieux !"
C'était à peine s'il pouvaient encore se parler sans élever la voix tant le chant des cigales était assourdissant.