Lecture de Romain LUCAZEAU : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Quelques mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
Lassés, ils se réfugièrent dans la chevelure d’une comète, entre les débris de glace et les poussières ionisées par le vent de l’étoile centrale, petite et pâle.
Chaque civilisation croit bâtir pour l’éternité, mais, en fin de compte, il n’en reste plus rien, ou presque : des anomalies dans la composition de certaines roches, comme un ancien parfum flottant dans une pièce longtemps fermée…
Quel mortel n’avait un jour soupçonné, sous la fine couche de poésie et de beauté, sous la luxuriante nature et le foisonnement de la vie, sous les plaisirs des sens, derrière le joli ciel bleu d’une après-midi d’été, non pas la mort, mais bien pire ?
« Je demeurai des milliers d'années sans penser à ma véritable nature : un fossile vivant, une survivance.
« Aussi suis-je comme ce jardin, comme ces bosquets où nous nous promenons. Au fond, à l'intérieur, vous ne trouveriez qu'une vieille chose desséchée, un cadavre, incapable d'émerveillement. Car le charme du monde réside dans l'ignorance et la découverte, l'exploration, le désir.
Les peuples entrent en guerre, car ils ont le sentiment qu'une injustice a été commise et doit être réparée. Oui, dès l'ère la plus primitive, le scandale moral constitue un levier puissant pour faire couler le sang. Telle parcelle de l'univers, d'un champ, d'une montagne ou d'un astéroïde, me revient de droit, car j'étais là en premier, car je suis le plus nécessiteux, le meilleur, le plus noble ! Ou alors un trésor quelconque, un spécimen fécond à été enlevé, un totem souillé ... et, pire que tout, la dynamique destructrice, faite de vengeances et de violence réciproques, s'enclenche, indéfinie. Je suis sur que votre histoire fourmille de tels incidents.
"Voilà ce que je veux. Pas pour moi, pour mon peuple. Le savoir, la connaissance. Et avec cela, le pouvoir, car les deux vont de pair.
_Le pouvoir de faire quoi ?
_Eh bien, fit-il avec une mine stupéfaite, comme si la réponse allait de soi: de terrasser mes ennemis, de maîtriser la nature, d'offrir l'abondance aux miens et de faire de ces terres, tout autour, un plaisant jardin.
_La véritable connaissance, répondit-elle, est incompatible avec un tel projet. Celui qui sait ne fait surtout rien. La vérité du monde demeure cachée à la plupart, car elle est insupportable à la vie."
Tout change, tout meurt. Même les dieux du cosmos, même cet Observateur. Le sens de la vie ne réside pas dans la durée, mais dans l'intensité.
Il voyait la tranquille immobilité des lieux, au même titre que les étoiles au-dessus de lui, comme un contrepoint au mouvement perpétuel de l'extérieur : une indication du caractère éphémère de sa propre race, de sa faiblesse et de sa médiocrité.
"Venez avec moi, recherchons ensemble le péril et la mort, auxquels nous échapperons une dernière fois, peut-être, ou pas. Mais, à tout le moins, nous aurons vécu avec plus de fougue, d'intensité, qu'en tant de longues années de ronronnement domestique. Je ne désire rien d'autre, aller plus loin, beaucoup plus loin, qu'en tous les voyages entrepris par les miens."
L’histoire de la connaissance suivait néanmoins, cahin-caha, la route du dépouillement. Il fallait abandonner la couleur et l’odeur, la texture et le bruit, en faire des qualités secondes d’une substance, les décrire en termes de longueur d’onde, processus chimique, ou structure de surface...