Il n’y avait pas de livres dans mon enfance, et ceux qu’on lit à l’école ne m’ont jamais donné envie de lire.
C’est à seize ans, quand j’ai ouvert C’est beau une ville la nuit de Richard Bohringer que j’ai compris qu’il existait des écrivains capables d’écrire comme des boxeurs ou des ivrognes. Au corps à corps avec les mots, en y laissant leur peau comme Vincent Van Gogh dans sa peinture. Parce que oui, je pense qu’on peut mourir de ne pas avoir les mots. A mes yeux, un écrivain est celui qui joue sa vie dans l’écriture. C’est en tout cas ce que m’ont appris Marguerite Duras, Antonin Artaud, Louis-Ferdinand Céline, Samuel Beckett ou Léo Ferré.
Extrait d'un entretien avec Stéphanie Joly, publié sur le site : Paris ci la culture
http://www.pariscilaculture.fr/2013/07/entretien-avec-sandrine-bourguignon/
Ça n'est pas rien, essayer d'être ensemble.
C'est parfois une montagne infranchissable.
Les fantômes les vampires partout qui menacent entre mes murs.
S'ils savent où je suis, s'ils ont mon adresse, je n'aurai plus de répit.
Je suis un colis en souffrance en transit dans les non-lieux les no man'sland.
Ma poste restante, c'est vous.
Ma seule adresse, c'est vous.
Est-ce que ça pourra te suffire, à toi l'enfant à venir ?
Juste le pire de nous deux.
C’est comme les miroirs, il faut toujours les piétiner si on veut garder un morceau de soi dans sa poche. Sinon l’image elle reste dans la glace et on repart sans personne.
On ne peut pas toujours les garder on aimerait bien mais on ne peut pas.
Tu comprends, qu'ils disent.
Et Claire ne comprend pas.
Elle n'admettra jamais qu'on les fasse sortir quand ils vont à peine mieux même pas bien. Elle voudrait qu'on les garde qu'on les couve.
S'il faut s'en séparer, qu'on s'en sépare quand ils sont guéris pas avant.
Consolidés, pas branlants chancelants fendus comme des copeaux.
Moi je m'en suis pris plein la houle, des rincées bien salées sur le pont. Je peux vous dire que ça n'a jamais soigné personne. La déferlante de vos lois comme des vagues scélérates. On nous fout la tête sous l'eau depuis des siècles mais moi je suis fort en apnée, vous ne me noierez pas comme un chaton au fond d'un sac de jute.
Je sais quand ça gîte.
J'avais treize ans la première fois, la mer complètement saoule avec sa gueule ouverte, qui vous crache dessus qui s'engouffre et vous fout des trempes.
La vorace une ogresse.
Si elle ne m'a pas avalé vous n'êtes pas prêt de m'engloutir.
Je viens du déluge et vos torrents de lois qui nous tabassent et nous régurgitent comme des arêtes coincées dans la gorge, c'est pacotille.
Vous ne voyez que mes œuvres mortes mais sous la surface la carène c'est du solide.
Elle prend conscience de ce qu'un animal domestique doit encaisser, endurer, ce qu'il reçoit du poids des âmes humaines, toutes ces émotions mal rangées qu’il a pour charge de porter , transporter, tout ce qui se loge en lui du dépôt sauvage de nos névroses.
Elle se dit qu’il est peut-être temps que la parenthèse du causse se referme, mais quelque chose persiste et résiste, insiste en elle. Elle reconnaît volontiers qu’elle et son chien n’ont pas plus de droits sur ce territoire que la pierre, le chêne ou la salamandre, mais pas moins non plus.
C'est à cela qu'elle pense.
Aucun être ni aucune chose ne vaut.
Ni plus. Ni moins.
Qu'une autre.
De gros flocons chutent et trois mésanges fauve et bleue se gèlent les miches sur une branche. Trois vies à vivre, menant la même lutte qu’elle contre le froid et le cours des choses, et face au paysage étonné et au chien ravi, Laure se dit qu’il est difficile de ne pas devenir animiste lorsque l’on vit fragilement au milieu du monde.