On ne se sert pas de ses poings pour défendre une cause, mais d’arguments !
Je n'ai pas été formée à ça. Je n'ai pas été formée à me protéger.
- Oh. C'est la N.
Je hausse un sourcil. Se rend-il compte de son impolitesse ? Mon stress laisse place à une grogne gutturale. Ce bonhomme ne me connaît pas, mais il va apprendre de quel bois je me chauffe. J'émets un borborygme incompréhensible et lève bien haut ma paume afin qu'elle soit visible de tous :
- C'est ça, c'est moi la N, ..., j'aimerais bien voir le conseil de l'Exode.
- Non ! Je vous rappelle que je me suis porté volontaire avant vous, parce que je considère que je peux me montrer utile autant qu'un N, et que les non-fertiles ne doivent pas être seuls à risquer leur vie.
J'en venais à être persuadée que si j'avais eu mon mot à dire, je n'aurais jamais voulu devenir mère. Je n'étais pas faite pour être enfermée à la maison, pour m'occuper de mon mari ou de ma progéniture. La vue des enfants des autres me procurait de l'urticaire, et du plus ancien que me revenaient mes souvenirs, je ne me rappelais pas avoir un jour envisagé d'avoir des enfants. Je souhaitais avant tout vivre ma vie à fond, partir loin des responsabilités, m'envoler au fin fond de la galaxie et ne devoir rien à personne...
Vous croyez vraiment que les vies du millier de N sont moins importantes que celles des F? Soyez honnête, vous sacrifierez vous pour des crétins qui se moquent de votre existence?
𝑳𝒆 𝒉𝒂𝒔𝒂𝒓𝒅 𝒏𝒆 𝒑𝒆𝒖𝒕 𝒇𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒂𝒖𝒔𝒔𝒊 𝒃𝒊𝒆𝒏 𝒍𝒆𝒔 𝒄𝒉𝒐𝒔𝒆𝒔. 𝑱𝒆 𝒏'𝒚 𝒄𝒓𝒐𝒊𝒔 𝒑𝒂𝒔. 𝑵𝒐𝒖𝒔 𝒔𝒐𝒎𝒎𝒆𝒔 𝒖𝒏 𝒕𝒐𝒖𝒕 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒄𝒆𝒕 𝒖𝒏𝒊𝒗𝒆𝒓𝒔, 𝒔𝒊 𝒍𝒆𝒔 𝒆𝒗𝒆𝒏𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒂𝒓𝒓𝒊𝒗𝒆𝒏𝒕, 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒒𝒖𝒆 𝒄𝒆𝒍𝒂 𝒅𝒆𝒗𝒂𝒊𝒕 𝒆𝒕𝒓𝒆.
𝑱’𝒂𝒊𝒎𝒆 𝒎𝒆𝒔 𝒏𝒆𝒗𝒆𝒖𝒙. 𝑴𝒂𝒊𝒔 𝒊𝒍𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒕 𝒍𝒆 𝒔𝒚𝒎𝒃𝒐𝒍𝒆 𝒅𝒆 𝒄𝒆 𝒒𝒖𝒆 𝒋’𝒂𝒖𝒓𝒂𝒊𝒔 𝒗𝒐𝒖𝒍𝒖 𝒆𝒕𝒓𝒆 𝒆𝒕 𝒅𝒆 𝒄𝒆 𝒔𝒖𝒓 𝒒𝒖𝒐𝒊 𝒋’𝒂𝒊 𝒅𝒖 𝒇𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒖𝒏 𝒅𝒆𝒖𝒊𝒍
Louis me montra un arc et des flèches:
- Je te l'avais promis!
J'étais gênée. J'avais oublié cette histoire. J'avais été intéressée lorsqu'il m'avait parlé de m'enseigner le tir à l'arc, mais je n'avais aucune expérience, et j'allais me ridiculiser devant lui. Il s'esclaffa, devenant mes pensées:
- Je vais te montrer!
Il se saisit des armes et visa. Il réussit son tir et me tendit l'arc que j'empoignai en pensant à mon épaule. Pouvais-je refuser ? En observant sa joie, je n'étais pas capable de m'y résoudre. Tendant le bras gauche en avant, je glissai la corde dans le pli de mon index. Louis, sans se départir de son sourire, guida mon bras:
- Plus haut... Non, tu ne t'y prends pas bien.
Il se glissa derrière moi, saisit d'une main ferme ma hanche et m'attira contre lui. Mon cœur s'accéléra. Je sentis son ventre gonflé au rythme de sa respiration lente et calme. Avions-nous déjà été si proches ? Il colla son visage au mien et murmura à mon oreille:
- Tu dois visualiser la cible.
Il tapota ma cuisse, je déglutis avec difficulté.
- Pieds parallèles, très bien.
Il glissa ses doigts sous mon aisselle et reprit:
- Relève ton épaule, non, ne te voûte pas.
Enfin, lorsqu'il pensa que j'étais prête, il me donna une flèche. Mais il ne s'éloigna pas pour autant. Il était si près que ses cheveux vinrent chatouiller ma nuque. Il fallait que cela cesse: ma flèche s'envola dans le mur. Je baissai l'arme en m'excusant :
- Ne t'en fais pas! c'est normal pour la première !
Alors, il insista. Sa présence contre moi était un frein à la concentration, mais il persista, se blottit, enveloppant mon corps du sien pour que je sente comment je devais m'y prendre. C'était une roue infernale, car plus je perdais, plus il me corrigeait et puis je sentais ses muscles se tendre autour de moi et les miens trembler de peur et d'excitation mêlées.
Mon dernier cours s'est terminé à 20 heures. Je quitte Manue à la faculté pour prendre le bus. Une pluie bretonne est apparue dans la journée. J'ai toujours aimé la pluie, je ne m'abrite donc pas, préférant observer le crachin former de petites perles sur mes cheveux bouclés.