Bienvenue sur la Purple Line, c'est quoi votre destination ? Il n'y a qu'une seule Ligne, celle du pays du smog et des djinns.
Derrière les contes et les légendes se cachent souvent des réalités plus terre-à-terre.
Ce qui nous est raconté à travers les aventures de 3 apprentis détectives en culottes courtes est comme une parabole de la réalité en Inde, celle de la disparation inexpliquée de centaines d'enfants sans que les pouvoirs en place ne s'en inquiètent, enfants des bidonvilles ou enfants des villages, souvent surnuméraires dans leurs familles en mal de travail, rackettées par les polices locales ou par les chefs de basti, parfois elles-mêmes maltraitantes ou simplement négligentes, rongées par l'alcool, la misère, le chômage, le travail forcené, le manque d'argent pour simplement subsister.
L'école publique offre aux plus jeunes un repas chaud permettant à certains d'échapper pour quelques heures au ventre creux.
Parmi ces écoliers (nous parlons ici de très jeunes pré-adolescents), certains n'ont finalement que des rêves au bout des doigts et ce sont ces doigts-là qui seront brisés tout au long de la Purple Line.
Nous sommes plongés à cent mille lieues sous la terre et dans le smog d'un univers parallèle très éloigné des Bollywood étoiles ou de Slumdog Millionaire.
Les discours très adultes sous-jacents aux propos du roman m'ont paru parfois en décalage avec ceux volontairement enfantins des jeunes héros, du moins tels que sans doute les a voulus, imaginés l'auteur pour coller à son histoire. Et ce pendant une grande partie du récit.
Il se dégage une candeur enfantine dans les aventures de ces 3 mini détectives, candeur vite rattrapée par la noirceur des disparitions inquiétantes d'abord celles de leurs camarades de classes ou de bati puis celles de jeunes femmes et toujours en rapport avec le trajet de la Purple Line ou du quartier qui l'entoure, coincé entre bidonville, dépotoir et résidences de luxe inaccessibles.
L'enquête devient petit à petit plus adulte et l'auteur soulève un à un plusieurs problèmes auxquels sont confrontés ces populations des batis indiens qui bien souvent ont à se battre contre la corruption policière, le manque d'emploi ou la surexploitation par les plus riches, l'inaction du gouvernement, les conflits entre castes hindoues et populations musulmanes dans une atmosphère où les plus courageux d'entre nous ne s'aventureraient pas sans désinfectant et triple masque.
Beaucoup de chaleur et de solidarité à l'intérieur de ces familles quand les circonstances le leur permettent. Les enfants n'y sont pas négligés volontairement, elles n'ont tout simplement pas le temps de s'en occuper brisées par le travail ou le chômage, les vicissitudes d'un quotidien que nous européens ne pouvons imaginer.
C'est leur réalité quotidienne et non celle d'un film.
Derrière tout le récit, on sent l'expérience journalistique de l'auteur, son envie de dénoncer les dysfonctionnements de son pays et dans l'éducation apportée aux jeunes et dans le traitement des cas de disparitions inexpliquées se multipliant en Inde, l'incompétence ou le désintérêt total des autorités que ce soit pour les tout jeunes enfants ou les jeunes adolescentes.
En résumé, des propos socio-politiques très adultes dans un récit de détectives en culottes courtes.
Le grand écart entre les deux est parfois limite et c'est sans doute ce décalage qui m'a détachée à plusieurs moments de l'histoire.
Les parties que j'ai trouvées les plus intéressantes sont celles concernant les récits de vie des victimes juste avant leur disparition par elles-mêmes, les réactions de leurs familles et aussi les quelques légendes qui agrémentent le récit.
Une lecture donc en demi-teinte en ce qui me concerne. Trop enfantin par moments, trop politisé à d'autres.
Ce premier roman a le mérite d'attirer notre attention sur les conditions de vie désastreuses des basti et des bidonvilles en Inde et sur le phénomène grandissant et inquiétant des disparitions d'enfants comme le rapporte l'auteure.
" En Inde, 180 enfants disparaissent tous les jours. J'ai écrit ce roman pour faire mentir l'idée selon laquelle ils sont réductibles à des statistiques. Je l'ai écrit pour nous rappeler que derrière les chiffres, il y a des visages."
— le narrateur de votre roman est un enfant. Pourquoi teniez-vous à raconter cette histoire du point de vue de quelqu'un de si jeune ?
— Je voulais écrire cette histoire ainsi, car les voix des enfants étaient absentes du discours officiel que l'on entendait à propos de ces disparitions.
J'ai entendu parler de quartiers où vingt à trente enfants avaient disparu en deux ou trois ans, et je me demandais ce que ça faisait d'être un enfant et de vivre dans de telles circonstances. Comment interprètent-ils la disparition de leurs amis ? Comment gèrent-ils la peur et l'insécurité ?
Quelles histoires se racontent-ils pour comprendre l'horreur qui les entoure ?
Dans «
Djinn Patrol on the Purple Line », je tente de répondre à ces questions grâce à la fiction.
Je voulais placer les enfants au coeur de l'histoire de ces disparitions, car leur récit était la plupart du temps occulté.
Les disparus de la Purple Line est sorti le 15 avril 2021 aux Presses de la Cité que je remercie (via NetGalley)