Entre deux offices, je rentrais dans une église. Je m'asseyais sur un banc. Je m'imprégnais de l'atmosphère. Les lumières des vitraux, les parfums de myrrhe, l'air plus épais, plus enveloppant, le silence surtout. (...) Plus tard, je me levais à peine plus léger et plongeais à nouveau dans la rumeur de la rue comme dans une rivière en crue.
Mettre des mots sur des maux. On lisait ça dans toutes les revues de psychologie. Tout le monde s'évertuait à vous faire cracher le morceau, vous encourageait à déballer votre intimité.
Je prenais les chemins les uns après les autres. Je les connaissais par coeur. Je longeais les lagunes, le canal. Je suivais la côte. J'étais parti vers l'ouest. On part toujours vers l'ouest.
Vers là où le soleil se meurt.
Bautista se tenait le buste bien droit, les mains posées l'une sur l'autre sur le plateau de son bureau comme Giscard s'apprêtant à dire au revoir aux Français en mai 1981.
Devant lui, l'étang bourbeux avait pris des teintes inattendues. Un mélange de sirop d'orgeat et de curaçao, relevé sur la crête des herbiers d'un zeste de citron vert.
Il était important de se laver les mains pour se débarrasser de la poussière du monde extérieur.
Depuis quelques jours, ils ne parlaient plus de canicule à la radio, car les nuits s'étaient légèrement rafraîchies, mais dans la journée, le soleil continuait de crépiter comme une ligne à haute tension et je ressentais toujours la même impression entêtante de désagrégation.
Malkovitch a croisé ses mains sur sa tête comme s'il s'apprêtait à traverser une rivière. Vu la grimace qu'il faisait, ce devait être un torrent de haute montagne.
Cindy est arrivée. Talons hauts, jupe cintrée, bustier rouge cerise, une rose dans les cheveux. Elle sortait tout droit d'un film de gangsters des années quarante ou plutôt d'un dessin animé de Tex Avery.
Malkovitch m'a examiné de la tête aux pieds avec un air presque condescendant, comme si j'étais un intrus, une anomalie dans sa vie, une tache de cambouis sur une robe de mariée.