Né d'entre les morts

Les langues, avides de créer leur propre mythologie, claquaient dès qu’un voyageur se présentait sur les terres de leur seigneur. Et bientôt des histoires fantastiques, pourtant encore bien éloignées de la réalité, naquirent les soirs de longue veillée. Aussi Tristan ne reçut-il que de rares visites. De la forêt arrivaient parfois quelques pauvres hères qui entraient dans l’inconscience sur les terres du “sorcier”. Bien souvent, ils s’étonnaient de l’accueil chaleureux du châtelain solitaire. Mais s’ils pouvaient se repaître d’un excellent repas et goûter la chaleur d’une couche, avant que la nuit fût achevée ils servaient de cobayes à ses terribles expériences.

La mère de Cornélia morte en couches, c’étaient ses sœurs, triplées odieusement semblables, qui s’étaient occupées de la petite fille. Bien sûr, elles l’avaient « sauvée » comme trop souvent elles s’étaient plu à le lui répéter. Elles lui avaient donné un toit, ouvert leurs six bras. Elles lui avaient offert une vie, mais fermé toute voie. Leurs langues si savantes avaient voulu étouffer la voix de l’enfant. Elles avaient même tenté de lui ravir son âme !

Il inventa des centaines de breuvages, apportant la jeunesse des traits et la force, mais entraînant aussi plusieurs effets secondaires : paralysie, oubli, cécité, disparition momentanée de l’odorat ou du goût ! Il les testa tous les uns après les autres sur lui-même ou sur les gens du voyage qui avaient eu le malheur de lui demander asile pour une nuit ou deux. Il prit tous les risques, faillit même perdre à plusieurs reprises la vie !

Il faut parfois accepter de ne plus rien comprendre.