AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782360543687
119 pages
Le Mot et le reste (20/04/2017)
5/5   4 notes
Résumé :
Luc Stablinski est un artiste émérite, lucide et heureux. Fils d'une mère qui a sacrifié sa carrière pour l'élever seule, mari de Marie, infirmière arborant une galaxie de taches de rousseur, et fils d'un père inconnu mais célèbre, il ne goûte guère au conformisme et accorde plus de crédit aux lois physiques qui encadrent la chute d'un corps qu'au concept de paternité. C'est à Calais que nous le rejoignons, là où il a rencontré Abraham, un réfugié érythréen, là où l... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Soixante-quinze mètresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
- Soixante-quinze mètres : la chute libre de Philippe Borsoï
Mètre par mètre, la chute d'un homme qui fait de sa mort une oeuvre d'art et de sa vie un livre où la chute est aussi une manière de s'élever à hauteur de l'amour.

Philippe Borsoï réussit le parfait assemblage entre récit intime et épopée fantasmée. D'une part parce qu'il utilise d'emblée une forme totalement maîtrisée. Je dirais comme un journal intime mais un journal où de nombreuses pages auraient été arrachées, pour laisser place à toute une série de morceaux choisis, un peu comme le fait spontanément la mémoire, choisissant, dans son for intérieur, un moment plutôt qu'un autre, un instantané, une émotion, plutôt que le récit global ou la simple anecdote.
D'autre part, c'est dans le contrepoint de la figure tutélaire de Rudolf Noureev qu'apparaît l'épique et la figure du père, sans cesse absent de là où il devrait être pour laisser grandir son art au-dedans de lui. Une forme d'égoïsme qui le mènera à un totalitarisme tout aussi prégnant que celui qu'il a fui, à l'image de la Russie soviétique. le père n'a cessé de fuir : son pays, ses femmes, ses amants, un enfant né quelque part dans l'ivresse du hasard, à Paris, et qui deviendra le narrateur de ce happening en forme de performance. Car comme le dit l'écrivain il s'agit d'être happé, il s'agit de perforer l'instant, qui fait partie de la grande et de la petite histoire, du moins le temps d'une chute, et c'est ce qui est très réussi dans ce livre.
Pour ce qui est du titre, vous comprendrez aisément qu'il s'agit d'une altitude, d'un voyage, d'une odyssée à travers l'espace et le temps, matière trouée par le passage d'un homme qui établit scientifiquement sa chute avant de l'entreprendre. Car, attention, il ne s'agit pas d'un suicide mais d'une oeuvre d'art ! Pas n'importe quel lieu, pas n'importe quel moment, pas n'importe quel prétexte.
Le lieu, tout d'abord : chargé d'histoire, celle qu'on lit dans les livres mais aussi l'histoire contemporaine, celle dont on nous rebat les oreilles dans les médias mais dont on ne sait finalement que peu de choses. Nous sommes non loin de Calais, au Cap blanc nez, tout près de la fameuse « Jungle », dont on apprendra d'ailleurs l'origine du nom usité par les migrants qui y affluent de tous bords. Ainsi paraîtra l'ami : Abraham, qui sera compagnon de joie de l'artiste juste avant de mourir. Un ami qui lui ouvrira les portes de l'instant, rythmant de ce fameux moment présent une vie toute empesée par le furieux désir d'en finir avec ses démons.
Pas n'importe quel moment puisque c'est le jour de son trente-troisième anniversaire que Luc Stablinski, héros de cette histoire en chute libre, décide d'être le narrateur scrupuleux de sa propre mort, en direct, sans filet. Une chute aussi vertigineuse, c'est un peu comme plonger au coeur du miroir et s'il est bien dangereux de se pencher au-dedans, cela donne une mémoire où la nostalgie se fait la part belle, où l'on voit défiler le film de sa vie. Tantôt avec des scènes en couleurs (les souvenirs de Luc avec sa femme Marie, à qui il ne donnera pas d'enfant mais dont il connaît pourtant par coeur le corps, fait de ces mille et une taches de rousseurs qui sont autant de souvenirs égrainés), tantôt avec des scènes en noir et blanc (les souvenirs de Stablinski, à Paris, avec sa mère qui a tout sacrifié pour faire semblant de vivre avec son fils, tels qu'ils auraient dû vivre, dans la volupté d'un certain luxe).
Pas n'importe quel prétexte non plus puisque l'amour semble être le seul moteur du héros. L'amour de son père, qu'il n'a pas eu, et celui de sa mère, démesuré, qui aboutissent finalement à une même forme d'égoïsme où l'on ne vit que pour soi, sans se réaliser vraiment. Aimer, d'un simple geste envers l'autre, par le regard porté, par la parole donnée. Alors, on sent dès les premières touches impressionnistes de ce livre (où l'on pense parfois à des tableaux du dix-neuvième siècle) que la quête du héros, dans sa chute millimétrée, au bout de ce précipice de soixante-quinze mètres, n'est autre que de rencontrer le fracas de l'amour total.

Lisez la chronique sur Benzine Mag

Dionys Décrevel
Benzine Mag 15 janvier 2019
Commenter  J’apprécie          30
Quel plaisir de lecture que de lire un livre de Philippe Borsoï.
D'abord parce que son écriture est de qualité et ensuite parce que c'est le troisième livre que je lis de l'auteur.
Après la lecture de "Debout" et "Apnées", je viens de lire "Soixante-quinze mètres" dont on m'avait conseillé la lecture. C'est chose faite.
Le livre est construit en 75 chapitres où le héros du livre Luc Stablinski, plasticien heureux, nous entraîne dans sa chute...
Le talent de Philippe Borsoï est de nous amener tout au long du livre à réfléchir sur l'amour et l'héritage affectif.
La plume est fluide, le style imparable, un livre : savoureux !
Vous avez compris, à mettre dans votre P.A.L et à lire surtout.
Commenter  J’apprécie          100
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Que les choses soient claires, je n’ai aucune preuve formelle de ce que j’avance. Sachez cependant qu’à l’époque où Maman a dû faire l’amour au moins une fois, un homme hantait les coulisses de l’Opéra Garnier ; un monstre sacré envoûtait le public et dévorait les jeunes danseurs. L’Étoile était un homosexuel notoire, pourtant cela ne l’aurait pas empêché de cueillir (certes, à de très rares occasions) une ou deux jeunes danseuses prometteuses. Maman ne m’en a jamais rien dit. Certains matins, lorsque ses yeux étaient boursouflés de chagrin, j’ai bien tenté d’aborder le sujet. Elle se refermait alors comme la belle-de-nuit, vous savez cette fleur qui, parce qu’elle craint la lumière du jour, se recroqueville dans le noir de l’oubli. Je n’ai pas su lui parler, mais j’ai appris à lire dans le tourment de ses yeux — j’y ai reconnu mon père.
Un an plus tard, le 1er septembre 1983, Jack Lang, ministre de la Culture, nomma Rudolf Noureev à la direction du ballet national de l’Opéra de Paris ; le 15 septembre de la même année, le jour de mon premier anniversaire, Maman quitta définitivement le prestigieux corps de ballet.
Commenter  J’apprécie          30
Regarde, pour éviter qu'on soit reconnu et reconduit vers le pays où on a été identifié la première foi, on fait disparaître nos empreintes digitales. Moi, je les ponce, je les brûle, mais elles réapparaissent lorsque l'épiderme se reconstitue, sans arrêt, à l'identique. Pour nos destins c'est pareil, les commerçants seront toujours des commerçants, les riches toujours des riches, les pauvres toujours des pauvres. Générations après générations, nous restons ce que sommes. Nous pouvons bien tout effacer, tout réapparaît - inévitablement, éternellement.
Commenter  J’apprécie          60
Nos petits-déjeuners (souvent des brunchs de onze heures trente), nous les prenions au rez-de-chaussée, dans la salle à manger qui, comme le reste de l’hôtel, sentait l’encens d’église. C’était notre cérémonie à nous, notre rituel quotidien. Nous nous regar-dions sans rien dire, nous laissions les doux questionnements éclore de nos cervelles endormies. Et lorsque le regard de Maman finissait par me faire frémir, je lui posais la question : « À quoi tu penses ? » À chaque fois elle me répondait : « À la même chose que toi, mon Petit Luc. » Puis sa bouche ondulait, gracieuse. Elle dessi-nait une frontière entre sa lèvre supérieure rieuse et sa lèvre infé-rieure boudeuse, entre l’infinie beauté et l’infinie tristesse, une ligne si fine, si fragile, que Maman resplendissait soudain d’un sourire qui me subjuguait. Je sais maintenant qu’elle savait que je voulais qu’elle soit immortelle.
Commenter  J’apprécie          30
Altitude 75
Ça y est, je l’ai fait. J’ai fait le pas. J’ai mis un pied
devant l’autre et me voici dans les airs. J’avoue
qu’avant de me laisser tomber, lorsque j’étais encore
debout au bord de la falaise, les talons sur la terre
ferme, les orteils dans le vide, j’ai regardé en bas
et j’ai eu le vertige. J’ai failli renoncer. Mais ça va
mieux. Beaucoup mieux, même. J’ai eu le trac,
c’est tout.
Commenter  J’apprécie          30
On se méfiait quand on me voyait rentrer dans le bar accompagné d'un noir balafré de grandes cicatrices, mais nous finissions toujours par être les bienvenus dans l'établissement. Faute de montrer patte blanche, je présentais carte bleue.
Commenter  J’apprécie          40

autres livres classés : paternitéVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (4) Voir plus




{* *}