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Citations sur Le Rouge et le Blanc (15)

Après la mort soudaine et tragique du camarade Staline, une guerre larvée pour la succession du «Petit Père des Peuples» s'était déclarée entre les enfants nés de la Révolution. Beria, l’inflexible, Beria, le redoutable et redouté Beria s'était mué en un farouche partisan de la clémence, interrompant brutalement la formidable avancée qui était en marche et les faisant reculer de vingt ans en à peine deux mois alors même qu'ils touchaient au but tant désiré, que la société sans classes apparaissait enfin à l'horizon. L'infâme parjure avait suspendu tous les grands travaux engagés par le camarade Staline, accordé une amnistie à plus d’un million de saboteurs et de cafards encore en rééducation dans les camps du Goulag, placé cet ensemble concentrationnaire d'utilité publique et morale sous le contrôle du ministère de la Justice et osé blasphémer en récusant sa prétendue rentabilité économique. Le seul point honorable de ce laxisme honteux passible a minima d’une balle dans la nuque tenait à l'abandon des persécutions mises en œuvre contre les médecins juifs des dignitaires de l’État soviétique et, au-delà, contre les juifs de l'URSS en général. p. 461
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Ivan se leva brusquement et, d'un pas nerveux, arpenta son bureau de long en large. La mort de Lénine avait ouvert une période de turbulences invisibles aux yeux du profane. Une lutte sans pitié avait débuté entre Staline et Trotski dans les plus hauts sommets des institutions soviétiques. Jour après jour, le Parti se fissurait davantage. Une guerre sourde se déployait, menaçant de fracturer la société russe et de réveiller le spectre d'une guerre civile qui signifierait l’implosion irrémédiable de la Révolution.
Ivan se figea. Le regard dans le vide, il suivait l’enchaînement logique des rapports de force en présence. À chaque fois, le résultat était rigoureusement le même: Trotski serait éliminé, et ses soutiens avec lui. C'était inévitable, et surtout nécessaire. p. 241
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Alexeï traversa un pays encore plus décharné que lors de son long périple pour rallier les troupes de Dénikine deux ans auparavant.
Les paysages d'apocalypse et les charniers se succédaient les uns aux autres dans une monotonie funèbre. Partout, le même chapelet de villes et de villages fantômes, pillés, saccagés ou incendiés; partout les mêmes tableaux d'exécutions massives dont les dépouilles avaient été abandonnées en des tas de chairs putréfiées à même le sol ou dans des fosses hâtivement creusées et laissées à ciel ouvert; partout, la même litanie de corps mutilés, violés, éventrés, brûlés vifs; partout, les mêmes silhouettes spectrales d'enfants affamés en quête de charognes à ronger pour ne pas mourir, solitaires ou en meutes, chancelant sur la peau pendante de leurs jambes maigres, le ventre gonflé et harcelé par la faim, le visage fané dans des figures de vieillards prématurés, le regard éteint, creux, comme excavé de leurs yeux. p. 188
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Ivan ne bougeait plus. Dans son dos, il sentait l'attention obscène des autres rivée sur lui. Il prit une profonde inspiration et se retourna. D'un pas déterminé, il se porta à la hauteur de ses parents, tendit son bras et tira une balle dans la nuque de sa mère et une autre dans celle de son père. Les corps d’Ekaterina et de Vladimir s'affalèrent sur Le sol blanc dans un bruit sourd et ouaté. p. 149
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le communisme élève l’humanité en l’arrachant à la nature, à la biologie, aux liens du sang.
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Rester vivant signifiait tuer. Bataille après bataille, l’âme scarifiée par l’assassinat de ses parents par la main de son propre frère, une soif inextinguible de sang avait gagné ses entrailles.
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Josef, ton avis?
— La mort résout tous les problèmes. Pas d'hommes, pas de problèmes.
— Nous ne pouvons pas tous les tuer ! s'exclama Lénine.
— Pourquoi pas?», répondit Staline.
Après un instant de flottement, tous rirent de plus belle à cette perspective.
« Cette Assemblée était une mauvaise idée, fulmina Trotski. Un parti qui n’aspire pas à prendre le pouvoir ne vaut rien ! Nous allons nous en débarrasser. »
Tous acquiescèrent.
« Félix, dit Lénine, attends nos ordres. » Il se leva et vint se planter devant les trois jeunes recrues de
Dzerinski « L'un d’entre vous a-t-il déjà tué un homme ? » Seul Kolya leva le bras.
« La mort d’un homme est une tragédie, dit Staline. La mort de millions d'hommes est une statistique. » Un sourire terrible fendit le visage de Lénine. « Et les tchékistes sont appelés à devenir les meilleurs statisticiens du monde. p. 135
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Alexeï referma le journal et laissa son regard se perdre dans a perspective Nevski à travers les fenêtres du salon.
Ivan avait dit vrai. Le coup d’État du général Kornilov n'aurait jamais pu être évité sans les bolcheviks. Grâce au nombre de leurs partisans, les cheminots avaient dévié et bloqué les trains emmenant les bataillons vers la capitale. En parallèle, des émissaires des soviets ouvriers et de la garnison révolutionnaire s'étaient rendus auprès des soldats de la ville et les avaient convaincus de rester fidèles au gouvernement provisoire. Isolées, noyautées de toute part, les forces de Kornilov s'étaient désagrégées, la menace s'était éteinte sans effusion de sang. Et depuis, les bolcheviks étaient armés.
Ivan avait aussi eu raison sur les conséquences de cet événement. Kerenski ne contrôlait plus rien. À l’image du soviet de Petrograd, désormais présidé par Trotski, les bolcheviks dominaient l'ensemble des soviets du pays, tant dans les grandes agglomérations que dans les campagnes. Les moujiks, lassés d'attendre les mesures agraires sans cesse repoussées dans l’expectative brumeuse de la convocation d'une Assemblée constituante, avaient pris leur destin en main. Ils avaient procédé au partage des terres, allant jusqu'à brûler les propriétés des maîtres récalcitrants et à assassiner sauvagement leurs anciens oppresseurs. Lorsque la nouvelle était parvenue sur les lignes de front, les conscrits, majoritairement d'origine paysanne, avaient commencé à déserter pour rentrer dans leur village natal et participer à ce mouvement. Et au-delà, aux frontières de l’Empire, les populations allogènes s'étaient mobilisées lors d’un Congrès des peuples à Kiev, en Ukraine, afin d'obtenir plus d'indépendance. p. 118
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(Les premières pages du livre)
PRÉLUDE
LES ESPOIRS DU CRÉPUSCULE
Le soleil déclinait doucement dans le ciel. Sa luminosité ricochait sur la surface de l’eau en un clapotis de larmes d’or tremblantes. Ses rayons frappaient de leurs reflets cuivrés une demeure laissée à l’abandon, rongée par la végétation et le sel du temps. Du pied de l’un des murs d’enceinte, entaillé de quelques pierres effondrées, montaient des éclats de rire.
Deux jeunes garçons escaladaient cette paroi grumeleuse, aux prises rendues instables par les touffes de mousse glissantes et les veinules de lierre irrégulières. Leur respiration saccadée trahissait une rivalité entêtée derrière leur amusement apparent.
« Gagné ! », s’écria le plus âgé en s’asseyant sur le rebord tant convoité.
« Non, c’est moi ! », hurla son concurrent, installé de l’autre côté de la brèche balafrant la fortification.
Alexeï se tourna vers son frère qui le toisait avec hostilité.
« Ivan, tu sais très bien que je suis arrivé le premier. »
À tout juste 15 ans, Alexeï était habitué à déminer l’impétuosité volcanique de son cadet. Blond, les iris d’un bleu arctique, la peau pâle et les traits typiquement slaves, il avait la physionomie racée et élancée de leur père, Vladimir Piotrovitch Narychkine. Il tenait également de lui un esprit agile, capable d’englober et de relier des questions complexes sans lien manifeste, ainsi qu’un tempérament avenant, souple et conciliant, mais fier, ferme et intraitable lorsqu’on touchait aux principes libéraux ou aux valeurs d’honneur auxquelles il croyait.
« Tu mens, comme tous les capitalistes de ton espèce ! », fulmina Ivan.
Du haut de ses 13 ans, il ne s’en laissait pas conter par son aîné. Brun, les sourcils broussailleux surplombant des yeux noirs, le teint blafard, presque maladif, il tenait plus de leur mère ukrainienne, Ekaterina Viktorovna Narychkine, tant pour le physique que pour le caractère tourmenté. Doté d’une intelligence effervescente et d’une capacité d’abstraction précoce, lecteur insatiable depuis sa plus tendre enfance, il épuisait à la manière d’un acide chaque sujet auquel il s’attaquait jusqu’à ce qu’il l’ait excavé de part en part. D’une nature révoltée, il était farouchement enclin aux idées radicales issues des pensées anarchistes et marxistes, un rebelle à sa classe, en opposition constante au progressisme libéral de son père et de son frère qu’il jugeait « petit bourgeois ».
Alexeï sourit face à l’argument outrageusement politique d’Ivan en la circonstance.
« Le capitalisme n’a rien à voir avec ma victoire, sauf si on considère qu’il est le meilleur des systèmes. »
Ivan ricana entre ses dents.
« Tu as vraiment la morgue de tous ceux que nous voulons détruire. »
Alexeï s’agaça.
« “Nous” ? Parce que tu crois que ton amitié avec Kolya suffit à faire de toi un membre de la classe ouvrière ? »
Ivan s’apprêtait à réagir avec virulence lorsqu’une voix féminine le devança.
« Aliocha, laisse mon frère hors de vos disputes. »
Perchée sur une branche au-dessus d’eux, ils découvrirent avec stupeur Natalia, leur sœur de lait, fille de leur njanja1 adorée dont ils avaient partagé la tendresse et les bontés.
« Et toi, Ivanka, cesse de croire que tu n’es pas le fruit de ta race. Jamais tu ne travailleras à l’usine comme Kolya ou à labourer les champs comme mon père.
— Qu’est-ce que tu en sais ? maugréa Ivan. Lorsque nous aurons fait la révolution et que la société sans classes aura triomphé…
— Arrête un peu avec tes chimères de “Grand Soir” et tes sermons révolutionnaires, le coupa Alexeï, tu es pire qu’un pope ! »
Natalia éclata de rire et les entraîna dans son hilarité. Âgée de 14 ans, brune, le teint diaphane hérité de sa mère, le regard vert d’eau pétillant de vivacité et d’espièglerie, elle avait le don de les diviser ou de les réconcilier, c’était selon son humeur. Fille d’Olena Anatolievna Lishenko, la gouvernante d’origine allemande de leurs parents, et d’Anton Petrovitch Lishenko, le métayer géorgien qui gérait les terres de la datcha en leur absence, elle avait été élevée à leurs côtés dans une égalité quasi fraternelle, bénéficiant dans sa prime jeunesse des cours dispensés par les précepteurs d’Alexeï et Ivan où elle avait manifesté de réelles capacités intellectuelles, notamment pour les langues. D’un naturel impétueux et d’une âme passionnée, brûlante comme de la glace, elle était aussi imprévisible dans ses réactions qu’excessive dans ses fureurs et ses attachements.
« De toute façon, reprit-elle, c’est moi qui suis arrivée la première, et plus haut que vous, vous avez donc perdu tous les deux. Par conséquent, je n’embrasserai ni l’un ni l’autre. »
Ils baissèrent la tête avec dépit.
« Et ne profitez pas de votre position d’infériorité, qui est celle que vous méritez, pour loucher sur ma culotte. »
Alexeï et Ivan levèrent les yeux et aperçurent à leur grand enchantement l’éclat du tissu blanc entre les cuisses nues de Natalia. Elle demeura quelques secondes ainsi, à les fixer d’un air narquois et provocant, avant de serrer les jambes et de ramener sa robe sous ses fesses.
« N’en rêvez même pas. »
Les deux garçons échangèrent un coup d’œil goguenard et complice.
« Ce n’est pas la première fois qu’on la voit, ni que tu nous la montres d’ailleurs, répliqua Ivan.
— On t’a même vue sans à maintes reprises, quand on prenait le bain tous les trois », ajouta Alexeï.
Natalia resta un long moment silencieuse, puis répondit :
« Nous étions innocents alors. Nous avons changé. Tout change.
— Sauf Ivanka, il est toujours aussi petit ! », plaisanta Alexeï en esquissant un geste amical que son benjamin contra d’un réflexe brusque.
Natalia soupira, soudainement grave.
« Je suis sérieuse. Le monde que nous avons connu va disparaître.
— Et c’est tant mieux, commenta Alexeï. Il est temps que la société russe entre enfin dans le progrès et la modernité.
— Je suis d’accord avec toi, acquiesça Ivan, il est plus que temps que la révolution fasse voler en éclats toutes ces structures archaïques.
— Ce n’est pas le sens que je donne au progrès et à la modernité, précisa Alexeï.
— Je sais, répondit Ivan, mais c’est le mien.
— Ça suffit tous les deux, les rabroua Natalia, vous gâchez la beauté du lieu et du moment. »
Ils se turent et conservèrent une attitude contemplative.
« Tout cela va me manquer, dit Natalia.
— Tu vas adorer Saint-Pétersbourg, répliqua Alexeï d’un ton rassurant, tout est possible dans cette ville.
— Pas pour elle, trancha Ivan.
— Si, argumenta Alexeï, quand notre père et ses amis auront réussi à faire de la Russie un pays moderne, alors quiconque pourra s’élever par son mérite, quelle que soit son origine.
— Dans votre monde, objecta Ivan, il ne cessera jamais d’y avoir des dominants et des dominés, des exploiteurs et des exploités. Seule la société sans classes permettra d’éradiquer réellement les inégalités liées à la naissance. »
Natalia coupa court à leur querelle en descendant de sa branche.
« Je préfère profiter d’être ici plutôt que de vous écouter vous crêper les idées comme des chipies. On va se baigner ? »
Les deux frères la dévisagèrent avec une expression éberluée.
« C’est que… je… enfin…, bredouilla Ivan en cherchant l’appui de son aîné.
— On n’a pas ce qu’il faut avec nous… », compléta Alexeï.
Natalia les considéra tour à tour.
« Qui vous parle de ça ? »
Alors qu’elle parvenait en bas du mur, elle lança négligemment :
« J’ai toujours aimé nager sans rien. »
Elle s’éloignait d’un pas guilleret quand elle fit subitement volte-face.
« Bien évidemment, le premier dans l’eau aura un baiser. »
Et elle reprit sa marche en sautillant.
Alexeï et Ivan restaient bouche bée tandis qu’elle serpentait avec facétie entre les arbres en direction du rivage. Ils ne s’étaient plus retrouvés nus en sa présence depuis qu’ils avaient commencé leur mue vers l’âge adulte. Cette pudeur n’était pourtant pas dans leur caractère. Ils étaient de vrais Russes, élevés dans le culte du corps naturel et de la force physique, habitués à la nudité collective des douches et des dortoirs du pensionnat ; mais pas avec Natalia, dont les seins saillaient sous l’étoffe de ses robes et dont le sexe devait se dissimuler sous un buisson de poils pubiens légèrement frisés. Ivan était le plus en proie à cette timidité embarrassée, lui dont les transformations anatomiques n’en étaient qu’aux balbutiements en comparaison de la masculinité déjà affirmée de son frère.
Il croisa les prunelles brillantes d’Alexeï et, sans s’être consultés, ils dévalèrent les pierres éboulées les séparant du sol pour courir à toute bride vers la mer Baltique. Dans leur précipitation, ils jetaient à la diable leurs habits dans les broussailles et les futaies. Après avoir dépassé Natalia sans ralentir leur allure effrénée, ils retirèrent leurs derniers sous-vêtements et plongèrent en même temps dans l’onde fraîche.
En émergeant des flots, ils se regardèrent, incapables de se départager de manière certaine. Ils se retournèrent vers la terre ferme à la recherche de Natalia et de son verdict. Celle-ci les observait en riant à gorge déployée de les voir trempés dans leur plus simple appareil au milieu de l’immensité aqueuse. D’un air badin, elle ramassa leurs pantalons et leurs culottes.
Alexeï et Ivan comprirent instantanément quel tour elle était en train de leur jouer. Les mains sur leur sexe, ils essayèrent tant bien que mal de la rejoindre pour l’empêcher de mettre son projet à exécution.
Malheureusement, le temps qu’ils claudiquent ainsi, Natalia avait pris la poudre d’escampette.
*
Le profil altier d’Ekaterina passait de la cuisine au perron, de la salle de réception aux différents salons, précisant là une instruction, corrigeant ici l’agencement d’un bouquet. Élancée, la peau et le teint blanc porcelaine d’où saillait parfois le fin liseré vert pâle de ses veines, les yeux et les cheveux noir d’encre, d’un caractère à fleur de nerf, l’humeur fragile, sans cesse prête à basculer dans une euphorie excessiv
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Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre.
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