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EAN : 9782080243270
224 pages
Flammarion (25/08/2021)
4.03/5   32 notes
Résumé :
« La Chine n’est plus communiste » : la rumeur s’est répandue, comme une évidence. Mais ne serait-ce pas le plus grand malentendu de notre époque ?
Que lire après Rouge vif, l'idéal communiste chinois: L'idéal communiste chinoisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Introduction :

Il y a deux ans, j'ai lu Dictature 2.0 de Kai STRITTMATER qui traité de la politique chinoise à l'intérieur du pays – IA, politique de l'oubli... – et ses rapports avec l'extérieur. Mais dans mon souvenir la question communiste avait été écartée du sujet, on était plus dans la pratique du pouvoir et les effets sur le peuple chinois (dans mon souvenir). Avec ce livre d'Alice EKMAN je complète les informations à laquelle cette lecture ancienne m'avait initiée. La question chinoise va certes être abordée dans la pratique, mais ici le propos va surtout se recadrer sur le communisme. Car la question se pose : si prospère, si inégalitaire, si puissante, la Chine est-elle encore communiste ? Si oui, dans quel état se trouve le communiste ? Comment se manifeste-t-il ? C'est à toutes ces questions qu'Alice EKMAN spécialiste de la Chine va répondre.

Toujours communiste ?

Actuellement, vue de l'Occident la Chine paraît plus capitaliste que communiste. Cette richesse qu'elle brasse et étale à la face du monde, peut en effet faire penser qu'il y a eu un basculement idéologique dans cette dictature, surtout que le communisme n'est pas réputé pour créer de la richesse. Contrairement au capitalisme. Pourtant, chose étrange et comme Alice EKMAN va nous le montrer, la Chine est bel et bien toujours communiste aujourd'hui. Et ce, grâce à sa merveilleuse capacité d'adapter les principes communistes à la spécificité chinoise et à l'époque, - ce qui lui permit d'embrasser le capitalisme sans se dédire.

Et si comme moi vous pensiez que la Chine était plus dictatoriale que communiste, détrompez-vous. Car en effet ici, il ne s'agit pas d'un petit communisme creux, de façade, avec vue de l'étranger un parti unique ; non, il s'agit bien d'un véritable communisme où tout est cadré au millimètre près, et où les vieilles pratiques n'ont pas disparu.
En fait, pour être plus précise, je devrais quand même dire que depuis Xi Jinping il y a un sursaut du communisme en Chine. En effet, l'autrice va nous montrer à quel point dans les discours de Xi Jinping, qui fait généreusement référence à Marx ou encore à Mao, cette idéologie est encore présente dans la ligne politique chinoise et bien plus depuis l'avènement du dictateur. Et ce, tant pour commander le pays, que pour parler du monde.

« Xi Jinping lui-même revendique cette inspiration de plusieurs façons, en faisant notamment référence, dans ses discours les plus importants, aux grands évènements et mouvement directement liés à Mao Zedong, tels que la Longue Marche des années 1934-1935 ou le mouvement des Cent Fleurs :
“Il faut suivre les principes suivants ; servir le peuple et le socialisme ; « que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent » ; et réaliser une transformation créative et un développement innovant, pour assurer un nouveau rayonnement splendide de la culture chinoise.”
[…]
Non seulement la Chine d'aujourd'hui puise ses influences et repères dans des évènements clés du maoïsme, mais elle se réclame également, haut et fort, du marxisme. Depuis 2013, on a pu entendre Xi Jinping employer un langage marxiste-léniniste et des expressions inspirées de la guerre froide, communément employées par Mao Zedong, telles que « forces occidentales hostiles », « dictature démocratique du peuple » ou encore « ligne de masse », qui fut le tire d'un chapitre du Petit Livre rouge. » Pages 16-17

Quelles pratiques ?

Mais loin de s'arrêter aux mots, dans la pratique l'idéologie communiste chinoise est encore très présente. Et d'autant plus présente, depuis le tour de vis de Xi Jinping sur le pays.
En effet, depuis l'arrivée de l'actuel président chinois au pouvoir, l'emprise idéologique se fait plus présente et violente au sein de la population. Séances d'autocritique à répétition, obligation d'apprendre les discours de Xi Jinping, réduction du champ de recherche en sciences sociales par exemple, emprisonnement non justifié… Alice EKMAN va nous montrer que pas un domaine, qu'il soit politique, éducatif ou encore syndical n'échappe à ce rappel de l'histoire. A cette présence extrêmement pesante et dangereuse, qui se permet toutes les dérives et manipulations.

« Au-delà du recadrage des cadres, la violence contre les dissidents s'est renforcée. En juillet 2017, le dissident chinois Liu Xiabo est mort d'un cancer, après avoir purgé huit ans de prison, pour cause d' « incitation à la subversion du pouvoir de l'Etat ». Se sont en parallèle généralisées ces dernières années les pratiques de « confession télévisées » et excuses forcées de dissidents ou personnes considérés comme menaçant la stabilité politique. Ainsi le journaliste Wang Xialou est-il contraint à avouer en août 2015 à la télévision publique être responsable du krach boursier du pays à l'été 2015 à cause de la rédaction d'un article, ou encore, en juin 2016, Lin Zuluan, chef élu du village de Wukan, symbole démocratique en Chine, contraint de confesser l'acceptation de pot-de-vin. […] » pp. 87-88

Chine, le monde, les limites

Maintenant qu'il est établi que le communisme chinois n'est pas encore mort, et vivra encore des beaux (mais tristes) jours en Chine, reste à voir à présent la Chine dans le monde. Je retiens de ma lointaine lecture du livre Dictature 2.0 que la Chine investissait beaucoup en Afrique, et cherchait notamment à mettre en place le même système de surveillance là-bas. Ici, l'autrice va nous montrer comment la Chine voit le monde et cherche à investir le monde, afin de proposer une autre voie qui s'opposerait aux idéaux Occidentaux.

Un peu plus haut, nous l'avons vu dans le court extrait, la Chine possède encore une vision binaire du monde et la violence qui va avec. Cela étant, le monde n'étant qu'un vaste terrain de jeu à conquérir, la Chine communiste vise l'hégémonie, y compris dans le monde Occidental. Pour cela elle y met les moyens, (deuxième puissance économique mondiale elle peut se le permettre). C'est ainsi qu'elle offre aux futures élites étrangères de demain, des formations qui apprennent tout de la gestion chinoise en politique, tout comme son pendant Occidental le fait au demeurant. Pour renforcer son aura à l'étranger et développer son économie, elle développe également ce que l'on appelle : les nouvelles routes de la soie.

En parallèle à ces manoeuvres politique et économique, et les moyens aidant, l'empire autrefois céleste ne se retient plus non plus de critiquer le monde Occidental sur tous les points qui font horreur à cette dictature et qui, selon elle, déstabilisent les pays. Grèves, dictature du peuple pour dénoncer la démocratie, immigration massive, attentats… ce pays ne rate pas une occasion d'ouvrir sa grande bouche pour critiquer l'Occident. Et bien que le bonheur de son peuple ne soit pas sa priorité comme l'indique la critique du droit de grève, l'exploitation des travailleurs et les disparités entre chinois, on ne va cependant pas se mentir. Ce pays a raison sur les nuisances que provoquent l'immigration massive et les attentats, et les faiblesses que cela révèle.

Toutefois, et même si ces parties du livre étaient fort intéressantes, j'aurais aimé qu'Alice EKMAN mette en avant les limites de tous ces projets. Elle établit parfaitement les objectifs de la politique chinoise : « promouvoir à l'étranger un système politique et économiquement alternatif au libéralisme, et inspiré de son propre système. » p. 159. Cependant, j'aurai aimé découvrir - plus que deviner - les limites qu'elle peut rencontrer avec ces peuples différents du sien. L'autrice dit que le communisme peut être perçu comme une religion, en tout cas il est sûr que cette idéologie politique est très dogmatique, de fait j'aurai aimé savoir jusqu'à quel point elle peut s'insinuer dans les politiques étrangères sans rencontrer d'obstacle. En clair, qu'est-ce qui ferait que le projet pourrait foirer ? Les peuples refuser cette mainmise? Par exemple, en Afrique on se doute que l'instabilité politique ou encore la religion seraient des limites, mais qu'à t-il encore d'autres qui pourrait faire obstacle ? Et de quelle manière ? Et qu'est-ce qui est pensé par le gouvernement chinois pour passer dessus ? La Chine connaît-elle ses limites à l'étranger ? de toutes ces choses, j'aurai aimé en découvrir un peu plus, mais peut-être que l'on ne dispose pas de ces données.

Mais puisque je parle des limites, qu'elles sont-elles en Chine ? A lire ce lire cet avis, on pourrait penser que la Chine est toute puissante et écrase son peuple. Pourtant Alice EKMAN va mettre en avant les barrières que le régime communiste dresse contre lui-même et qui pourrait à terme jouer contre elle. Il y a cet exemple cité un peu plus haut, qui touche les domaines de la recherche et de la culture, où seuls les sujets utiles au parti sont appréciés. Tuant ainsi dans l'oeuf toutes innovations et biaisant également les approches, puisqu'il y a obligation d'utiliser les mots-clés du parti et sa pensée.

« Ainsi, un enseignant-chercheur en littérature en fin de carrière, spécialiste de la poésie chinoise prérévolutionnaire, a été contraint d'abandonner ce sujet « inutile » pour se pencher sur la gouvernance des mégapoles culturelles, projet d'état financé par la municipalité où sont implantés son université et plusieurs ministères. » p .111

Mais plus ahurissant, les limites touchent également la pratique politique. Outre la haine des cadres écartés par le renforcement des contrôles idéologiques, notons l'hermétisme imposé entre les différents domaines politiques et qui rend difficile pour les politiciens de prendre en compte la réalité du terrain. Ajoutons à cela, la lassitude et la fatigue qui s'emparent des chinois qui perdent leur temps à apprendre des discours, à faire des réunions, à s'autocritiquer, etc. pour faire plaisir au gros dieu chinois.

Loin de se cantonner à l'intérieur du pays, les limites dressées par le parti se retrouvent également dans la politique internationale. Comme l'atteste l'anecdote sur Interpole, où le chinois à sa tête a subitement disparu car ne respectant pas la discipline du PCC. Cette histoire montrant ainsi les conflits d'intérêts entre la politique internationale et la politique intérieure chinoise. La Chine ne pouvant pas non plus commander au monde et agir dans le monde comme elle entend…

« Dans ce contexte, certaines décisions prises par le gouvernement chinois apparaissent contradictoires, voire contre-productives par rapport à l'objectif initial de renforcer l'efficacité et l'influence de la diplomatie chinoise. Par exemple, la diplomatie chinoise avait déployé un fort activisme pour obtenir la présidence d'Interpol. Cet activisme, efficace, avait été couronné de succès en novembre 2016 par l'élection de Meng Hongwei : pour la première fois en Chine présidait cette organisation de coopération policière, basée à Lyon. Mais en septembre 2018, Meng Hongwei est portée disparu, et réapparaîtra plus tard en détention en chine – accusé d'être coupable de « graves violations » de la discipline du PCC. » p. 206

Bref. Comme on le voit la Chine n'est pas exempte de faiblesse et de bêtise.

Conclusion

En résumé, c'était un livre très agréable et facile à lire. On apprend beaucoup, l'autrice développe correctement son propos, et se penche tant sur la politique extérieure qu'intérieure. Elle nous montre tout ce qui fait la puissance de cette idéologie et de ce pays, ainsi que les clefs pour la comprendre et aussi ses limites. Elle nous rappelle également - et c'est important -, que même sans Xi Jinping (que tu aimerais bien voir mort comme Poutine) le communisme en Chine est là encore pour longtemps. Il y a du souci à se faire. Mais chaque dirigeant chinois peut être différent du précédent.
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Alors que le capitalisme libéral et mondialisé a atteint un développement inégalé dans le monde, est ce que la Chine Populaire est, comme semble l'affirmer le nom du pays, un état "communiste" ? Voici la question à laquelle cherche à répondre cet essai écrit par Alice Ekman.

Au premier abord, la question peut paraître intéressante. Nombreux sont ceux qui affirment que la Chine, avec son processus d'ouverture et de libéralisation, a abandonné le socialisme pour devenir un simple pays autoritaire, couvert d'une teinte rouge purement folklorique permettant de donner une certaine légitimité au gouvernement. Cet essai, qui se présente comme issu de longues recherches sur la Chine ainsi que d'échanges informels avec d'innombrables diplomates, étudiants et autorités chinoises, vise à démontrer que la Chine reste, en 2022, un pays communiste.

Le sujet étant vaste, il est donc regrettable que cet ouvrage se limite à lister, de façon très scolaire, des points superficiels qui selon l'auteure font de la Chine un Etat clairement communiste, et qui pour la plupart relèvent uniquement de la sémiologie : les dirigeants chinois citent Marx, Engels et Lénine, le PCC est au pouvoir, le gouvernement affiche le "socialisme" comme objectif à moyen terme, etc... Bref : ils se réclament du communisme, ils sont donc communistes. Il est facile de constater les limites de cette méthode.

Bien que les citations des cadres chinois sur le marxisme (comme par exemple "La Chine est un Etat socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et fondé sur l'alliance des ouvriers et des paysans.", ou encore les commentaires de Xi Jinping sur la "science du marxisme-léninisme") puissent surprendre le français moyen, dont la connaissance sur la Chine se résume à ce qui en est dit dans les médias occidentaux, une simple recherche Google permet d'avoir accès aux discours sur YouTube de Xi Jinping, où l'on retrouve cette rhétorique marxiste. Nul besoin de recherches approfondies afin de retrouver ces éléments de discours, qui sont même affichés sur la chaîne en anglais de la Chine (CGTN).

Afin de compléter ces propos l'auteure cite quelques autres points qui selon elle relèvent du "communisme". Certains ont quelque fondement (par exemple la terre est collectivisée, la Chine se considère comme "représentante" des pays en développement depuis l'ère Mao, il y a une part importante de paysans et d'ouvriers au sein du parti,...), mais d'autres relèvent d'avantage du fantasme libéral et anti-communiste : le parti voudrait "contrôler tous les aspects de la vie quotidienne de ses habitants" (les dégâts de 1984 dans la psyché libérale sont réellement sans limites), utilise "l'art et la culture" pour renforcer le marxisme-léninisme (comme si cela était une caractéristique particulière du communisme), et présente des éléments caractéristiques de l'héritage "soviétique et maoïste" (qui visiblement pour l'auteure se résument à une autoritarisme couleur "rouge vif").

Après lecture de l'ouvrage, difficile de retrouver les recherches détaillées sur le système chinois qui auraient était faites, et peu de traces des entretiens informels avec les ressortissants chinois, qui pourtant se seraient avérés extrêmement enrichissants (par exemple on apprend que selon un cadre du parti "Xi Jinping serait un mauvais communiste", sans plus de détails. Pourquoi s'arrêter là ?). La question "Est ce que la Chine est encore communiste ?" a finalement peu d'importance, et est impossible à répondre. Il aurait été plus intéressant d'explorer ce que signifie le communisme pour la population chinoise, et comment les communistes chinois arrivent à concilier les nombreuses contradictions internes de leur système.

Cet essai rend difficile de douter que le gouvernement chinois est composé de marxistes convaincus, qui ont pour objectif le développement d'une nation socialiste. Mais comment ce développement se présente, d'un point de vue matériel et pratique, n'est pas abordé : on se limite à répéter que la Chine cherche à développer ses "forces productives", et que ceci permettrait à terme de réaliser la transition vers un système socialiste. Pourtant, parmi les nombreuses citations du Président chinois présentes dans l'ouvrage on retrouve l'idée, martelée sans cesse, de l'importance de la pratique au sein du marxisme ainsi que la nécessité d'adapter les théories aux conditions matérielles et historiques particulières de la Chine. Peut-être aurait il fallu prendre plus au sérieux ces paroles lors de l'écriture de l'ouvrage ...



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Lorsque la Chine s'ouvre économiquement sous Deng Xiaoping à la fin des années 1970, nombreuses sont les interrogations sur le passage à plus ou moins long terme d'une Chine communiste à une économie de marché. À l'heure où l'on se demande si la Chine est communiste, Alice Ekman dans son ouvrage Rouge vif : l'idéal communiste chinois explique et détaille quelles sont les caractéristiques du communisme chinois qui a tendance à se renforcer dans le pays, et ses conséquences sur la politique étrangère du pays.

La Chine est-elle encore communiste ?
« La Chine n'est plus communiste », voilà le point d'entrée d'Alice Ekman pour lancer son ouvrage. Tout au long de son ouvrage, elle s'attache à démontrer le contraire. Malgré l'ouverture économique et libérale (maîtrisée et contrôlée) de la Chine sous Deng Xiaoping dans les années 1970, la Chine n'est pas une économie de marché selon les standards des États-Unis et de l'Union Européenne. Pis encore, elle a tendance à se fermer. Alice Ekman démontre à travers dix constats que la Chine de Xi Jinping est communiste, et qu'elle l'est de plus en plus. Elle s'attache à mettre en avant les héritages soviétiques d'abord notamment dans son modèle de fonctionnement : parti centralisé et unique, intervention massive de l'État dans une économie planifiée, et enfin des fonctionnaires, des entreprises et une population contrôlés et embrigadés au quotidien. Ces héritages se retrouvent dans la communication officielle d'une Chine qui ne cache pas sa couleur politique : les grandes figures telles que Marx, Lénine, Staline et Mao inspirent et sont fêtées notamment à l'occasion du 200e anniversaire de Karl Marx fêté le 4 mai 2018 dans tout le pays. À l'étranger, les fonctionnaires chinois affichent faucille et marteau sur leur carte de parti tandis que trône au sein des assemblées un drapeau au fond rouge révolutionnaire et aux cinq étoiles d'une population dirigée par un parti unique.

Un communisme dictant la politique étrangère chinoise
En effet, Xi Jinping verrouille son pouvoir et celui du parti dans une Chine qui change. Depuis l'ouverture économique, les inégalités se sont fortement accrues, le chômage des jeunes explosent, les coûts de l'éducation sont beaucoup plus élevés tandis qu'il y a un manque de services notamment pour les plus âgés. Toute cette dynamique entre dans celle d'un redéploiement de l'économie chinoise : le modèle de croissance fondé sur les exportations et les investissements est supplanté par un modèle qui s'appuie sur la consommation intérieure et la limitation des dépenses publiques. La Chine a confiance en son système qu'elle décrit comme une « économie socialiste aux caractéristiques chinoises » qui la pousse au rang de 2e puissance mondiale économique en valeur absolue, résistante même à la crise des subprimes de 2008. Cette foi en son économie et la foi de Xi Jinping au communisme dicte ses stratégies à l'étranger, teintées de pragmatisme. C'est bien là les dernières parties développées par Alice Ekman. La Chine renforce sa position diplomatique à l'étranger par la constitution de grands forums réunissant nombre de pays émergents. Elle y investit énormément tant dans leur économie que dans la formation de leurs diplomates. La Chine se constitue un cercle d'amis car elle se veut un fer de lance contre les « forces hostiles occidentales » (Xi Jinping) et emploie une méthode de riposte systématique : à chaque critique occidentale contre la Chine, celle-ci réplique sur un dossier tout aussi important – comme les droits de l'Homme. le constat d'une Chine encore communiste à l'intérieur du pays explique pour Alice Ekman sa stratégie à l'étranger. Il n'est plus question de soutenir les révolutions rouges mais de faire briller une « solution chinoise » comme modèle de référence et de marginaliser le capitalisme. de fait, la Chine se présente en concurrente directe à la première puissance mondiale, les États-Unis, dont la confrontation polarise le monde entre ces deux entités, résurgence de la guerre froide ? À ce sujet, Pierre Grosser en posait la question dans son ouvrage intitulé L'autre guerre froide : la confrontation États-Unis / Chine (CNRS, mars 2023).

Mon avis : un livre simple, clair et accessible
Ce livre d'Alice Ekman est très enrichissant. D'abord, il est vraiment accessible pour tout profane de la Chine de Xi Jinping car l'écriture est claire, parcourue d'exemples précis et notables. Régulièrement, le livre se répète aidant à retenir les principaux axes. Cela s'explique par l'idée que le livre d'Alice Ekman peut se parcourir d'un chapitre à un autre, qu'il ne nécessite pas une lecture linéaire. En effet, la grande introduction se présente pour l'auteure comme déjà un résumé synthétique de son oeuvre : les plus pressés pourront ne pas le lire entièrement et avoir à l'esprit les principaux arguments de la chercheuse. Pour les plus pointilleux, 10 chapitres relativement courts se succèdent pour démontrer point par point les caractéristiques communistes de la Chine de Xi Jinping. Enfin, des parties sur les conséquences à l'intérieur du parti, dans la diplomatie chinoise et dans le monde du renforcement communiste fabriquent la deuxième moitié du livre. Un ouvrage qu'il faut classer dans sa bibliothèque si vous souhaitez parcourir la Chine contemporaine et ses dynamiques actuelles.




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Cette dernière année, on a beaucoup entendu parler de la Chine et du covid, mais il y a aussi tous les autres aspects dont les médias parlent de temps en temps (certains plus des pandas, d'autres axent leurs infos sur la détention des Ouïghours ou encore de la surveillance totale des Chinois par caméras voire du développement de la 5G mais aussi de la disparition du jour au lendemain de Chinois qu'ils soient scientifiques, hommes d'affaires ou lanceurs d'alerte).

Alors quand j'ai vu ce livre, je me suis dit qu'une fois encore la tentation était trop forte, il me fallait lire cette analyse géopolitique pour mieux connaître ce pays.

Et je n'ai décidément pas été déçue puisque l'auteur dévoile certains pans méconnus de la Chine .
J'ai ainsi découvert que Xi Jinping prononce régulièrement des discours au contenu étonnant tels que : "La Chine est un Etat socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et fondé sur l'alliance des ouvriers et des paysans.".
Mais il a aussi ouvert "la chasse aux mouches et aux tigres", référence à l'opération d'envergure menée contre la corruption. Quand le lecteur sait que cela a notamment débouché sur la disparition du patron chinois d'Interpol Meng Hongwei, on est probablement en droit de se demander si Xi Jinping balaie correctement le palier de ses palais.
Ce livre m'a également permis de découvrir que la Chine est lancée dans une opération d'envergure de séduction des pays en manque de technologie, qui ne veulent plus avoir un lien de dépendance avec les anciens colonisateurs ou qui ont encore quelques traces de communisme dans leur quotidien, le but est bien de devenir le leader mondial de l'alliance pour remplacer les USA. Les Russes n'ont d'ailleurs pas manqué le coche puisqu'en manque de moyens financiers, ils ont décidé de dépecer l'Arctique avec les Chinois.
Quand on assemble toutes les pièces du puzzle, celui qui s'intéresse à la géopolitique ne peut s'empêcher de se demander si on n'assiste pas à un changement d'idéologie de politique globale en train de s'installer durablement.
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Intéressante remise en ligne droite de la politique chinoise, nul doute après cette lecture : le communisme est plus que jamais présent et bien vivace en République Populaire de Chine. L'auteure démontre de manière convaincante qu'il en est ainsi et que le vernis capitaliste d'aujourd'hui n'est qu'un détour vers un communisme sauveur du monde et bien supérieur à toute autre forme politique. C'est clair, bien écrit, argumenté et finalement questionnant. L'auteure, spécialiste de la Chine, réussi sont pari : elle parvient à ébranler nos bien naïve convictions.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Xi Jinping lui-même revendique cette inspiration de plusieurs façons, en faisant notamment référence, dans ses discours les plus importants, aux grands évènements et mouvement directement liés à Mao Zedong, tels que la Longue Marche des années 1934-1935 ou le mouvement des Cent Fleurs :

“Il faut suivre les principes suivants ; servir le peuple et le socialisme ; « que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » ; et réaliser une transformation créative et un développement innovant, pour assurer un nouveau rayonnement splendide de la culture chinoise.”

[…]
Non seulement la Chine d’aujourd’hui puise ses influences et repères dans des évènements clés du maoïsme, mais elle se réclame également, haut et fort, du marxisme. Depuis 2013, on a pu entendre Xi Jinping employer un langage marxiste-léniniste et des expressions inspirées de la guerre froide, communément employées par Mao Zedong, telles que « forces occidentales hostiles », « dictature démocratique du peuple » ou encore « ligne de masse », qui fut le tire d’un chapitre du Petit Livre rouge.

pages 16-17
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Vidéo de Alice Ekman
Au début du mois d'octobre, l'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire [IRSEM] publiait un rapport sur les opérations d'influences chinoises, sous-titré "un moment machiavélien". Cette référence directe au "Prince" de Machiavel permet de résumer un double constat : si la Chine continue ses opérations de séduction à travers le monde, elle fait aussi preuve depuis quelques années d'une nouvelle politique plus agressive pour dissuader et contraindre ses ennemis intérieurs et extérieurs.
Ce rapport fait plus particulièrement état des moyens employés par la Chine pour étendre son influence à travers le monde, s'appuyant notamment sur les nouvelles technologies et la force de diffusion des réseaux sociaux. Sans obtenir un succès systématique, cette stratégie chinoise sert des intérêts économiques et politiques, mais surtout une ambition idéologique : faire tomber les puissances occidentales et remodeler le monde à son image.
Comment s'articulent ces stratégies d'influence ? Quels en sont les acteurs et les canaux ? Quel modèle la Chine cherche-t-elle à diffuser, voire à imposer ? Assistons-nous à un retour des stratégies de propagande maoïste ?
Nous en parlons ce matin avec Paul Charon, directeur du domaine "Renseignement, anticipation et menaces hybrides" de l'IRSEM et co-auteur du rapport de l'IRSEM : “Les opérations d'influence chinoise : un moment machiavélien”. Il est rejoint en deuxième partie par Alice Ekman, analyste responsable de l'Asie à l'Institut des études de sécurité de l'Union européenne, et autrice de "Rouge vif. L'idéal communiste chinois" réédition poche Flammarion (prix du livre de géopolitique 2020 et prix Aujourd'hui 2020).
L'invité des Matins de France Culture. Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 14 Octobre 2021) Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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