On dit souvent que
Janua Vera se lit avant
Gagner la guerre, ne serait-ce que parce que Mauvaise donne, une des nouvelles de
Janua Vera, est le préquel de
Gagner la guerre, avec son flamboyant salopard l'assassin Benvenuto Gesufal.
Moi, comme souvent, j'ai tout fait dans le désordre. Déjà j'ai commencé par les BD, superbes adaptations de Mauvaise donne et de
Gagner la guerre (toujours en cours), j'ai poursuivi avec
Gagner la guerre qui fut une claque monumentale, et c'est le tour maintenant du recueil de nouvelles, et ça passe crème je peux le dire, d'autant que l'on retrouve avec joie des allusions à certains évènements qui se déroulent dans
Gagner la guerre, notamment à Bourg-preux avec l'elfe Annoeth, également présent dans une nouvelle gratuite,
l'elfe et les égorgeurs.
Curieusement, Mauvaise donne, même si l'on y retrouve avec bonheur la gouaille de Gesufal, n'est pas la meilleure pour moi. L'intrigue politique est par moments tellement embrouillée qu'on y perd un peu son latin, notamment dans l'interrogatoire final, et j'avais eu la même impression dans la BD.
Je m'arrêterai là dans les réserves, plus serait pécher.
Car encore une fois, quelle leçon d'écriture. Deux ans après
Gagner la guerre, mon admiration se renouvelle, intacte.
Jaworski sait tout faire : la narration flamboyante et lyrique, les dialogues à couper au couteau, la poésie (notamment dans les descriptions, mais pas que), l'humour, l'épique... le tout avec un lexique à faire pâlir, mais qui ne donne pas pour autant l'impression d'en faire des caisses. Il peut parler de tous les sujets en donnant l'impression de les connaître sur le bout des doigts, que ce soit l'archerie médiévale ou l'art de peindre des fresques sur du crépis.
Incroyablement variées, ses histoires nous font voyager dans un monde tellement vivant, d'un roi Dieu vivant à un apprenti enlumineur, d'un scribe malchanceux à un prêtre du Désséché qui a fait voeu d'être emmuré vivant, d'un guerrier barbare aux abois à une paysanne aux rêves brisés par la dureté de la vie (la chute de celle-ci est terrible, même si je l'ai vue venir, mais il ne pouvait y en avoir d'autre).
Ça parle de tous les sujets qui intéressent le philosophe : la vie, la mort, la nature, le vieillissement, la guerre, la violence, la foi, la politique, la manipulation, la vanité, l'amour, l'art ...
Ça nous parle de nous, tout simplement, et ça en parle magnifiquement bien.
C'est tellement plus que "seulement" de la fantasy.
Ne vous y trompez pas :
Jaworski est l'un des plus grands écrivains français vivants, toutes littératures confondues. Et je pèse mes mots.
Et aujourd'hui, en 2022, il enseigne toujours le français dans un lycée de Nancy, je ne l'en admire que plus encore, et j'espère que ses élèves mesurent la chance qu'ils ont.