Ursula le Guin est décédée en 2018. Toutefois son oeuvre vit au delà. L'intégrale de son cycle de l'Ekumen ou monde de Hain a été publié sous forme de deux tomes qui regroupent romans et nouvelles l'année dernière. L'autrice a su construire un univers grâce à une narration limpide. On y retrouve des thèmes qui sont aujourd'hui dans l'actualité, même si son oeuvre est censée se dérouler dans un lointain futur. Féminisme, écologie, inégalités sociales, xénophobie... sont des thèmes que l'on retrouve de manière subtile dans le cycle l'Ekumen. Ce dernier est difficile à résumer car il est diffus. On est loin du cycle de Fondation d'
Isaac Asimov où l'auteur s'évertue à structurer son oeuvre.
Qu'est-ce que le monde Hain?
C'est une civilisation qui a disparu mystérieusement après avoir ensemencé différents mondes. Ces derniers ont continué à se développer. On retrouve ainsi des Cétiens, des Terriens... L'Ekumen essaye de récréer une sorte de fédération entre les peuples descendants de l'ensemencement des Hain. Cette fédération n'a pas de structure étatique. On est plutôt dans un ensemble culturel aux ramifications ténues. Il est question d'un ennemi, les Shing, mais on est bien loin d'une guerre galactique. Ce qui intéresse
Ursula le Guin ce sont les peuples constituant l'Ekumen. Elle tente de percevoir d'autres façons de penser. On peut dire qu'elle fait oeuvre d'ethnologue (études qu'elle a débuté) et de sociologue. Il faut dire qu'elle a baigné dès sa plus tendre enfance dans cet univers scientifique, ayant des parents anthropologues. On est loin de la littérature de science-fiction basée sur la technologie et la conquête de l'univers par l'homme. On est dans une science-fiction qui s'intéresse à l'autre. On découvre d'autres sociétés. Elle décrit ainsi la vie quotidienne de peuples. Elle relate leurs croyances. Ainsi, dans le monde de Rocannon, elle débute ce court roman par une
légende.
Il ne faut pas s'attendre à une narration limpide du point de vue de la chronologie. On peut retrouver des personnages communs dans certaines nouvelles. Mais, il n'y a pas d'arc narratif. A l'inverse, des éléments peuvent se contredire mais Ursula le Guin l'assume. En fait, son cycle suit son évolution comme autrice et comme femme. En effet, au début, son oeuvre n'est pas genré. Et ensuite, elle introduit de plus en plus de personnages féminins. Mais, ici, pas d'héröines "badass". Nous avons des scientifiques missionnées pour étudier d'autres sociétés et non des personnages venus pour les asservir. Il faut dire qu'
Ursula le Guin a débuté sa carrière dans les années 60 dans le contexte de la contestation de l'ordre établi en Occident, notamment dans les universités de Californie dont elle est originaire. On a l'impression en la lisant que c'est elle-même qui part à la découverte des mondes décrits.
Il est également très difficile de définir une unité dans de monde de Hain car les sociétés décrites avec minuties sont totalement différentes. le côté ethnologique prédomine. Aussi, on peut aborder chaque roman et chaque nouvelle de manière indépendante. On est à chaque fois dépaysé.