Le Labyrinthe des égarés : L'Occident et ses adversaires

Cette lecture m'est apparue comme une évidence alors que le Moyen-Orient s'embrase une fois encore. Cette tragédie émeut la communauté internationale, clivée en deux camps. Les États-Unis soutiennent Israël aveuglément; la Russie défend l'aspiration de la Palestine à un État digne de ce nom. L'Occident contre le reste du monde, rien de neuf.
Amin Maalouf retrace l'évolution tumultueuse d'un affrontement, en remontant loin dans le temps, développant le XXè siècle.
Il associe le Japon et la Chine à la Russie, adversaires majeurs de la civilisation blanche, le Japon étant le premier à défier les colons européens et américains, à coup de modernisation forcée, sur le modèle occidental. L'archipel va inspirer l'expansion de la Corée et de la Chine, celle-ci civilisation millénaire, prenant son envol lentement, Longue marche oblige.
Tout le contraire des États-Unis, jeune nation née de l'immigration européenne, actrice d'une ascension fulgurante au point de devenir le porte-drapeau de l'Occident, en superpuissance planétaire.
L'Union soviétique, longtemps adversaire désigné de l'Occident a sombré et a cédé sa place de challenger à La Chine, alliage d'économie capitaliste et d'idéologie communiste.
La Russie en est désormais réduite à des stratégies hasardeuses, renforçant l'Ukraine nation et l'Otan occidental. le dernier chapitre inclut les développements récents de l'actualité guerrière.
Vous me direz, ça tout le monde le sait.
Oui mais, comment ce monde bipolaire a-t-il émergé, ça c'est une autre histoire.
L'écrivain, ici historien, détend les ressorts de la géopolitique actuelle avec le talent du romancier. Il personnalise un récit passionnant en suivant des protagonistes célèbres, repris dans les manuels d'histoire et en pointant également sa plume sur des noms méconnus, intervenants décisifs dans le parcours d'un pays vers l'hégémonie régionale ou mondiale. J'ai appris énormément, à un niveau anecdotique aussi, notamment en découvrant l'origine du mot kamikaze et le nom du palais de Tokyo à Paris..
Amin Maalouf commente, donne son avis, ne juge pas, renvoie souvent les grands de ce monde dos à dos (avec un faible pour l'Amérique). Son propos est empreint d'humanité et de clairvoyance. Ses racines occidentale et orientale le posent en interlocuteur avisé.
Le nouveau secrétaire perpétuel de l'Académie française raisonne plutôt en termes de coopération internationale. Son observation de l'Histoire lui fait écrire que la détestation systématique de l'Occident mène à l'impasse. Au contraire, il y a intérêt réciproque à se mettre parfois à l'école de l'autre.
Amin Maalouf espère l'union des civilisations les plus glorieuses et les plus florissantes pour éviter l'effondrement écologique. Il renonce à prédire l'avenir car les rapports de force fluctuent. La politique de la canonnière est révolue, place à la guerre économique. le Japon et La Russie ont baissé pavillon, cédant la place aux deux nouveaux finalistes : les États-Unis et la Chine, dépoussiérée de son étiquette d'Empire du Milieu. Les paris sont ouverts, le monde va saigner, à moins d'admettre nous égarer en privilégiant la confrontation au détriment de la coopération .

Amin Maalouf montre encore une fois son talent pour les passerelles, les perspectives élargies et son sens poussé de la synthèse historique. Au travers de l'exemple de quatre pays, le Japon, la Russie, la Chine et les Etats-Unis, il examine le destin de ces pays qui ont voulu défier l'Europe, sans pour autant proposer un modèle de remplacement pérenne.

Ce qui caractérise ces quatre pays, selon Maalouf, ce serait "l'hubris", une forme particulière d'arrogance.. le Japon, a connu sous l'ère Meiji au 19ème siècle un fantastique décollage économique. Il a entrepris de se moderniser en s'inspirant de l'Occident. Les succès qu'il a rencontrés face à la Chine en 1895 et face à la Russie en 1905, lui ont donné envie d'aller plus loin, mais cela a entraîné le pays vers des aventures militaires trop ambitieuses (Corée,..) jusqu'à l'attaque de Pearl Harbour contre les Américains en 1941..

Le cas de la Chine est un peu différent puisque son décollage va avoir lieu beaucoup plus tard.. L'expansion économique a été fulgurante pendant les trente dernières années mais les dirigeants se sont quelque peu écartés des sages préceptes de Deng Xiaoping qui disait qu'il fallait rester modeste et garder de bonnes relations avec l'Occident comme avec le Japon.

Le système soviétique, quant à lui, après avoir attiré beaucoup d'enthousiasme, a fini par apparaître comme un repoussoir. de plus Maalouf montre comment des guerres liées à la faillite de l'URSS se propagent et durent.. La guerre est ainsi revenue au coeur de l'Europe.

Ce qui est bien rendu dans ce livre, c'est de montrer la part de responsabilité des pays occidentaux dans l'évolution de la Russie depuis 1989. Ainsi le soutien des Etats-Unis à l'Afghanistan, face à l'URSS, a eu des effets désastreux et qui se prolongent encore aujourd'hui. de même la victoire des USA face à l'Irak correspond en quelque sorte à une "mixed blessing" (une sorte de demi-victoire), avec une devoir de reconstruction du pays qui n'a pu être réalisé. Ce qu'ils ont magnifiquement réalisé en Europe au sortir de la guerre avec le Plan Marshall, n'a pu être reproduit malheureusement, que ce soit dans le cas de la Russie, de l'Afghanistan ou de l'Irak.

J'ai particulièrement apprécié les passages évoquant l'histoire de la Chine: en quelques pages nous voyons défiler des passages essentiels et pas toujours connus de l'Histoire mondiale: ainsi lorsque le prince chinois Zhu Di, aussi appelé Yongle, arrive à dominer les mers vers 1402, grâce à un amiral de génie: l'amiral Zheng He, issu d'une famille de hauts fonctionnaires musulmans de Boukhara.

Les guerres de l'opium en Chine au 19ème siècle sont remarquablement analysées, ainsi que leur impact dans les relations Occident/Asie.. le rôle de la redoutable impératrice douairière Cixi (Tseu-Hi) qui refuse les réformes et qui joue un rôle dans la révolte des Boxers, est très bien rendu aussi..

Bref ce livre est captivant pour tous ceux et celles qui s'intéressent à la géopolitique et à L Histoire.

Je termine à l'instant cet essai de Maalouf.

Ce n'est habituellement pas mon genre de lecture mais une interview de l'auteur à la radio entendue partiellement m'a donné envie de me plonger dans ce livre. Son 'la chute du mur de Berlin est un Hiroshima inversé' m'a notamment interpellé.

De Maalouf, je gardais un souvenir de romans dans les années 90 qui m'avaient beaucoup plu. Je ne l'avais plus lu depuis toutes ces années.

Et ce 'Labyrinthe des égarés' a été un vrai plaisir de lecture et d'apprentissage historique. Comme beaucoup, je connaissais pas mal des éléments relatés mais leur mise en perspective en parallèle est absolument remarquable et permet d'établir des connections insoupçonnées et une meilleure compréhension de la géopolitique du 20ème siècle.

Le faire lire à tous les étudiants de 16-17 ans serait certainement utile!

J'ai tellement apprécié ce livre que j'en publie une critique... moi qui n'ai plus rien écrit depuis quelques mois par paresse.

Ce livre m'a montré l'étendue de mon ignorance sur des pans d'histoires que je ne connaissais pas ou trop peu.
L'auteur oriente notre regard vers des directions, des territoires que l'enseignement scolaire n'aborde pratiquement pas . L'histoire que nous apprenons au lycée est auto centrée ( histoire de France et pratiquement rien d'autre).
Donc, ici, Amin Maalouf nous plonge dans celles du Japon à partir du 19eme siècle , de la Russie soviétique jusqu'à nos jours et de la Chine contemporaine.
De nombreux éléments mis en évidence m'ont permis de mieux comprendre les liens de cause à effets qui émaillent l'actualité jusqu'à récemment (guerre de la Russie contre l'Ukraine).
L'auteur nous montre également que les avancées réalisées par les pays européens , et plus tard américains du nord à partir du 16eme siècle, se sont toujours inscrites sous l'angle du conquérant qui agit pour son profit sans pratiquement jamais avoir l'envie de partager.
Cette situation a créé énormément de ressentiment et, alors que nous devrions tous nous rassembler à présent pour affronter le réchauffement climatique, nous sommes tous englués dans le labyrinthe de nos visions remplies d'orgueil, de jalousie, d'égoïsme.
Comme l'indique l'auteur, " nous avons parfaitement les moyens de sortir de ce labyrinthe. Encore faut-il commencer par admettre que nous nous sommes égarés".

Une dernière observation sur le plan formel : alors que le sujet pourrait faire craindre un ouvrage trop pointu, cet essai est rédigé de manière totalement fluide, simple et donc claire avec , très souvent, des fins de chapitres qui ne donnent qu'une envie, celle d'aller découvrir la suite.
Ce livre m'a convaincu d'aborder d'autres écrits de cet auteur.

Dans le Labyrinthe des égarés : L'Occident et ses adversaires, Amin Maalouf nous parle de la domination de l'Occident sur le monde depuis l'époque de la Renaissance. Puis, avant de s'intéresser aux États-Unis, la seule superpuissance actuelle, il nous décrit les expériences de trois pays qui se sont opposés à la brutalité de l'impérialisme occidental. le point commun de ces pays (Japon, URSS, Chine) est qu'ils sont tous partis d'une rhétorique anti-impérialiste et que, encouragés par leurs premiers succès, ils se sont tous transformés en régime dictatoriaux et impérialistes eux-mêmes.

Le Japon est le premier cité car il fût le premier à s'opposer. Pays faible et renfermé à l'origine, il s'est considérablement développé à la fin du 19ème siècle, ce qui lui a permis de vaincre les Russes en 1905. C'était la première fois qu'une armée européenne était battue, et le Japon a reçu un prestige considérable dans le monde entier (et particulièrement dans le monde arabe). Fort de cette position, les Japonais ont envahi la Corée, puis la Chine, où ils ont fait 20.000.000 de morts (dont 17 millions de civils), sans parler des autres pays asiatiques où ils ont fait régner la terreur. Triste bilan pour un pays qui se voulait anti-impérialiste.

Le deuxième pays étudié est l'URSS. le pouvoir soviétique était issu d'une révolution contre le régime tsariste, c'est donc tout naturellement qu'il s'est posé en défenseur de l'opprimé partout dans le monde. Et les abus (réels) qu'il dénonçait lui ont donné une crédibilité que ses actions ne méritaient pas. Comme le Japon, l'URSS a profité d'une victoire (2ème guerre mondiale) pour devenir à son tour un régime impérialiste qui a étouffé toute l'Europe de l'Est pendant des décennies et a plongé des pays du Tiers-Monde dans la misère en leur appliquant ses théoriques économiques inefficaces. Il suffisait pourtant de regarder la situation intérieure du pays pour voir que ce régime était une horrible dictature qui a fait des dizaines de millions de morts parmi ses citoyens.

Le troisième pays étudié est la Chine. Victime des Occidentaux au 19ème siècle, victime des Japonais dans les années 1940, et enfin victimes de son propre gouvernement pendant la folie des années Mao. A la mort du grand timonier, et sous l'impulsion de Deng Xiaoping la Chine va se réveiller, gardant une façade communiste mais agissant comme le plus libéral des capitalistes pour atteindre un développement économique d'une rapidité rarement constatée dans l'histoire. Et là aussi, la réussite leur est montée à la tête, et aujourd'hui la Chine investit massivement dans son armée, menace Taïwan et grignote tous les territoires qu'elle peut en Mer de Chine. Ça c'est pour la partie impérialisme territorial, l'impérialisme économique est à l'oeuvre lui aussi et la Chine est particulièrement active en Afrique où elle gagne la confiance des pays producteurs de matières premières nécessaires à son industrie.

La dernière partie concerne les États-Unis, superpuissance mondiale depuis presque un siècle. Contestés, mais invaincus, les Américains restent les maitres du jeu mondial. Amin Maalouf nous montre les faiblesses du système, qu'il attribue en partie au sentiment d'invincibilité qui dérive de leur position dominante.

Le livre se termine sur des problématiques très actuelles, telles que la guerre en Ukraine, le duel entre les États-Unis et la Chine, ou encore la nécessité de faire face au changement climatique. Amin Maalouf essaie d'insuffler un peu d'optimisme devant une situation qui parait mal engagée.
La lecture du Labyrinthe des égarés est parfois un peu ardue, ce n'est pas un livre qui se lit distraitement sur un coin de table, mais il est très bien expliqué, bien documenté et les analyses sont pertinentes. Autant de raisons de se plonger dans sa lecture.

Un ouvrage qui tombe à pic pour essayer de comprendre la complexité du monde d'aujourd'hui. Il s'agit de l'affrontement entre le monde occidental et ses adversaires. Amin Maalouf utilise un langage compréhensible et précis, bien sûr il fait des raccourcis, mais pour ceux qui ne sont pas spécialistes de la diplomatie mondiale, c'est parfait pour s'y retrouver.
A lire tranquillement en restant concentré, ça se lit bien mais ce n'est pas si facile malgré tout.

15eme siècle, l'Occident entame sa Renaissance puis sa Révolution industrielle, préludes à son irrésistible ascension vers la conquête du monde et sa suprématie globale.
D'un côté un Occident arrogant, colonisateur et dominateur. En face, des peuples dominés, humiliés et malmenés.
Ce qui se passe en Ukraine et au Proche-Orient sont les illustrations de cet Occident à travers son chef de file, la machine à broyer américaine.

Les États-Unis sont la citadelle de l'Occident et le gendarme du monde. Ils se comportent comme s'ils étaient habilités à gérer, à leur convenance, les problèmes de l'humanité entière. Ils ont une fâcheuse propension à ne pas se plier au droit international. Les peuples n'ont d'autre choix que d'être leurs larbins où leurs ennemis.

A travers l'histoire, des pays ont tenté vainement de remettre en cause la suprématie de l'Occident. le défi que la Chine a lancé à la suprématie de l'Occident pourrait se révéler bien plus sérieux que les précédents.

Je partage la même inquiétude qu'Amin Maalouf pour le monde d'aujourd'hui.
Les 2 superpuissances, la Chine et les États-Unis sont dans une logique d'affrontement et de suprématie. Elles ne lèvent pas le petit doigt pour parer aux dangers qui guettent le monde et le menacent dans son existence : dérèglement climatique, réchauffement de la planète, désertification, fonte des glaciers, famine, épidémies….

Comme lui, je rêve d'un monde réconcilié, apaisé, dont personne ne serait exclu. Je rêve d'une humanité dont les différentes composantes éprouveraient l'envie de donner et de recevoir, d'influencer les autres et de s'en laisser influencer, sans humilier personne ni se laisser humilier.

Une lecture enrichissante, hautement recommandée

Panorama historique brillant autour de quatre pays qui auront marqué le monde, chacun à sa manière : le Japon, la Russie, la Chine et les Etats-Unis. Quatre pays, quatre poids lourds de l'épopée humaine, qui auront connu par les hasards des temps, de la culture, de la politique et de la géographie des moments d'inflexion qui les auront propulsés au pinacle et qui tous auront cédé aux sirènes de l'hubris pour commettre ce qu'aucun groupe humain ne devrait jamais faire. Pour le malheur de leurs propres populations trop souvent et de celles qui eurent la mauvaise idée d'être des voisins à portée de canon.

Si Raymond Aron avait pu écrire : « L'Histoire est tragique », l'historien académicien Maalouf ne vient certainement pas le contredire. Son érudition incroyable confirme avec talent et une plume délicieuse qu'en effet, elle est tragique. Il ajoute néanmoins, avec modestie et délicatesse qu'elle peut être, par moments, belle et même admirable.

Un livre magnifique qui réussit le tour de force de nous faire faire un petit tour du monde et de l'Histoire en 400 pages qui se lisent comme un roman et qui nous en apprennent plus que tous les livres réunis.

A lire.

Ukraine, Hamas, Israël, Yémen, Iran, Russie, Arménie, Congo… etc…
Autant de guerres qui nous donnent l'impression que le monde est devenu fou, qu'il est de plus en plus violent. Les traumatismes du passé ressurgissent, une menace de guerre nucléaire plane…
Amin Maalouf résume et analyse ici avec honnêteté et une grande objectivité les événements historiques qui expliquent les interactions mondiales.
Pourquoi tous ces conflits internationaux ? Quels en sont les éléments déclencheurs ? Pourquoi ces parties de bras de fer entre la Russie, la Chine, les USA et l'Occident ?
Ce livre peut, sans doute, paraître à certains experts, trop synthétique. En ce qui me concerne, il est à ma portée. Je vais même devoir le relire et surligner quelques passages pour mieux retenir la foultitude d'informations qui y sont emmagasinées.
J'ai ainsi pu découvrir des événements que je méconnaissais totalement et comprendre parfois les liens qu'il y a entre eux ou même comprendre comment le passé peut expliquer le présent et influencer l'avenir.
Cet ouvrage me semble très bien documenté et constitue à mes yeux, une véritable fresque historique à laquelle je pourrai toujours me référer si besoin.
Ce livre est particulièrement instructif, très pédagogique et très bien écrit. Je le conseille à toutes les personnes qui, comme moi, se sentent perdues dans ce labyrinthe géopolitique.

Comme dans les Croisades vues par les Arabes, Maalouf nous remet l'histoire et les interactions des grandes puissances en perspective.
D'une grande érudition, mais facile à lire et ponctué d'anecdotes. Saviez vous que le dirigeant chinois Deng Xiaoping a été ouvrier chez Schneider au Creusot ? Ou que la brasserie Tsintao a été fondée par les allemands en 1903 ?
Mais il nous met aussi en garde, n'avons nous donc rien retenu pour foncer tête baissée vers l'affrontement US-Chine et la débâcle climatique