Après avoir lu La perle de Steinbeck, qui évoque la misère des premiers habitants de la Californie et la tentative de changer de vie de l'un des habitants, j'ai enchaîné avec
Relevé de terre de
Saramago. Dans ce livre, il est également question de misère et de résistance mais d'une façon différente.
Saramago narre la vie de plusieurs générations d'une famille de journaliers agricoles sans terre de l'Alentejo, une région agricole très pauvre. Où les terres appartiennent à quelques familles qui font la loi dans tous les domaines.
Le roman commence par l'aïeul alcoolique qui se suicide. Mais il est également fait référence à un viol d'une jeune femme par un Allemand. Viol originel dont sont témoins les yeux bleus extrêmement rares dans cette région dont héritent certains membres de la famille.
On va suivre la vie de cette famille de la misère la plus crasse aux tentatives d'obtenir de meilleurs conditions de travail et de quoi se nourrir en travaillant, en passant par les mouvements de répression des manifestations et jusqu'à la torture.
Les noms de famille sont très importants chez
Saramago.
Ils jouent un rôle dans la narration. Mon hypothèse est confirmée par une thèse trouvée sur le net.
1- La famille des ouvriers agricoles se nomme Mau-tempo (mauvais temps en Portugais).
2- Les prêtres qui se suivent et se ressemblent pour être du côté des propriétaires s'appellent Agamedes. Ils expliquent aux travailleurs journaliers sans terre, véritables serfs du début du 20eme siècle que la société ne doit pas changer et que le paradis viendra après la mort.
3- Les propriétaires des latifundium (Larousse : Grand domaine agricole exploité extensivement et de façon archaïque) ont des noms similaires : Norberto, Alberto, Dagoberto,…
«… en observant les personnages, le lecteur découvre que les latifundiaires sont toujours désignés à partir du même radical proliférant d'origine germanique (Berto signifiant en allemand « brillant »). Au fil des siècles, depuis le temps de Lamberto Horques Alemão aux années immédiates post-Révolution des Oeillets, ils répondent aux noms de Lamberto, Norberto, Alberto, Dagoberto, Sigisberto, Gilberto, Clariberto, Angilberto, etc. …
Les autorités policières ou fonctions affiliées répondent à des dénominations relevant d'une logique associative. Les rimes intérieures enfouies dans ces appellations sont à comprendre dans la double perspective de la sémantique et de la pragmatique. D'ailleurs pour
Maria Graciete Besse (2008), des noms comme tenente Contente, cabo Tacabo, sargento Armamento, Escarro ou Escarrilho n'ont pas été choisis au hasard et assument une fonction contrastante, celle évaluatrice qui sert l'effet critique prétendu par l'auteur. »
https://fastef.ucad.sn/liens/LIEN32/liens32_article18.pdf Liens, Revue Internationale des Sciences et Technologies de l'Éducation, N°1, décembre 2021
Ce roman est une vraie mine de références. Elles sont bibliques, historiques (colonisation par les Portugais, Immigration en France, …), littéraires (ainsi José Gato : tel un robin des bois Portugais).
C'est un livre dense et intense. le Temps, le qualifie, de Germinal Portugais. https://www.letemps.ch/culture/livres/releve-terre-jose-saramago-germinal-portugais
C'est un style bien particulier parfois poétique, parfois très factuel. Des images belles et fortes. Une vie de paysan, de misère.
Saramago a une connaissance de cette misère et de cette condition. Ses termes reflètent cette connaissance.
Un narrateur qui entrelace ses réflexions à l'histoire de cette famille et à l'Histoire du Portugal.
Une Histoire où les évènements mondiaux, à une époque où la plupart sont illettrés, sont quasiment inaperçus. Il est ainsi question de la première et de la seconde guerre mondiale, de la dictature de Salazar, des guerres en Angola et en Inde dans les ex-colonies Portugaises mais en passant…
Certaines allusions ne sont compréhensibles que par de fins connaisseurs de la culture, de l'histoire lusophones dont je ne fais pas partie. Mais en effectuant des recherches sur internet, j'ai appris beaucoup.
Ainsi j'ai découvert que les deux personnes à qui
Saramago a dédié ce livre Germano Santos Vidigal et José Adelino dos Santos et dont
Saramago raconte respectivement la torture et l'assassinat dans le roman, n'ont pas de fiche wikipedia ni en français ni en Portugais mais le site du musée dédiés aux résistants et victimes de la dictature salazariste relate leurs histoires :
https://www.museudoaljube.pt/doc/germano-vidigal/
https://www.museudoaljube.pt/doc/jose-adelino-dos-santos-2/
https://www.youtube.com/watch?v=u9DUZlKqIX4
C'est une très belle découverte que
Saramago, Nobel 1998. Que je compte bien poursuivre en lisant d'autres de ses oeuvres.
Enfin ayant rencontré de nombreux termes que je ne connaissais pas ou peu, je me suis fait un abécédaire que je vous livre.
Cet abécédaire contient également des termes que j'ai noté car symboliques de cette oeuvre ou dont la définition n'était pas limpide en ce qui me concerne.
A comme :
Agamedes : le nom de tous les prêtres présents dans ce roman qui font alliance avec les propriétaires terriens et tiennent les serfs en leur apprenant que la récompense sera après la mort. Des prêtres très collaboratifs…
Alentejo : région la plus pauvre du Portugal.
Antienne : 1. RELIGION : Refrain liturgique repris par le choeur entre chaque verset d'un psaume.
2.AU FIGURÉ : Chose que l'on répète, que l'on ressasse.
Appert : En droit, être apparent. (Usité seulement à l'infinitif et à la 3e personne de l'indicatif présent : il appert.) ancien français apparoir, du latin apparere, apparaître.
B comme :
Bouteselle : nom masculin invariable. ANCIENNEMENT Sonnerie de trompette annonçant le départ à des cavaliers.
C comme :
Carabe : coléoptères prédateurs de nombreux ravageurs du jardin.
Casaquin : n.m. Au xviiie s., vêtement de femme descendant un peu au-dessous des hanches.
Châlit : Jusqu'au XVIIe s., synonyme de lit. Aujourd'hui, cadre en bois ou armature métallique de lit.
Chassie : Substance gluante et jaunâtre qui s'accumule sur le bord des paupières. Je comprends maintenant l'adjectif chassieux…
Ciste : 1. Dans l'Antiquité, panier, corbeille, d'usage religieux notamment.
2. Coffret en bronze surmonté d'un couvercle.
3. Tombe préhistorique constituée de quatre dalles de chant et d'une cinquième formant couvercle.
Custode : 1. Partie d'une carrosserie automobile située latéralement, à l'aplomb des roues arrière, entre le toit et la ligne de ceinture.
2. Boîte à parois de verre dans laquelle on enferme l'hostie consacrée. Synonyme : lunule
D comme :
Deutéronome ; Cinquième livre du Pentateuque, code de lois civiles et religieuses, charte de la réforme religieuse de Josias (622 avant J.-C.).
Le nom « Deutéronome », ou « Seconde Loi », vient de ce que ce livre est présenté comme une seconde rédaction de l'oeuvre législative de Moïse.
Dévoration : (en langage recherché) fait de dévorer, de manger un être humain, de faire du cannibalisme.
Dilacérer : DIDACTIQUE : Mettre en pièces. Je connaissais lacérer mais pas dilacérer. Dilacérer un acte : PAR EXTENSION : Détruire avec violence.
E comme :
Empeigne : 1. n.f. (cordonnerie) Dessus (d'une chaussure), du cou-de-pied jusqu'à la pointe. Loc., fig., pop. [Le plus souvent employée comme injure] Gueule d'empeigne. Visage laid, désagréable, antipathique ; p. méton., personne désagréable, antipathique
2. Personne bavarde, qui a le verbe haut.
Emphytéotique : L'"emphytéose" ou " bail emphytéotique" est un type de bail fait pour une durée de plus de dix-huit ans minimums et de quatre-vingt-dix-neuf ans maximum.
Entretoise : Pièce qui sert à relier dans un écartement fixe des poutres, des pièces de machine.
F comme :
Fandango : danse
Fressure : n. f. Ensemble des gros viscères d'un animal (coeur, foie, rate, poumons)
Fourmi :
Saramago utilise cette image, à plusieurs reprises pour montrer l'insignifiance des gens de cette terre et leur masse compacte (ou perçue comme tel par les propriétaires des terres). Parfois des fourmis, parfois des chiens (suivant qui il fait parler).
G comme :
Gerfaut : faucon
H comme :
Haquenée : Petit cheval ou jument allant l'amble, et qui était jadis une monture de dame ou de voyage. Amble étant une façon de marcher…
Houssine : Vieilli. Baguette de houx ou de tout autre bois flexible, employée notamment pour faire aller sa monture ou battre les tapis, les vêtements.
Huppe : Touffe de plumes érectiles qui coiffe certains oiseaux.
J comme :
José Adelino dos Santos : Un homme assassiné lors des répressions de manifestations. Ce livre lui est dédié.
L comme :
Latifundium : Grand domaine agricole exploité extensivement et de façon archaïque
Lombes : Régions postérieures de l'abdomen, situées de chaque côté de la colonne vertébrale, au-dessous de la cage thoracique, au-dessus de la crête iliaque. (d'où lombaire)
Léviathan : MYTH. Animal monstrueux d'apparence imprécise dans la tradition phénicienne et mentionné dans les livres bibliques comme un poisson ou un crocodile.
M comme :
Myrrhe : gomme-résine aromatique produite par l'arbre à myrrhe
N comme :
Nosologique : Partie de la médecine qui étudie et qui classe les maladies d'après leurs caractères distinctifs.
P comme :
Pélagique : DIDACTIQUE : Relatif à la pleine mer, à la haute mer.
R comme :
Ridelle : Balustrade, pleine ou à claire-voie, placée sur les côtés du tablier d'une charrette, d'une remorque, d'un camion ou d'un chariot de manutention, et destinée à contenir les marchandises.
S comme :
Salmigondis : n.m. Mélange disparate et incohérent. Je trouve ce mot très rigolo.
T comme :
Tilbury : voiture hippomobile
Tomàs : élu président de la République en 1958 et réélu en 1965 et 1972. Pendant cette période, le Portugal est dirigé par le régime autoritaire de Salazar dans lequel le président de la République ne remplit qu'un rôle de figuration.
U comme :
Uniforme : l'armée et la police comme instrument de torture, de gardiennage des intérêts des plus puissants. Avec une réflexion sur le choix de l'individu dans cet uniforme.
V comme :
Germano Vidigal : Ce livre lui est dédié. Mort sous la torture,
Saramago décrit une séance de torture, vu par les yeux d'une fourmi.
Y comme :
Yeuse : n.f. Autre nom du chêne vert.