AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Jessica Farm tome 1 sur 1
EAN : 9781606999233
104 pages
Fantagraphics (19/05/2016)
4/5   1 notes
Résumé :
The story opens with an exterior of a Midwestern farmhouse. Once inside, we follow our titular heroine as she bounds out of bed on Christmas morning, going about her usual routine with her father and grandparents. The banality of the situation is underpinned with a building sense of dread, as it transpires that her situation is far from normal: Jessica's house is full of creatures. Some are whimsical, some sexual, some frightening, some despairing and some malevolen... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre, au mode de création des plus particuliers. Il contient les planches réalisées entre janvier 2000 et décembre 2007, à raison d'une par mois. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, écrite, dessinée et encrée par Josh Simmons. Ce créateur est également l'auteur de House et Black River. La suite de cette histoire se trouve dans Jessica Farm 2, soit les pages réalisées de janvier 2008 à décembre 2015.

L'histoire commence le matin du jour de Noël, alors que le soleil se lève sur une ferme, dans une région où brille un beau soleil. Il ne semble pas faire très froid, car par la suite Jessica Farm s'habille d'une robe d'été, ce qui semble lui suffire pour sortir dehors. Jessica bondit hors de son lit, et dit bonjour au petit singe jouet sur sa commode. Ce dernier est doué de conscience et lui répond gentiment. Alors qu'elle s'excite à l'idée de découvrir les jouets sous le sapin, elle ouvre la porte de sa chambre et se heurte à la silhouette de son père. Ce dernier lui suggère de descendre rapidement pour ouvrir ses présents, ce qui a pour effet de déprimer Jessica.

Elle sort dans le couloir et se rend à la salle de bain pour prendre sa douche. Une fois sous le jet d'eau, elle prend le savon, et dans le porte-savon, se tient un groupe de 5 musiciens minuscules (chanteur, contrebassiste, guitariste, saxophoniste et batteur). le chanteur s'adresse à elle et lui propose de les rejoindre dans 20 minutes à un grand concert donné dans le grenier. Pendant qu'elle se savonne, le groupe interprète une chanson pour lui tenir compagnie. Une fois lavée, elle se rend dans sa chambre, s'habille et commence à gravir le long escalier qui mène au grenier.

Le texte en quatrième de couverture explicite clairement qu'il s'agit du premier tome d'un projet à long terme. L'auteur a imaginé de réaliser cette histoire à raison d'une page par mois, sur une durée de 50 ans. Ce premier tome comprend 96 pages, soit toutes celles réalisées pendant 8 ans de 2000 à 2007 inclus. En découvrant le graphisme, le lecteur pense immédiatement aux oeuvres de jeunesse de Chester Brown, comme The little man et Ed the happy clown. Si la similitude graphique est bien là, l'esprit créatif de Josh Simmons est quand même beaucoup moins troublé que celui de Chester Brown, et beaucoup moins bizarre, scatologique ou gore. Dans un premier temps, Josh Simmons détoure les formes avec un trait un peu gras, un peu irrégulier, ce qui donne une apparence un peu amateur aux images. Il trace les bordures de case avec le même trait gras à l'épaisseur fluctuante, un peu irrégulier. le format des pages est inusuel (carré) ce qui ajoute encore à l'impression d'oeuvre confidentielle et très indépendante.

Rapidement il apparaît que l'artiste est plus compétent qu'il n'y a paraît. Il maîtrise assez bien les principes de la perspective. Il dessine des endroits et des accessoires variés. Au fil de ses pérégrinations, Jessica sort de sa chambre, utilise la salle de bain, visite le grenier, repasse par sa chambre, traverse une salle à manger. À chaque fois, il s'agit de lieux avec un aménagement spécifique, des meubles adaptés, et une configuration spatiale qui fait sens. En fonction des pages, Josh Simmons insère plus ou moins de détails dans ses cases. Certaines pages se déroulent dans une obscurité quasi-totale, avec uniquement le contour de la silhouette de Jessica qui se devine. Dans d'autres pages, le lecteur peut passer du temps à observer les peluches sur l'étagère au-dessus du lit de Jessica, le carrelage de la salle de bain, les anneaux du rideau de douche, les palmiers dans la pièce à vivre du Capitaine, ou encore les meubles en bois des grands-parents.

En ayant en tête la particularité de la réalisation de cette bande dessinée, le lecteur prend chaque page comme une unité narrative en essayant d'y déceler ses particularités. Josh Simmons réalise peu de dessins pleine page, ce qui tombe sous le sens car un dessin unique ne raconte pas beaucoup de choses. Il compose des pages comprenant généralement 5 ou 6 cases, plus rarement 2 ou 3. le récit avance donc régulièrement. Sur 96 pages, il y en a 38 de silencieuses, ou uniquement avec un effet sonore, ou des onomatopées. Dans ces pages sans texte, l'artiste fait montre de sa capacité à raconter uniquement de manière visuelle. le lecteur comprend immédiatement ce qui est montré, sans problème d'interprétation.

L'histoire propose de suivre Jessica du début jusqu'à la fin ; elle apparaît donc dans toutes les pages, comme personnage principal. Elle est représentée avec un corps assez fluet, mais déjà formé, avec des seins et du poil au pubis que le lecteur aperçoit quand elle est sous la douche. Il se produit alors une petite dissonance narrative dans la mesure où le début indique qu'elle est encore en âge de recevoir des cadeaux à Noël, et qu'elle a conservé toutes ses peluches, mais elle a déjà un corps d'une jeune fille de 15 ans. Avec la représentation de sa nudité, l'auteur brise l'un des tabous majeurs des comics américains en représentant une adolescente mineure, pubère et nue. Étrangement tous les personnages ne disposent que de 4 doigts par main, à commencer par le père (une simple silhouette dans l'ombre, sauf pour ses 2 mains revêtues de gants du même modèle que ceux de Mickey). Enfin Josh Simmons a choisi de dessiner une tête un peu plus grande que nature à ses personnages, à commencer par Jessica, ce qui s'apparente à nouveau à une perception d'enfant de son propre corps.

Le scénariste Josh Simmons a imaginé des scènes très étranges, voire perturbantes, dont le dessinateur Josh Simmons s'acquitte sans broncher, d'une sorte de charnier de bébés derrière le mur de l'escalier, à un adolescent nu trempant ses testicules dans un bol de soupe pour lui donner plus de goût. Dès le départ, il règne effectivement une ambiance onirique. L'artiste réalise des dessins descriptifs, mais le récit s'éloigne de la réalité, naviguant entre rêve éveillé et surréalisme. Arrivé à a dernière page, le lecteur se dit que l'ensemble forme un tout cohérent dont la conception ne donne pas l'impression de s'être étalée sur 8 ans. Jessica se lève et accomplit ses rituels habituels, jusqu'à devoir fuir de la ferme. Elle se lève, se lave s'habille, part faire le tour de ses amis, avant de descendre pour rejoindre son père, ce qui constitue une séquence narrative continue, sans hachure du fait de la réalisation page par page à un mois d'intervalle.

Le fait qu'elle parle à son jouet singe sur sa commode pourrait signifier qu'il s'agit de sa façon de voir le monde, de prêter une conscience à des objets inanimés. Mais la suite d'aventures farfelues et fantasques qui s'en suit montre qu'il s'agit plutôt d'un récit à prendre comme un conte. À de rares reprises, le scénariste se montre très explicite, en particulier quand Jessica évoque le comportement brutal de son père. Dans la majeure partie des cas, il enfile les situations extravagantes et absurdes sans leur donner d'interprétation. Bien sûr les bébés abandonnés pourraient évoquer le potentiel de procréation de Jessica, et sa rencontre avec le capitaine évoque sa sexualité versant plaisir. Mais les bijoux de famille dans le potage ne se prêtent pas une interprétation claire ou évidente. Bien sûr, le groupe de lilliputiens peut se voir comme la radio ne jouant que pour le bénéfice de Jessica sous sa douche, mais que faire du concert donné par le grand orchestre dans le grenier ? Est-ce un fantasme de Jessica qui voudrait pouvoir jouir d'un grand orchestre ne jouant que pour elle ? Pourquoi pas. Mais pourquoi pas tout autre chose ?

La dimension onirique est renforcée par ces pages sans mots échangés. Dans les pages 32 à 33, Jessica monte un autre escalier en colimaçon, avec une rambarde, pour déboucher sur une terrasse au soleil. Est-ce à nouveau une façon de sublimer le réel (un petit escalier étroit donnant accès au toit) ou autre chose ? Pour redescendre, elle utilise une barre de pompier, pour une chute contrôlée qui semble correspondre à plusieurs étages, en tout cas plus que n'en comporte la ferme. le plaisir enfantin qui se lit sur le visage de Jessica fait naître un sourire sur celui du lecteur, indépendamment de toute signification. S'il n'est pas certain qu'il faille voir une dimension psychanalytique construite dans cette succession de situations rocambolesques, il est certain que le créateur sait transmettre au lecteur les sensations de son personnage. Elle semble toute entière dans l'instant présent, plus comme une enfant que comme une adolescente. D'ailleurs au bout du tome, elle n'aura toujours pas ouvert ou vu ses cadeaux de Noël.

Ce premier tome laisse le lecteur sur une impression indéfinissable. La quatrième de couverture l'a averti du caractère expérimental du récit, de sa réalisation fragmentée sur plusieurs années. Au final, il repose sur un fil directeur plus logique que prévu (cette fuite en avant vers une destination inconnue), parsemé d'arrêts plus inattendus que prévus. le lecteur peut l'apprécier comme un récit onirique, assez inventif, avec quelques touches d'horreur, quelques loufoqueries inexplicables, une sorte de poème respectant une logique interne non explicite, sous forme d'une aventure débridée. Il peut aussi opter pour une lecture psychanalytique en identifiant des symboles passés dans la culture générale, en s'interrogeant sur d'autres séquences qui restent muettes. Il peut préférer se laisser porter par les faits et gestes de Jessica et se contenter de ressentir les sensations qu'ils génèrent abandonnant toute velléité de rationalisation. 4 étoiles pour une expérience qui sort des sentiers battus, réalisée par un artiste compétent avec une forte identité personnelle.
Commenter  J’apprécie          20


Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1091 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}