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EAN : 9791022612043
228 pages
Editions Métailié (06/05/2022)
3.76/5   34 notes
Résumé :
Lire ce livre s’apparente à boire un verre dans un bar avec un inconnu, un inconnu intéressant. Ce premier récit est l’histoire d’un journaliste qui a vécu à Bahreïn mais qui n’était pas sensé y aller. Il nous raconte son voyage, d’abord avec l’étonnement d’un premier regard, puis avec la profondeur d’un excellent chroniqueur : des détails les plus simples (et pourtant invraisemblables), comme chercher une maison à louer, jusqu’aux détails plus précis de l’implantat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Au dernier classement de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières, Bahreïn pointe au rang 167 sur 180.
L'auteur, qui y a vécu pendant deux ans aux alentours de 2014-2016, s'est bien gardé de brandir sa carte de presse en débarquant dans ce tout petit royaume (de la taille de l'île de Minorque) du Golfe Persique. Il y rejoignait sa compagne, affectée à Bahreïn pour raisons professionnelles.
Pendant qu'elle travaillait, notre homme visitait le pays, discutait avec ses habitants et les expatriés et en tirait suffisamment de matière pour écrire ce livre, qui se situe quelque part entre chronique de voyage et reportage.
On y découvre, en même temps que lui qui en ignorait à peu près tout, que Bahreïn est un pays dont 85% de la population est chiite, mais qui est gouverné par une monarchie (tendance absolutiste) sunnite, situé à une encablure de l'Arabie Saoudite et en face de l'Iran de l'autre côté du Golfe. C'est aussi une terre riche en ressources pétrolifères, et le premier pays musulman à avoir dépénalisé l'homosexualité. Les expatriés occidentaux s'y sentent comme des coqs en pâte, les travailleurs immigrés du sud-est asiatique beaucoup moins, esclaves modernes exploités par des employeurs abusifs qui confisquent leur passeport la plupart du temps.
Malgré sa relative tolérance religieuse (la plus avancée du Golfe), Bahreïn est loin d'être le paradis de la liberté d'expression ou de la démocratie. En témoignent certains courants rigoristes wahhabites et chiites, la répression féroce du Printemps arabe local par les autorités (avec l'appui du « bienveillant » du voisin saoudien), les discriminations institutionnalisées dont les chiites sont victimes, la corruption endémique.

D'anecdotes personnelles en informations sur la géopolitique et l'histoire du pays et de la région, sur l'impact de la construction des îles artificielles, sur le sectarisme religieux et les tensions sociales ou sur les efforts de communication (de propagande) du régime pour redorer son blason après 2011 en attirant les célébrités occidentales, l'auteur nous livre avec humour et humanisme, intelligence et lucidité, un portrait très instructif et agréable à lire de Bahreïn, ce petit pays... contrasté (euphémisme).

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Les rues sont désertes, la température frôle les 50°C, loin de l'Andalousie, Emilio s'en est parti. Direction le Bahreïn, une minuscule île dans le Golfe, qu'un pont unique la relie à l'Arabie Saoudite, vue sur des îlots artificiels, face au Qatar. Voilà pour situer. Je prends un verre au bar du Gulf Hotel d'Adliya en sa compagnie, expatrié espagnol. J'aurais envie de dire plusieurs verres même tant la conversation d'Emilio est riche et passionnante. Assis sur le haut tabouret de ce comptoir, les yeux fatigués par la poussière de sable, par les néons du bar, je l'écoute, silencieusement, presque religieusement, c'est l'heure de la prière. Il a un oeil, celui d'un étranger venu découvrir un pays sous ses différentes facettes, en gardant toujours un esprit ouvert mais critique. Les sunnites contres les chiites, bien entendu, ou inversement, peu importe. Un peu touriste, un peu expatrié, un peu voyageur, un peu reporter. Carnets de routes dans le Golfe.

Bahreïn, pour les non initiés du Golfe Persique, est avant tout un grand prix de Formule 1, une équipe de cyclisme, de grands noms du triathlons. Les fils du roi semblent bien aimé le sport, tout comme ses voisins qataris qui investissent en masse dans le football. Une façon peut-être d'exister dans les médias occidentaux autrement qu'à travers les travers de cette société. Bahreïn semble avoir un côté ambigu. Une monarchie à la fois ouverte et fermée. Des femmes se promènent, des homosexuels existent, des manifestations revendiquent. Jusqu'au jour où... L'équilibre est fragile et le répression survient du jour sans lendemain. En fait, sortie de sa façade éclairée, le Bahreïn peut afficher une toute autre couleur. A la lumière de l'Occident, c'est loin d'être multicolore. Les arcs-en-ciel ne brillent guère dans le ciel, pour ça, il faudrait un peu de pluie qui tombe des étoiles. Mais seul les grains de sables semblent portés par le vent, les cris de douleur, de torture ou de morts sont dissimulés derrière les tempêtes de sables ou la sono des hôtels aux étoiles aussi nombreuses que le regard porté dans le ciel peut en compter, des hôtels de luxe sur des îlots artificiels ou une jet-set tout autant artificiel manifeste leurs séjours, de Michael Jackson à Kim Kardashian ; le Bahreïn, ce petit parc d'attraction au coeur du Golfe.

Lire ce livre, c'est boire un verre dans un bar avec un inconnu intéressant, promettait l'éditeur. Il m'a suffit de cette petite phrase pour m'intéresser à ce pays. Je l'ai ainsi découvert en compagnie de son auteur, dans le salon climatisé d'un hôtel ou d'une datcha de luxe. Mais s'il a une vie d'expatrié, il n'en oublie pas moins les bahraneïnites, chiites ou sunnites, de tous sexes, de toutes classes, de toutes opinions. Et pour chaque nouvelle facette, il n'omet pas de mentionner les nombreux esclaves, qui eux ont encore le moins droit à la parole, à la vie, ces asiatiques venus en nombre pour servir la grandeur d'un royaume au pouvoir. La violente répression au printemps arabe de 2011 est l'image même de ce pays, plus que les victoires sur un Tour de France ou des Formules 1 sur un circuit que les caméras ne se retournent pas pour voir des champs de pétrole ou des pneus de manifestants brûlés dans des rues aux ronds-points vidés de leur opposition et apeurées, surveillées par le bruit incessant des hélicoptères. Passionnant, pas la répression mais le regard d'un auteur, une tempête de sable dans la littérature caniculaire de voyage, une île sous artifices.
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Une Datcha dans le Golfe , le titre a attiré mon attention .
Dès les premières pages je me suis rendu compte que je ne connaissais rien du Bahreïn là où se déroule ce récit , récit car il ne s'agit pas d'un roman .
L'auteur Emilio Sánchez Mediavilla est un journaliste espagnol qui a vécu à Bahreïn pendant deux ans de 2014 à 2016 , il rejoint sa compagne qui y travaille .
Il nous livre un récit passionnant , étonnant sur cette monarchie .
A première vue , surtout pour les expatriés , la vie semble bien agréable par rapport à la vie dans les pays voisins L'Iran er surtout l'Arabie saoudite .
Pays de contraste puisque l'homosexualité est y acceptée depuis peu mais très peu tolérée malgré tout , les terribles brimades , épreuves réservées à la population de confession chiites , la monarchie en place étant sunnite et pourtant la grande majorité de la population est chiite .
La révolution de 2011 a été matée dans le sang .
Malgré tout le pays essaie de redorer son blason , de developer le tourisme en créant par exemple des îles artificielles .
Emilio Sánchez Mediavilla vient de recevoir le Prix Nicolas Bouvier qui est décerné lors du festival Étonnants voyageurs.
Un livre que je vous recommande chaleureusement.
Un grand merci à #netgalley et aux éditions Metailié .
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Le titre de ce livre fait presque rêver. Il m'a communiqué une idée d'exotisme et de secret : que vient faire une datcha, résidence secondaire russe, dans le Golfe ?
L'auteur Emilio Sánchez Mediavilla nous parle de lui, de sa compagne Carla, des raisons qui les ont faits s'installer à Bahreïn : elle est là pour le travail, envoyée par sa société, lui, journaliste, l'a accompagnée, tout simplement, et déjà, les démarches pour pouvoir vivre avec sa conjointe, pour pouvoir louer un appartement, ont de quoi nous étonner, nous, occidentaux. Il a du temps, il travaille à domicile. Il parle des rencontres qu'ils ont faites, des amitiés qu'ils ont nouées, et qui furent pour lui une des portes d'entrée pour connaître Bahreïn, son présent et son passé.

En refermant ce livre, j'ai éprouvé de la colère, non envers l'auteur et son essai, dont l'écriture renoue avec le genre du récit de voyage, mais parce que j'ignorai tout ce qui est narré dans ce livre. Je ne me rappelle pas avoir lu ou vu quoi que ce soit sur les événements survenus lors des manifestations de 2011, sur la répression, les actes de torture, les exécutions, la fuite des dissidents ou de ceux présentés comme tels. Nous ne savons rien, ou presque rien. Rien ne se passe non plus de la part des puissances mondiales (comme au Yémen, me souffle-t-on).
Pourquoi ? Est-ce à cause du poids financier de ce petit pays ? de la puissance de la monarchie qui est à sa tête ? de la complaisance des grandes sociétés qui, comme pour ce qui se passe dans la Formule 1, feignent de se renseigner mais ne veulent surtout pas perdre leurs avantages financiers ? Faut-il voir aussi le travail (si, si) fait par la monarchie bahreïnienne pour donner une image lisse de son pays ? Après tout, elle ne réprime pas l'homosexualité – même si elle n'apprécie pas du tout les homosexuels. Elle accueille fréquemment des stars occidentales, qui disent tout le bien qu'elle pense de ce pays – pensons à Kim Kardashian ou à Michael Jackson, qui vécut un an dans ce pays, sous la protection d'un des princes de Bahreïn (oui, même Emilio Sánchez Mediavilla avait du mal à y croire, et pourtant, c'est bien vrai).
Bahreïn est un petit pays, au vue de sa superficie. Il est très grand au vue des terres inoccupées par la populations, toutes celles qui appartiennent à la famille régnante. Pour des expatriés, qui vivent plutôt bien, qui peuvent avoir des loisirs, découvrir la culture et le poids de la religion dans ce pays, combien de travailleurs immigrés mal traités, combien d'esclaves modernes ? Difficile à chiffrer.
Une datcha dans le Golfe est un livre à découvrir : il vient de recevoir le prix Nicolas Bouvier – Étonnants voyageurs 2022.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Bahreïn, pour les amateurs de sport, n'est pas totalement une terra incognita, ne serait-ce que pour son Grand prix de Formule 1 ou encore ses athlètes qui, pour la majorité, viennent d'Afrique et ont été naturalisés contre espèces sonnantes et trébuchantes. Comme l'explique le journaliste espagnol Emilio Sanchez Mediavilla dans Une datcha dans le Golfe, le pays dépense beaucoup d'argent pour redorer son image, même si ses efforts semblent moins voyants que ceux du Qatar ou des Émirats arabes unis, par exemple. L'auteur a passé deux ans à Bahreïn, au côté de sa femme en mission professionnelle, et a essayé de comprendre le fonctionnement d'une contrée pas vraiment connue pour être un havre de liberté, même si elle est largement moins blâmable que ses puissants voisins, L'Iran et l'Arabie Saoudite. Avec sa forme de grand reportage, très documenté, Une datcha dans le Golfe pose la question de la vision occidentale des choses, inévitable, et dont l'auteur semble conscient, raison pour laquelle il donne très souvent la parole à des Bahreïniens, en particulier à ceux qui dénoncent les exactions du régime. le livre revient très longuement sur les événements de 2011, le "printemps arabe" local, et insiste sur la domination sunnite et les pressions (euphémisme) subies par les chiites, ceux-ci représentant pourtant la majorité de la population. C'est d'une manière journalistique plus que littéraire que Sanchez Mediavilla trace un portrait très à charge d'un pays qu'il n'hésite pas in fine à comparer à l'Argentine de Videla. Des regrets tout de même pour cet ouvrage : que la partie allouée à ses impressions personnelles et à son quotidien ne soit pas plus développée et puis que la main d'oeuvre asiatique (en vérité, des esclaves modernes), très nombreuse, n'apparaisse que comme personnage secondaire. Il est vrai que recueillir les témoignages de ces "invisibles" était difficile et sans aucun doute dangereux pour cet immigré temporaire qu'était Sanchez Mediavilla, au statut privilégié.







Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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critiques presse (3)
LaLibreBelgique
16 août 2022
"Une datcha dans le Golfe" : entre comique extravagant et sérieux de l’analyse.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Liberation
07 juin 2022
Aborder une petite monarchie du Golfe en Candide sans fascination, ni mépris, ni convoitise est plutôt inhabituel. Il l’est encore plus de réussir à raconter avec intérêt et humour la vie dans le plus méconnu des pays de la péninsule arabique, où l’on pourrait mourir d’ennui.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeFigaro
29 avril 2022
Voyage au Bahreïn, petit pays schizophrénique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Dans le jardin il y avait un bar en bambou, genre paillotte de plage. Chaque invité était obligé de servir à boire pendant un moment. Je critiquais toujours ce genre d'idées, mais je découvrais ensuite les avantages d'avoir à ma disposition un défilé loquace de la faune expatriée : des ingénieurs galiciens qui baragouinaient en arabe avec l'accent des Rías Baixas, des stagiaires françaises du centre culturel de l'ambassade, des étudiants saoudiens en escapade pour le week-end, des hôtesses de l'air philippines des Emirats arabes, des étudiantes soudanaises, des Libanais qui idéalisaient la nuit de Beyrouth, des Algériens mariés puis divorcés avec des Ecossaises indépendantistes à la chevelure frisée, des artistes bahreiniens qui exposaient leurs œuvres dans des cliniques d'orthodontie, des écologistes syriennes véganes qui travaillaient dans des entreprises pétrolières, des artistes canadiennes cabotines qui avaient troqué l'anonymat à Berlin pour les applaudissements et la reconnaissance dans le microcosme bahreinien, des Serbes qui essayaient de faire classer patrimoine mondial par l'Unesco les tumulus funéraires de la civilisation disparue de Dilmun, des Egyptiens spéculateurs de terrains gagnés sur la mer qui portaient des chemises moulantes qui soulignaient leurs mamelons, des Espagnols conseillers du ministère du Tourisme, des Bahreïniens de Riffa qui arrivaient en dérapant avec leur Porsche, des Druses divorcées, des photographes argentins obsédés par le yoga, des constructeurs greco-chypriotes qui roulaient les joints comme s'ils tissaient des tapis en soie. Restaient hors de ce défilé et de ces fêtes les garçons du parc et les amis bahreiniens qui jamais de leur vie n'étaient allés dans un bar et qui me demandaient parfois quelle sensation cela faisait de boire un verre de vin.
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Le Gulf Hotel d'Adliya abritait le seul magasin d'alcool de Bahreïn, divisé en deux rayons différenciés : l'un pour les esclaves, à l'esthétique de hangar dépouillé - sol noir, caisses empilées dans un certain désordre, éclairage ténu - et l'autre "pour le reste", expatriés et Arabes, qui se déployait luxueux et attrayant comme une boutique design. Ici, la climatisation était plus forte et la lumière plus intense (avec différentes intensités et couleurs pour la cave à vin vitrée et le cellier à vodka), la gamme de produits beaucoup plus variée et chère, les employés à la caisse enregistreuse beaucoup plus obséquieux avec le client. Chacun avait sa propre porte d'accès et de sortie, ce qui assurait aux deux mondes de ne pas se mélanger. J'avais coutume d'aller au rayon des esclaves, car la bière y était moins chère ; à la caisse, au moment de payer, mon imposture éclatait au grand jour : j'étais là avec mon pack de 24 grandes canettes d'Efes Pilsen, alors que les hommes esclaves - je n'ai jamais vu une seule femme dans le magasin "pauvre" - n'emportaient qu'une ou deux canettes chacun. Tout le monde avait ses boissons enveloppées dans des sacs noirs, genre sacs-poubelle. Dans la partie noble, où tu avais parfois envie de rester des heures à flâner, tu avais tes boissons enveloppées dans des sacs de couleur crème au logo de l'hôtel : comme les sacs noirs, ils étaient opaques, pour ne pas blesser les sensibilités rigoristes. La viande de porc aussi était cachée. Les supermarchés vendaient ce produit dans des rayons à l'écart, hors de la vue, comme le rayon porno des anciens vidéoclubs. Il y avait des caissières qui détournaient le regard, épouvantées, quand elles voyaient un paquet de bacon s'approcher d'elles sur le tapis roulant noir. Quand le commis qui mettait les courses dans des sacs s'en apercevait, il utilisait l'un des sacs comme un gant et il se jetait rapidement sur le bacon pour le passer lui-même au-dessus du code-barres et l'éloigner de la vue de la caissière, qui souriait, reconnaissante et soulagée. Ce geste me paraissait simple et beau. Je me sentais tellement embarrassé que j'ai arrêté d'acheter du porc.
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Entre les sunnites qui ont acclamé les blindés et les sunnites qui les ont subis il y avait les indifférents, ces jeunes dandys de l'élite, amateurs de voitures à grosse cylindrée et de Paolo Coelho, excellents animateurs des fêtes d'expatriés, drôles, charismatiques, soucieux du réchauffement climatique, dénonciateurs sur leur mur Facebook de la moindre injustice, sauf de celle qui leur permettait de garder leurs privilèges. Je me les imaginais comme ce play-boy libéral espagnol des années 30, peu croyant, pas du tout cul-bénit, connaisseur des avant-gardes artistiques européennes, qui se moque de l'esthétique martiale des hommes armés de la Phalange, mais qui respire avec soulagement quand Franco fait son coup d'État. Des gens comme H. qui, au milieu d'une fête, quand une certaine intimité s'était installée, disait des phrases comme : "Les chiites sont la majorité en quantité, mais pas en qualité." Ils parlaient des chiites avec ce même mépris avec lequel j'ai toujours entendu parler des gitans en Espagne.
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Adliya était une capsule en marge du reste du pays, et l'hôtel une tour de verre qui pendant les mois d'été transpirait des taches de vapeur comme la porte d'un sauna. Si tu avais de la chance et que tu tombais sur une chambre dans les étages supérieurs, la vue était formidable : des immeubles, des minarets, des terrains vagues, des autoroutes, les jardins du palais royal, le tout enveloppé parfois de cette brume sale de chaleur, de sable et de pétrole. A l'entrée de l'hôtel, il y avait un hall avec le sol en marbre, des colonnes dans le style baroque néo-babylonien et des lampes versaillaises. La propreté des couloirs relevait de l'obsession, frôlant la paranoïa, comme il correspond au luxe entretenu par des esclaves qui frottent sans interruption des sols de marbre blanc qui brillent comme des étangs. C'était le genre d'hôtel dans lequel descendent l'ambassadeur du Koweit le temps que les travaux de l'ambassade soient finis - m'a confié l'agent d'entretien bengali -, des hommes et des femmes d'affaires, certaines familles saoudiennes en vacances et beaucoup de marines américains. Par fois, tout ce petit monde se croisait au bar du Sherlock Holmes, le pub irlandais : le Saoudien en qamis, I'Américain bodybuildé et la prostituée philippine. [...] Le Sherlock était une cave gigantesque et sombre où plusieurs écrans de tailles variées retransmettaient toutes les ligues d' Europe et du golfe Persique. II était inévitable de détourner ses yeux de la Premier League pour s'intéresser aux matchs de la ligue saoudienne, que personne d'autre ne regardait : des joueurs d'une maladresse attendrissante, des supporters en qamis dans des gradins presque vides. Le saumon qu'on y servait était d'un orange de jus en poudre Tang, la serveuse éthiopienne nous connaissait par nos prénoms, le mac des putes philippines faisait un peu peur lorsqu'il jouait seul aux fléchettes, les groupes de marines criaient autour du billard comme des adolescents en voyage de fin d'année, quand bien même ces voyages les emmenaient parfois dans des destinations aussi peu appétissantes que l'Irak.
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La nervosité de sa voix et la loquacité de son récit semblent contredire son rétablissement. L'invasion, les arrestations d'amis et de parents, la persécution de la police, les menaces de mort reçues sur les réseaux par des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, le cri de ses enfants lui demandant de faire taire l'hélicoptère qui survolait leur maison, la peur aux check-points des soldats saoudiens. Il n'échappe à tout cela que lorsqu'il voyage en dehors du pays ou quand, de retour à Bahreïn, il se remémore quelques-uns des endroits qui l'ont le plus impressionné. II aime l'Andalousie non comme un territoire revendiqué à reconquérir, mais comme un rappel de ce que sa culture peut atteindre lorsqu'elle n'est pas occupée à s'autodétruire. De ce passé lointain il ne mythifie pas les conquêtes, mais l'architecture, les arts, les poètes. Également la cohabitation religieuse.
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Video de Emilio Sánchez Mediavilla (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emilio Sánchez Mediavilla
À l'occasion du festival Étonnants Voyageurs, Emilio Sanchez Mediavilla vous présente son ouvrage "Une datcha dans le Golfe" aux éditions Métailié.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2629645/emilio-sanchez-mediavilla-une-datcha-dans-le-golfe
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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