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Partant du principe que le conseil particulièrement avisé de ce roman « fuir dès la première baffe, voire même plus tôt si possible » ne visait que les victimes de violences conjugales et non pas les fans de Marie Vareille, qui ont pourtant également pris l'habitude de se prendre de belles claques au fil de ses livres, j'ai donc entrepris la lecture de son dernier roman. Ayant lu les avis dithyrambiques de ceux qui étaient déjà passés par là, je savais pourtant que le risque de m'en prendre une belle serait bel et bien présent…

C'est donc en victime consentante et la joue déjà tendue que j'ai entamé la lecture. Et, en effet, le malaise s'installe très vite dès les premières pages… quelque chose ne tourne visiblement pas rond dans la famille d'Abigaëlle… pas grave, je continue. Un sentiment qui s'intensifie malheureusement au fil des pages, l'ambiance devenant de plus en plus sombre, voire presque insupportable quand ce sont des enfants qui racontent l'horreur. Muni d'une dernière allumette que j'hésite à craquer afin de faire disparaître cette noirceur de plus en plus opaque, je continue d'avancer, mais le doute s'est totalement estompé, Marie Vareille est en grande forme et je vais m'en prendre une très belle, voire plusieurs, il ne reste plus qu'à découvrir quand, car la fourbe tend des pièges et a l'art de me retourner le cerveau, rendant la suite imprévisible, m'obligeant à rester, impossible de fuir, je veux savoir…même si ça va faire mal !

Je ne veux pas trop vous en dévoiler sur ce récit qui aborde le thème des violences conjugales et domestiques à travers le regard de ses victimes. Alternant les points de vues et voyageant dans le temps à travers le journal intime d'Abigaëlle, Marie Vareille partage le traumatisme d'enfants meurtris, balayant leur innocence au fil des pages et révélant progressivement les conséquences sur le long terme de ces violences subies pendant l'enfance.

Malgré la noirceur de son récit, Marie Vareille maintient constamment une petite flamme qui nous réchauffe le coeur. Une allumette à craquer, offerte dès la couverture, une main tendue par un voisin attentif et courageux, un psychiatre plus dévoué que nécessaire, une aurore boréale en Suède et une bonne dose d'amour et d'amitié permettent au lecteur et aux personnages de conserver un brin d'espoir tout au long de la lecture.

Voilà c'est fait, j'ai pris une grosse claque et je referme ce roman avec des étoiles et une aurore boréale plein les yeux. Mon fils était à Kiruna il y a deux étés, j'ai vu les photos, c'est splendide ces aurores boréales… un peu comme les romans de Marie Vareille !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Whaouh...
Je rechignais à le lire à cause du début du résumé [ "Abigaëlle vit recluse dans un couvent en Bourgogne" ]. Je me disais qu'une histoire de bonne soeur ne devait pas être folichonne, et bien, ça c'était avant, parce que c'est bien plus complexe et surprenant que cela.

Abigaëlle, du coup, observe le monde bruisser de loin, elle surveille juste son frère, qui vient la voir régulièrement, comme un métronome, et qui se raconte lors de ses visites. Et elle a peur pour lui (ou de lui, on ne sait pas trop...)
Et un jour Gabriel, rencontre une jeune femme lumineuse ...
Vous dire de quoi parle ce roman serait trahir le résumé qui est , ma foi, bien mystérieux. Tant mieux ! L'effet de surprise n'en a été que plus époustoufflant.. Et on plonge, on dévale la pente, on la remonte, puis on s'enfonce. (Dans la forêt...)
On tremble mais pas forcément pour les bonnes raisons. On place notre confiance en des personnages, puis Marie Vareille, fait "pshitt" et toute l'histoire en est modifiée.
J'avais deviné une des directions prises par l'autrice, mais pas l'autre : autant dire que j'estime m'être faite avoir comme une bleue ! Marie Vareille réussit avec ce roman un tour de magie, une pirouette, que dis-je : un virage, une fin majestueuse, aussi belle qu'une aurore boréale...
Marie Vareille, je la suis depuis ses tout débuts et c'est fascinant de la voir évoluer, s'emparant de sujets toujours différents. Là, le thème est grave, d'actualité, pesant, violent...
Pour contrebalancer les faits, les passages d'extraits de journaux d'Abigaëlle enfant, sont d'une naïveté désarmante, presque poétiques. Ils font penser aux contes pour enfants. [ "C'est absurde , on dirait un conte pour enfants" , page 224 ]. Mais certaines fois, les contes sont cruels, Marie Vareille ne l'est jamais, mais réaliste, certainement.

Une intrigue parfaitement maitrisée.
Un roman nécessaire, traité avec légéreté, délicatesse, bienveillance et brio .
Eblouissant...
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Suite à un traumatisme survenu pendant son enfance, Abigaëlle vit, depuis maintenant 27 ans, à l'abbaye Sainte-Marie-de-la-Saône, à Genevigny, en Bourgogne. Si elle a fait voeu de silence, elle reçoit malgré tout la visite de son grand frère, Gabriel Mancini, deux samedis par mois. Auteur, illustrateur et peintre reconnu, il a, notamment, reçu de nombreux prix pour sa série d'Abi Colibri. Un personnage dont Abigaëlle en est la source d'inspiration. Pendant ces visites, il ne manque pas de lui parler de sa vie, de ses projets et, fait nouveau, de sa petite amie, Zoé Boisjoli. Une jeune institutrice lumineuse et pleine de joie. Mais Abigaëlle connaît son frère mieux que personne, elle sait les démons qui l'habitent, elle sait le traumatisme qu'il a subi aussi. Bien que sa mémoire défaille par moment, Abigaëlle tient à raconter son histoire, son enfance, notamment à travers son journal intime, et son frère...

Elle a un don, Abigaëlle, pour nous saisir dès les premières pages puisque l'on assiste à un enterrement. de qui ? On l'ignore mais on le suppose. Puis se dessine, à travers ses confidences et son journal, commencé alors qu'elle a 7 ans et que le Dr Hassan lui a conseillé d'écrire, son enfance au sein d'une famille dysfonctionnelle (son papa qu'elle adore, sa maman la fée et son frère qui l'enferme et lui met des torgnoles), le drame qui a bouleversé sa famille et qui a entraîné le départ de son frère. Ce frère, justement, qu'elle connaît, dont elle redoute les agissements et dont elle voudrait tant protéger la belle Zoé. Elle a un don, à coup sûr, Abigaëlle, puisque l'on croit (naïvement ?) tout ce qu'elle nous confie. Pourtant, l'on était prévenu : sa mémoire est défaillante... Et ces confidences passées et présentes, entre lesquelles s'entremêlent les épanchements d'une patiente dans le cabinet du docteur Garnier, nous bousculent, nous heurtent, nous bouleversent, nous emmènent sur des chemins tortueux, boueux, malsains, et nous font voir, petit à petit, une toute autre vérité insoupçonnée et inimaginable. Avec justesse, malice et intelligence, Marie Vareille nous plonge dans une intrigue retorse, implacable, vertigineuse et brillamment mise en scène. Si l'ambiance (de par ses sujets traités) est sombre et tendue, elle n'en reste pas moins lumineuse.
Un roman diabolique et captivant...

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« Il sait que pardonner l'impardonnable, c'est juste donner l'autorisation de recommencer »
Avec toujours un sens très aigu (et efficace) de la construction, sur le thème éprouvant des violences faites aux femmes , Marie Vareille propose un roman palpitant et émouvant. L'histoire d'une fratrie meurtrie, racontée avec beaucoup de sensibilité (et de nombreux rebondissements 😉).
Un conseil : préparez vos mouchoirs pour aller dans les pas d'Abigaëlle et Gabriel !
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Ce roman nous emmène à la rencontre d'Abigaëlle, une jeune femme qui s'est retirée dans un couvent en Bourgogne, il y a quelques années déjà. Rapidement, on comprend qu'elle est ici suite à un évènement traumatique que son esprit a oublié, ou peut-être enfoui. Depuis, elle doit vivre avec ses trous de mémoire. Gabriel, son frère, artiste reconnu, lui rend visite une fois par semaine, qu'il pleuve ou qu'il vente. Alors qu'elle a fait voeu de silence, lui parle beaucoup, de sa vie, de Zoé surtout. Mais Abigaëlle aimerait ne pas écouter, ne pas entendre ce qu'il a à dire, car elle seule sait quelle part d'ombre se cache derrière l'artiste.

La dernière allumette nous plonge dans la vie de ces personnages, alternant entre le présent et le passé, grâce à des extraits du journal intime d'Abigaëlle enfant. J'ai été incroyablement émue par la voix de cette jeune Abi, si fraîche, si innocente ! Grâce à ce journal, nous allons partager des moments importants de leur enfance, au sein d'une famille que l'on comprend vite dysfonctionnelle.

Abi a sept ans lorsque sa psychiatre, le docteur Hassan, l'incite à écrire ce qu'elle ressent dans des cahiers. Il faut dire qu'Abi est une petite fille particulièrement intelligente, le genre qui pense en arborescence. Ses paroles sont d'autant plus percutantes qu'à travers son regard d'enfant, sa situation familiale semble tout à fait ordinaire. Son papa est gentil, elle l'adore et il l'adore aussi, d'ailleurs, il aime clamer sa fierté au monde entier. Seulement voilà, son papa est violent avec sa maman, ce que notre regard d'adulte perçoit d'emblée. Derrière les mots, derrières les actes, entre les lignes, tout transpire la peur, la violence et l'emprise pour qui veut voir.

J'ai beaucoup aimé la belle relation entre Abi et son frère Gabriel, ensemble, envers et contre tout. Il la protège, la rassure, la pousse à avancer. Mais lui, qui va le protéger ? Elle semble pourtant consciente de "l'anormalité" de sa famille, ce qui l'incite plus tard à conclure un pacte avec son frère bien-aimé. Pour éviter de reproduire malgré eux cette violence, pour briser cette chaîne infernale, aucun des deux ne devra se marier ni avoir d'enfants. Mais Gabriel a rompu ce pacte le jour où il est tombé amoureux de la merveilleuse, si radieuse Zoé. Une situation qui va raviver les inquiétudes d'Abi, et l'exhorter à se souvenir de cet évènement qu'elle semble avoir oublié et qui doit à tout prix émerger des tréfonds de son cerveau.

Il y a un côté tellement tragique dans ce récit, dans la conscience de cette violence, dans la peur latente de devenir bourreau aussi bien que victime. On assiste à l'enchaînement presque fataliste qui prend forme sous nos yeux dans le présent, auquel s'ajoutent les passages du journal d'Abi, comme autant de coups portés au coeur.

Les séances dans le cabinet du docteur Garnier sont éclairantes. On y constate la réalité du quotidien de ces femmes battues, (mais rappelons qu'il y a aussi des hommes battus), qui subissent une emprise physique et psychologique tellement importante qu'elles ne peuvent s'extraire de cette situation, pas seules du moins, voire pas du tout. Malgré tout, elles éprouvent encore un fort sentiment d'amour envers leur conjoint, auquel se greffe le souvenir des débuts d'une relation idéale, idyllique même, conforme à tout ce dont elles rêvaient, jusqu'à cette première fois où... Abi elle-même semble ressentir ce tiraillement profond. Elle aime son père car il est aimant avec elle, et en même temps, elle est consciente qu'il fait du mal à sa mère. Mais l'un ne peut pas aller avec l'autre dans son esprit d'enfant.

Mais, si l'on se fie à la boîte, il reste encore une allumette pour apporter la lumière, et « la lumière, c'est la seule chose qui soigne la peur et la colère ».

La dernière allumette est une histoire qu'on ne veut pas lâcher et dont l'intrigue en filigrane m'a subjuguée de bout en bout, retournée même, c'est le cas de le dire. Cela fait maintenant plusieurs jours que j'ai terminé ce roman, et il ne cesse de se rappeler à moi. Je pense souvent à cette histoire, à ces merveilleux personnages, à cette thématique si difficile qui devrait éveiller encore plus largement les consciences. Je pense à Abi, beaucoup, non sans émotions, et j'aimerais de tout coeur vous inviter à la rencontrer ! Un livre merveilleusement écrit, beau et émouvant.

Mon avis sur la version audio : ❤️
Dans la version Audiolib, La dernière allumette est lu par deux narrateurs brillants, Caroline Tillette et Renaud Bertin. Abigaëlle étant au coeur de ce récit, Caroline Tillette en est la voix principale et je dois avouer qu'elle m'a subjuguée sur tous les plans. J'ai ressenti une émotion immense à l'entendre lire les extraits du journal d'Abi. Je me suis laissée porter par les mots de cette enfant, que je chérissais déjà. J'ai entendu sa candeur, sa bienveillance, j'ai souri à ses pensées d'enfant. J'en ai encore les larmes aux yeux rien que de réécouter l'extrait audio choisi par Audiolib. Et les émotions sont parfois si intenses, qu'il fallait bien la voix de Renaud Bertin pour m'en remettre. Ce qu'on entend dans le cabinet du docteur Garnier est très dur, mais l'intonation de Renaud Bertin m'a permis de prendre du recul, de calmer mes émois. Un duo absolument fantastique, et une narration qui apporte un supplément d'âme à ce magnifique texte de Marie Vareille. Une écoute coup de coeur, comme cela m'arrive quand le roman et l'interprétation sont en parfaite harmonie !

Roman lu dans le cadre du Prix Audiolib 2024.
Chronique détaillée sur le blog.
Caroline - le murmure des âmes livres
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" La dernière allumette " de @marie_vareille aux @editionscharleston .

Il existe des livres où dès la lecture des premières lignes on sait que l'on va s'en éprendre et ne pas en ressortir indemne. J'en ai pourtant lu des livres sur ce sujet mais alors là… ! C'est l'histoire d'enfants meurtris dans leur chair et leur être, bafoués, l'innocence de leur enfance pulvérisée, des rêves envolés et une vie à mener « après ». D'enfants victimes collatérales qui feront partis des 3 sur 4 à être victimes ou bourreaux. C'est l'histoire d'hommes, qui n'ont pas eu la possibilité de le devenir, et qui avant même de faire des victimes le sont déjà d'eux-mêmes. C'est l'histoire de femmes, de mères, souvent totalement conscientes, mais avec une telle mésestime d'elles-mêmes, qu'elles acceptent résignées le monstre qui s'infiltre insidieusement…

C'est l'histoire d'un entourage qui souvent ne voit pas, ou ne veut pas voir, qui amoindrit parfois, est démuni souvent. Mais c'est aussi l'histoire de professionnels ou non, qui gardent leurs yeux, leurs coeurs alertes et font tout pour tendre la main d'une manière ou d'une autre. le « problème » de ce livre, qui n'en est pas un d'ailleurs, c'est que c'est tellement un chef d'oeuvre qu'il a semé dans mon coeur le chaos, réveillant et remuant en la petite fille que j'ai été et la femme que je suis une mémoire traumatique récente que j'aurais bien préféré garder enfouie. La fiction de ce roman se télescope tellement MOT pour MOT( ce que verbalisent les victimes, le déni, la honte, l'impasse, les argumentations du psychiatre etc) à la réalité que ça en est déstabilisant !

Marie a ce don immense de savoir nous mener là où on ne s'y attend jamais jusqu'aux dernières pages et à nous tenir totalement en haleine, en pleurs et oppressée (me concernant) tant c'est écrit avec autant de profondeur , de justesse, et avec une poésie dans le phrasé qui rend magnifique la lecture sans enlever une once de l'horreur décrite, de l'indicible.

Foncez lire cette sur-pepite !!
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C'est difficile pour moi de donner un avis à ce roman tellement je suis mitigée.
Avant de le lire pour la sélection du prix Audiolib, j'étais dubitative, réticente à l'écouter. Et finalement l'écoute a été très agréable. La voix féminine qui interprète Abigaëlle jeune puis adulte fait une belle interprétation du texte. Il a été agréable que la lecture se fasse à deux voix avec une voix masculine pour les chapitres menés par le psy et par Gabriel.
Le thème choisi par l'autrice est important, c'est un fait de société qui perdure au XXIe siècle malgré les avancées dans l'accompagnement des femmes victimes de violences conjugales. On ne parle pas assez de l'éducation des enfants, ils se construisent dans ce climat violent et en sont pour un grand nombre, prisonniers à l'âge adulte.

Mais qu'est-ce qui ne t'a pas plu me direz-vous ?
Le personnage d'Abigaëlle n'est pas fiable. Dès le début, elle hésite, elle dit avoir des trous de mémoire, les autres la pensent folle, ainsi le lecteur ne peut pas faire confiance à ce protagoniste, ce qui fait que nous sommes sur le qui-vive perpétuellement et sommes donc moins surpris lors de la chute.
Autre point qui me dérange, la fiction. Même si les personnages sont bien choisis, je suis dérangée que ce soit de la fiction, la situation est biaisée par les choix de narration. C'est une tragédie qui finit bien.

Ainsi je comprends que le roman plaise énormément mais pour moi ce n'est pas assez approfondi et une structure trop ficitonnelle pour l'importance du sujet traité.
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Paru le 05 mars dernier aux éditions Charleston, le nouveau roman de Marie Vareille « La Dernière Allumette » est bouleversant ! Une fois les premières pages entamées, impossible de reposer ce livre. Il vous happe, vous tenaille, vous émeut et plus rien autour ne pourra vous en distraire….

Depuis son couvent, Abigaëlle nous raconte l'histoire tragique de sa famille. Un père violent, une mère impuissante, et un grand frère Gabriel qui tente de les protéger des coups.

“Trois sur quatre : le nombre d'enfants ayant grandi dans un foyer violent qui deviennent à leur tour violents ou victimes de violence”

Bien qu'ayant empruntés des chemins bien différents, le lien qui unit Abigaëlle et Gabriel est indéfectible et inaltérable. Il domine tout le roman. A travers ces carnets d'écriture, Abigaëlle nous trace le combat de son grand frère pour surmonter sa colère et son mal-être, engendrés par un père violent. Mais comment ne pas reproduire ? Comment faire taire les démons qui sommeillent dans ses gènes ?

 » Dans la vie, de toute façon, il y a de l'ombre et de la lumière. La lumière, elle est pas distribuée pareil pour tout le monde. « 

Au fur et à mesure que l'on progresse dans la lecture, on sait que le drame sera inévitable. Mais la construction narrative est très originale et j'avoue que Marie Vareille a déjoué toutes mes certitudes.

Bouleversant et lumineux ! Bravo, c'est un réel coup de coeur !
Lien : https://missbook85.wordpress..
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« La dernière allumette », celle que vous gardez au fond de vos poches pourrait vous sauver des forêts sombres qui peuplent la bibliothèque de vos souvenirs à l'image d'Abigaëlle, narratrice du roman, qui vit recluse à l'abbaye Sainte-Marie-de-la-Saône à Genevigny. Depuis vingt-sept ans, elle a fait voeu de silence, mais cela ne l'empêche pas de parler de ses jeunes années auprès de son frère Gabriel, et de ses parents. Entre un récit « au présent » et ses mémoires de jeunesse consignées dans de nombreux carnets, elle livre ses pensées de petite fille, et observe l'existence de son frère « de loin ». Parallèlement, les différents récits sont entrecoupés de secrets livrés dans le cabinet du Docteur Garnier, dans lequel une jeune femme s'épanche et avoue les difficultés de son quotidien.

« Gabriel n'est pas celui que vous croyez. », incipit de « La dernière allumette ». C'est ainsi que s'exprime Abigaëlle au temps présent, elle qui s'ennuie tant au sein des religieuses qui évoluent en ce lieu. Elle se souvient de ce jour tragique, un enterrement. Qui réside à l'intérieur de ce cercueil ? Quelle tragédie est venue frapper le petit village de Genevigny ? Abi ne s'en souvient pas, mais dans ses carnets qui débutent en 1990, elle a 7 ans. Sur conseil de son psy, le docteur Hassan, elle couche ses pensées sur le papier pour « aider à ranger son cerveau », et aussi parce que ces carnets représentent son intimité, « parce que personne a le droit de lire ». Ses mots d'enfants sont touchants. Elle parle de son QI, « Le cui, ça veut dire que je suis une petite fille très intelligente », de ses difficultés à l'école, de sa maison et du grand vitrail du premier étage qu'elle associe à « du lard moderne ». À travers ses diverses réflexions, elle évoque sa famille. Son frère Gabriel, 10 ans, qui « met des torgnoles », sa mère « Maman est une fée. Même Papa le dit : c'est la fée Néante. », aide-soignante qui n'exerce plus son métier, car faudrait pas « (…) qu'elle en profite pour faire sa pute avec les médecins de garde. », son père « Il est super intelligent, mon Papa. Lui, il travaille en tant que personne dans un bureau. », le docteur Hassan que son père surnomme « Un Charlatan de psy ».

Lentement, le lecteur adulte sent que dans la famille Lemonnier, il se passe des choses pas très nettes et qu'Abi ne peut qu'appréhender les événements comme une enfant. le docteur Hassan l'aide à mettre de l'ordre dans ses idées tout en cherchant à savoir réellement ce qui se passe derrière les portes closes de sa maison « Quand mon cerveau a pas envie de comprendre quelque chose, il le cache très profond dans ma tête et c'est comme si j'avais tout oublié. C'est la mnésie à cause des tresses trop matiques. » Parfois, la vérité est difficile à formuler, parfois on la dissimule volontairement pour ne pas affecter son entourage, parfois on protège les autres en pensant que c'est nécessaire pour l'équilibre de tous. Où est la vérité ? Où est le mensonge ? Comment faire la différence entre les deux ? « Le docteur Hassan dit : ce n'est pas si compliqué, la vérité, ce sont les faits.

La vérité, ce sont les faits.

La vérité, ce sont les faits.

La vérité, ce sont les fées.

Ma maman est une fée, elle dit que tout va bien. de pas s'inquiéter.

L'essentiel, c'est de s'aimer. Mais parfois elle dit aussi : ça va mal se terminer. »

Dans le présent de « La dernière allumette », il est beaucoup question de Gabriel, ce frère devenu illustrateur et créateur d'une série de livres pour enfants dont le dernier opus « Les tragiques Mésaventures d'Abi Colibri » va bientôt paraître. C'est d'ailleurs à l'occasion d'une dédicace que Gabriel va rencontrer Zoé Boisjoli, une jeune femme solaire. « Dans la nuit froide qui habitait mon frère, Zoé venait de craquer une allumette. » Zoé est tout l'inverse de Gabriel. Telle une magicienne, elle transforme tout ce qu'elle touche en lumière. « Pourtant, la fée qui s'est penchée sur son berceau lui a donné un talent rare et inestimable dont ses interlocuteurs ne prennent conscience qu'après quelques minutes de discussion et qui a pris Gabriel par surprise : Zoé, depuis toute petite, maîtrise à la perfection l'art de la joie. »Pour Gabriel, si ténébreux, si impénétrable, secret, pétri de crises d'angoisse et de névroses, l'éclatante Zoé est un cadeau tombé du ciel. Mais Abi s'inquiète… quelque chose au fond de son coeur ne la laisse pas tranquille, sa mémoire lui fait défaut, son grand frère lui donne des soucis, le danger rôde sans qu'elle sache réellement pourquoi. « Mon cerveau est la plus grande bibliothèque du monde. Des étagères, à l'infini, chacune aussi haute que la voûte céleste. Vouloir saisir un souvenir, c'est chercher un livre précis dans cette immensité. » Marie Vareille joue alors avec les temps et les espaces, brouille les pistes en insérant des passages dans un cabinet de médecin où la jeune femme qu'il reçoit en consultation livre des faits et des non-dits qu'il faut décrypter.

En refermant « La dernière allumette », j'ai été dans un état proche de la sidération. Comme si, une étrangère avait mis des mots sur un vécu beaucoup trop tenace que je m'efforce, depuis tant d'années à oublier. La construction imaginée par Marie Vareille contribue largement à cette sensation de secousse psychologique. La façon dont elle s'y prend pour distiller les secrets, approcher les personnages en plongeant le lecteur dans le passé et les mots d'une petite fille face au présent, d'un combattant qui bataille d'abord contre ses propres démons est assez exceptionnelle. Je pense par exemple aux « torgnoles », à ceux qui affirment qu'Abi est « père-turbée », qui ne prennent véritablement leurs sens à la toute fin. En opposant l'ombrageux Gabriel à la lumineuse Zoé, elle m'a mise à terre. En expliquant à quoi correspond le tatouage de Gabriel, elle m'a crevé le coeur. En m'autorisant à entrer dans le cabinet du docteur Garnier, elle a attisé ma rage, profonde, omniprésente, lancinante et pourtant vieille d'au moins quarante années…

« La bibliothèque des souvenirs » est un cadeau bien empoisonné. le pacte que l'on fait avec soi-même face à l'enfant qu'on a été et la femme ou l'homme que l'on deviendra est bien lourd à porter, il nécessite une vigilance de tous les instants. Méfions-nous tous de l'ADN et des schémas si faciles à reproduire. N'oublions pas que l'enfance est le socle de toute construction et que lorsqu'il est bancal, abîmé, brisé, absolument rien ne peut le réparer quand on se barricade derrière son passé.

Marie Vareille dit des choses extrêmement justes et fondées sur la violence familiale en décortiquant le fonctionnement de ce cercle vicieux sous plusieurs angles. Pour ceux qui y sont confrontés : « La violence et la peur, ça reprogramme le cerveau ; même quand c'est fini, ça laisse des séquelles terribles. » Ceux qui l'ont vécue savent l'impossibilité devenue fondamentale de se faire tout petit, inexistant, transparent : « Nous avons été ces enfants funambules. Toujours en équilibre, toujours terrifiés à l'idée de la chute. le pire, c'était l'attente, parce qu'au fond, nous savions que le calme ne durerait pas. » Une enfance passée sur le qui-vive en attendant que ça explose, que ça se calme, que ça recommence encore. L'enfant qui a vécu dans une famille où la violence fait loi développe un sixième sens que vous n'imaginez pas. Non seulement il sent quand le vent va tourner, mais il sait aussi reconnaître les signes chez ceux qu'il côtoie : les yeux terrifiés qui se cherchent, les respirations qui se contiennent, les corps qui se recroquevillent. L'état de veille permanent est fort bien développé dans « La dernière allumette », de même que le mode survie enclenché dès la première gifle. L'image trouvée par Marie Vareille du « funambule » est d'une acuité rare et d'une lucidité saisissante.

Une telle enfance laisse des bleus que l'on ne voit pas, des séquelles que l'on n'imagine pas, un sentiment d'insécurité permanent présent une vie durant. « Mais j'avais oublié qu'on ne peut se sentir en sécurité nulle part, quand on a passé son enfance à être terrifié par ceux qui auraient dû nous protéger. »

« Les gens comme moi, ils reviennent de l'enfance aussi détruits que s'ils revenaient de la guerre. On devrait être contents d'en être sortis vivants, et c'est vrai, il y a des moments où ça va, où on est presque heureux. Mais certains jours, les séquelles sont tellement lourdes à porter qu'on regrette de ne pas être mort au combat avec ceux qui n'en sont pas revenus. » Je pleure sur ces vies meurtries, ces enfances soufflées, ces vies d'adulte contusionnées, cette recherche permanente de sécurité qui ne sera jamais assez, ces nuits à se réveiller en sursaut pour se souvenir qu'il n'est plus là et ne peut plus nous atteindre, ces colères inexpliquées qui montent, mais ne doivent pas exploser face aux enfants, ces câlins qu'il est si difficile de donner, ces « je t'aime » que l'on dit trop parce qu'on n'en a pas eu soi-même. Je pleure pour tous ces enfants désemparés qui hésitent entre dire et se taire, pour ceux qui se construisent des ailes pour s'envoler, pour ceux qui voudraient craquer « La dernière allumette ».

Toi l'enfant funambule, je te serre fort contre mon coeur. Toi seul sais à quel point « La dernière allumette » de Marie Vareille est une lumière dans l'obscurité. Comprendre les mécanismes, écouter les voix, accepter de baisser la garde pour faire entrer la lumière, ce sont de premiers pas vers l'apaisement. La quête de toute une vie, un combat quotidien entre l'enfant qu'on a été et l'adulte que l'on devient, une vigilance accrue qui ne disparaît jamais complètement.

« La dernière allumette » n'est pas juste un roman, c'est un phare dans les ténèbres de l'enfance saccagée.

Le roman des funambules…

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Ce roman, écrit par Marie Vareille, est un véritable bijou qui aborde avec une grande sensibilité et profondeur les thèmes des violences conjugales et des traumatismes familiaux. L'histoire est racontée par Abigaëlle, la petite fille surdouée de la famille, et dévoile les drames et les secrets d'un foyer dysfonctionnel.
Abigaëlle vit avec un père violent et une mère soumise, mais elle trouve réconfort et protection auprès de son grand frère Gabriel. Lorsque Gabriel rencontre Zoé, une femme rayonnante, c'est le coup de foudre immédiat. Cependant, leur relation est mise à l'épreuve par des secrets du passé, notamment les abus subis par Gabriel et la manière dont il a protégé sa soeur.
Marie Vareille parvient à tisser une intrigue poignante où plusieurs destins s'entremêlent. Abigaëlle, recluse dans un couvent depuis vingt ans avec une mémoire incertaine, et Gabriel, artiste reconnu, qui continue de la visiter régulièrement. À travers le journal d'Abigaëlle enfant, le lecteur découvre la violence qui régnait dans leur foyer.
Le récit est magnifiquement rythmé par une plume maîtrisée qui happe le lecteur dès les premières pages. Les indices subtilement disséminés tout au long de l'histoire prennent une importance capitale à mesure que le récit progresse, transformant ce roman grave en un véritable suspense.
Ce livre offre non seulement un regard intense sur les violences conjugales et leurs conséquences, mais il porte aussi un message d'espoir et de résilience. Les personnages, profondément abîmés par leurs expériences, cherchent à se reconstruire et à trouver un avenir malgré leur passé lourd. le retournement de situation dans l'intrigue pousse le lecteur à reconsidérer l'histoire sous un nouvel angle, ajoutant une dimension supplémentaire à la lecture.
En conclusion, ce roman est une lecture essentielle et émouvante, qui résonnera particulièrement avec ceux qui ont vécu ou connaissent des situations similaires. C'est un coup de maître de Marie Vareille, qui prouve une fois de plus son talent pour raconter des histoires profondes et bouleversantes.
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