Pour ce dernier épisode du Printemps des enfants, Murielle Szac lit des poèmes de Ceija Stojka, traduits par François Mathieu et accompagnés par des gravures d'Olivia Paroldi dans le recueil "Le tournesol est la fleur du Rom" !
/ le tournesol est la fleur du Rom, Ceija Stojka & Olivia Paroldi, Éditions Bruno Doucey, coll. Poés'histoires, 2020.
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Auschwitz ist mein mantel
du hast angst vor der finsternis ?
ich sage dir, wo der weg menschenleer ist,
brauchst du dich nicht zu fürchten
Ich habe keine angst.
meine angst ist in Auschwitz geblieben
und in den lagen
Auschwitz ist mein mantel
Bergen-Belsen ist mein kleid
und Ravensbrück mein unterhem.
Wovor soll ich mich fürchten ?
(Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l'obscurité ?
Je te le dis, là où le chemin est vide d'homme
tu n'as pas besoin de t'effrayer
Je n'ai pas peur
ma peur est restée à Auschwitz
et dans les camps
Auschwitz est mon manteau
Bergen-Belsen est ma robe
Et Ravensbrück mon maillot de corps
De quoi faut-il que j'ai peur ? )
Ils nous qualifient de minorité
et en plus en sont fiers
Eux mêmes se qualifient aussi de minorités
ce qui leur permet de mieux savoir agir
avec des gens
qu'ils ont entraînés
dans la minorité
Selon cette dénomination
ils sont la meule
des temps modernes
Administrations établies tous les bureaux
reportages télévisés bouleversent
les civilisations développées ne l'ont pas facile
quand elles instruisent la minorité
sur la société humaine
C'est comme ça qu'elles savent
à qui elles ont à faire
Quand en ces temps
des enfants viennent au monde
ils ont déjà un nom
Minorité
Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l'obscurité?
je te dis que là où le chemin est dépeuplé,
tu n'as pas besoin de t'effrayer
je n'ai pas peur.
ma peur s'est arrêtée à Auschwitz
et dans les camps.
Auschwitz est mon manteau,
Bergen Belsen ma robe
et Ravensbrück mon tricot de peau.
de quoi faut-il que j'aie peur?
Quand tu es seul, alors ça t'enveloppe. Parfois, la douleur tourne à la mélancolie. D'abord c'est la douleur, et puis ça devient si mélancolique que je pourrais fondre en larmes. Mais après, je sens le lien avec les miens, avec mon peuple, même si on a été tellement dispersés. Ce que les parents ont donné, c'est tellement puissant que ça te porte encore. Ils sont juste devant nous, mais ils sont toujours là.
Nous sommes un peuple qui dans le désespoir sait danser et chanter.
Le tournesol est la fleur du Rom.
Elle le nourrit, elle est la vie.
Et les femmes se parent de lui.
Il a la couleur du soleil.
Enfants, au printemps nous avons mangé ses feuilles
Jaunes délicates et à l’automne ses pépins.
Il était important pour le Rom.
Plus important que la rose,
Parce que la rose nous fait pleurer.
Le tournesol, lui, nous fait rire.
On mangeait aussi des lacets de cuir et on avalait de la terre. Quand il n’y a plus rien, tu manges tout, aussi des vieux chiffons !
Les notes de mes chansons en romani
sont toutes encore en désordre
la plus haute est perchée tout en haut
et la plus petite tombe d'un côté ou de l'autre.
Mes notes n'ont encore rien pour se tenir
elles se chamaillent aussi,
et ce, bien que je le leur aie dit.
Ayez donc un peu de patience, vous êtes
des notes en romani.
Et croyez-vous
que vous allez bien supporter les feux de la rampe
car enfin vous n'avez jamais encore connu la lumière ?
Vous étiez profondément enfouies dans le noir,
mais après les noires ténèbres
la lumière aussi à vos yeux paraîtra.
Moi
Ceija
je dis
qu’Auschwitz vit
et respire
aujourd’hui encore en moi
je sens aujourd’hui encore
la souffrance
Chaque brin d’herbe chaque fleur là-bas
est l’âme d’un mort .
Le ruisseau
Le ruisseau
était notre baignoire
la rue notre pays natal
notre pain
les hommes qui nous le donnaient
Notre souffrance personne ne la voyait
Nos morts gisent dans la terre
le pays où ils sont nés
La nature est notre première mère
Le vent est le frère du Rom
la pluie la sœur de la Romni
Et tout le reste va avec
/ Traduction de l’allemand (Autriche) François Mathieu